Archives de catégorie : Q45 – abba ab’b’a

C’est donc au tout-profond que (points de suspension) — 1969 (8)

Thiéri Foulc Vingt écrits

L’écrit vain

C’est donc au tout-profond que (points de suspension)
Il y a (point, point,point) peut-être quelques chose,
Mais je ne sais (point, point, ouvrez la parenthèse)
(Ou bien(deux points) : ne veux ? (point d’interrogation)

Ou extirper crûment l’a(vraie)bomination,
Faire gicler le sang dans le cœur de ma rose,
Dire (point, point, pâté, tache) ce que nul n’ose,
Caillou au fond de l’âme & de l’élocution.

Ô machine à taper, accents, chiffres & lettres,
Râclage du chariot dans les tringles de l’être,
Encre qui dérubanne un vol de circonflexes,

Pages, lignes lancées (espace,espace, espace)
Retour arrière, x, x, : méditation perplexe :
Papier, tout est papier (point, point, point) quoi qu’on fasse.

Q45  T14

O le diable amoureux les diablesses attendent — 1956 (1)

Jacques BaronL’imitation sentimentale


Le diable amoureux

O le diable amoureux les diablesses attendent
Avec impatience vos propos en scherzo
Si frais comme un beau jour est le vrai mot des mots
Vous le direz encore Elles seront vos amantes

Le mot amour ainsi que le cœur de l’amande
Est délicieux sous une écorce rude et
Cependant d’un vert spécial et velouté
Espérance et joie au bout de la légende

Si le cœur de vingt ans ne vous manque jamais
Et si tout droit tout simple et de bonne façon
Et de la belle humeur dont est un vrai garçon

Vous pouvez dire amour aux belles qu’on a semées
Sur terre pour les hommes aux destins de fumée
Vous dites un petit mot qui en connaît trop long

Q45 – T28 alexandrins approximatifs

Rieuse et si peut-être imprudemment laurée — 1919 (2)

André BretonMont de piété

Rieuse

Rieuse et si peut-être imprudemment laurée
La jeunesse qu’un faune accouru l’aurait ceinte
Une Nymphe au Rocher qui l’âme (sinon peinte
L’ai-je du moins surprise au bleu de quelque orée)

Sur la nacelle d’or d’un rêve aventurée
– De qui tiens-tu l’espoir et ta foi dans la vie? –
Des yeux reflèteraient l’ascension suivie
Sous l’azur frais, dans la lumière murmurée ….

– Non plutôt de l’éden où son geste convie
Mais d’elle extasiée en blancheur dévêtue
Que les réalités n’ont encore asservie:

Caresse, d’aube, émoi pressenti de statue,
Eveil, aveu qu’on n’ose et pudeur si peu feinte,
Chaste ingénuité d’une prière tue.

Q45  T20 rimes féminines

Un coq chante au lointain. Les bruyères en fleurs — 1910 (11)

Thomas Maisonneuve Aquarelles provençales

La lande

Un coq chante au lointain. Les bruyères en fleurs
Comme un velours brodé viennent draper leurs herbes,
Et la lande fleurit ses épineuses gerbes
Offrant son bouquet d’or aux matins enjôleurs.

Le granit pointe au ras du sol, où, tels des pleurs
Des lichens d’argent gris emmitouflent son faîte,
Et la lande paraît préparer une fête ;
Tout le charme du ciel avive ses couleurs.

Elle ondule, ainsi que des vagues aux marées
D’automne, quand la brise, aux grèves mordorées,
Hurle son chant d’oubli parmi les chardons bleus ;

Mais l’immobilité qu’elle a vous poigne l’âme,
Et le le vaste horizon, dont s’éteignent les feux,
L’étreint, comme un collier étreint un cou de femme.

Q45  T14 – banv

Pour l’instant où viendra celle qu’on n’attend pas — 1906 (3)

Gabriel de Lautrec Les roses noires

Précautions

Pour l’instant où viendra celle qu’on n’attend pas
La ténébreuse qui guérit le mal de vivre,
Tristes comme il convient, nous fermerons le livre,
Et la fenêtre, et toi, printemps, qui nous dupas!

La jeunesse exilée et venant à grands pas,
L’âge mûr, endormeur des choses éternelles,
Un démon lumineux songe à ployer ses ailes
Avant l’heure, et la nuit du funèbre repas.

Quelque part, dans le soir, des lèvres se sont closes,
Il est temps que quelqu’un aille chercher des roses
Pour saluer d’adieu le rêve le plus beau.

