Archives de catégorie : Q36 – abab ba’a’b

Suprême Rose, orgueil de mon hiver, — 1945 (8)

Paul Valéry   Corona & Coronilla

Sonnet à Jean Voillier

A la Pétrarque

Suprême Rose, orgueil de mon hiver,
O le plus beau malheur de mon histoire,
Tu fais, ô fleur, qu’au dedans de ma gloire,
L’amour me ronge, et je vis de ce ver.

Douce à baiser, délicieuse à boire,
Ta bouche vaut les plus doux de mes vers
Et les regards de tes beaux yeux divers
M’en disent plus que toute ma mémoire.

Tu me fais mal de toutes tes beautés
Et de ton corps les tendres cruautés
Qaund je suis seul venant vives se peindre

Et dans la nuit me torturer dormant
C’est te chérir sans cesser de me plaindre,
Suave toi, LAURE de mon tourment.

Q36  T14  déca

Que de fois, sur le roc de la cime prochaine, — 1895 (6)

G.C. Thouron Coups d’ailes

Sur le roc

Que de fois, sur le roc de la cime prochaine,
Joyeusement assis j’épèle dans les cieux!
Que de fois, maudissant et la vie et sa chaîne,
En rêve dans l’azur je m’élève anxieux!

Devant moi la nature et ses champs spacieux
Voulant m’assujettir à leurs sollicitudes:
Non! comme à l’aigle altier, grand sur ces solitudes,
Il faut à mon esprit le faîte audacieux.

Ah! c’est dans ces hauteurs où plane le génie,
Qu’il soit épris d’amour ou de pure harmonie,
Que mon âme enivrée en un sublime chant,

De contemplation et d’idéal plus belle,
Sacrifiant un monde aux prix d’une étincelle,
Avide, boit à flots les rayons du couchant!

Q48 – T15 – bi

Encaissé dans les bois, au fond d’une prairie, — 1866 (7)

Louis Goujon Sonnets. Inspirations de voyage

L’étang de Heussey
A madame Hyacinthe de Pontavice de Heussey

Encaissé dans les bois, au fond d’une prairie,
L’étang que nous aimons sourit frais et charmant;
Le hêtre teint de vert son cristal plus dormant
Que le front calme et pur d’une vierge qui prie.

Le sentier qui l’enlace est plein de rêverie;
Le vent, qui fait chanter les arbres de ses bords,
Couche sur son miroir les rameaux déjà morts,
Et le ride au hasard d’une feuille flétrie.

Sa rive monte à peine au-dessus de ses eaux,
Aussi, pour se baigner, je crois que les oiseaux
N’ont qu’à courber plus bas les branches frissonnantes.

Oh! que mon jeune coeur lui ressemble toujours!
Cette onde si limpide est l’image des jours
Où le vent sèmera les feuilles jaunissantes.

Q36 – T15

Le sifflet retentit dans la gare sonore, — 1866 (6)

Louis Goujon Sonnets. Inspirations de voyage

En chemin de fer

Le sifflet retentit dans la gare sonore,
Et le convoi s’ébranle; – un bruit lourd, infernal,
Roule et court sur les rails; la route se dévore,
Et le monstre de fer suit son rouge fanal.

Allumons un cigare et lisons mon journal;
Quand tout sera fini j’entrerai dans ma chambre.
D’ailleurs, le temps est long quand on est en décembre,
Et que notre voisin est gênant ou banal …

Tout passe, tout s’enfuit, – je touche à ma limite!
Notre corps maintenant voyage non moins vite
Que le coeur et l’esprit pour ceux qui ne sont plus.

Mais on arrive, hélas! – l’oreille encore avide
Des serments de l’amour, la joue encore humide
Des pleurs de nos adieux et des baisers émus!

en chemin de fer , 31 décembre 1856

Q36 – T15 Autres quatrains rares sur trois rimes: abab ba’a’b