Voici venir la mort, il est temps que notre âme
Prenne le mieux aimé des sourires de femme
Pour en faire sa lampe en la nuit du tombeau

Q45  T15

Ce qu’il me faut à moi c’est un grand fauve blond, — 1904 (5)

Vicomte Phoebus, Retoqué de Saint Réac (Jules Romains et Georges Chenneviere?) Mes états d’âme ou Les sept chrysalides  de l’extase

Sa muse

Etat d’âme dionysiaque
Seinem hochverehrten Nietzschandler Gewidmet von Verfasser

Ce qu’il me faut à moi c’est un grand fauve blond,
Qui m’écrase en ses bras, geste peu platonique,
Me morde à belles dents d’un rire satanique
Où l’on sent que la brute avec le dieu se fond.

O Nietsche! tu l’as dit dans ton dogme profond:
 » La loi? – Quel préjugé! – Le travail! – Quelle honte!
Le père est l’ennemi; la  vertu n’est qu’un conte.

Des valeurs transmuons et la forme et le fond! »

Je foule sous mes pieds la pudeur, cette ornière.
O Surhomme! pour toi j’ondule ma crinière
En longs bandeaux bien bas, à la Botticelli.
Paix, Morale, Bonté bébête et moutonnière,
Chassons-les à grands coups de pied dans le derrière;
Ton cor, Zarathoustra, sonne le hallali!

Q45 – T6

Au matin gris, – suivis de leurs noires voitures, – — 1886 (6)

Louis MarsolleauLes baisers perdus

Le sonnet des corbillards
à Aristide Bruant

Au matin gris, – suivis de leurs noires voitures, –
Les corbillards, qui sont férocement à jeun,
Sortent de leurs abris nocturnes, un à un,
Et s’en vont à travers Paris, cherchant pâtures.

Devant les tristes seuils où pleurent des tentures,
Ils absorbent les morts savoureux, puis, très lents,
Ils montent, escortés des parents ruisselants,
La côte qui conduit aux creuses sépultures.

Ils digèrent, pendant le trajet, lentement;
Leurs panaches ont comme un hoquet, par moment;
Puis leur déchargement s’écroule dans les tombes.

Alors, légers, au grand galop claquant leurs fouets,
Ils rentrent au logis, repus et satisfaits,
Filant sur les pavés comme un vol de colombes.

Q45 – T15 quatrains à rois rimes, mais ‘un’ et ‘ants’ sont à l’oreille, proches.

Quand nous aurons, avec de bleus recueillements, — 1885 (1)

Henri Beauclair et Gabriel VicaireLes déliquescences d’Adoré Floupette

Sonnet libertin
 » Avec l’assentiment des grands héliotropes » Rimbaud

Quand nous aurons, avec de bleus recueillements,
Pleuré de ce qui chante et ri de ce qui souffre,
Quand, du pied repoussé, rouleront dans le Gouffre,
Irrités et pervers, les Troubles incléments;

Que faire? On doit laisser aux stupides amants
Les Balancements clairs de ces Effervescences;
Nous languirons emmi les idoines essences,
Evoquant la Roseur des futurs errements.

Je mettrai dans l’or de tes prunelles blêmies
L’Inassouvissement des philtres de Cipris .
– Les roses de ton sein, qu’elles vont m’être amies! –

Et, comme au temps où triomphait le grand Vestris,
Très dolents, nous ferons d’exquises infamies,
– Avec l’assentiment de ton Callybistris –

Q45 – T20

Cette fois, je ne puis vous écouter sans rire. — 1883 (23)

Ernest d’Orlanges Poésies naturalistes

Une fille à un vieux

Cette fois, je ne puis vous écouter sans rire.
Continuez, très cher, vous avez de l’esprit
Qui dans votre cerveau de soixante ans fleurit
Comme au sein d’un poète éclorait une lyre.

Vous m’appelez sirène, et vous osez me dire,
Vous, vieillard impuissant, usé, blasé, flétri,
Fruit rongé par les vers ainsi qu’un fruit pourri,
Que pour mes yeux, ce qui vous sert de cœur soupire.

C’est vraiment à se tordre ! et vous pensez que moi,
Jeune, jolie encor, dans Paris faisant loi,
Ayant toutes mes dents pour croquer les fortunes,

J’irai vous adorer …. – Ah ! tais-toi donc, mon vieux,
Si je couche avec toi, ce n’est pas pour des prunes,
C’est que tu passes pour un miché sérieux.

Q45 ? (‘esprit’ ne rime pas avec ‘flétri’) T14

Une nuit que j’étais près d’un affreuse Juive, — 1857 (16)

Baudelaire Les fleurs du mal

Une nuit que j’étais près d’un affreuse Juive,
Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu,
Je me pris à songer près de ce corps vendu
A la triste beauté dont mon désir se prive.

Je me représentai sa majesté native,
Son regard de vigueur et de grâces armé,
Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,
Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.

Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps,
Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses
Déroulé le trésor des profondes caresses,

Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort
Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!
Adoucir la splendeur de tes froides prunelles.

Q45 – T30