Archives de catégorie : Q49 – abba a’bba’

Autour du soleil vertical de la pensée — 1936 (3)

Michel SeuphorL’ardente paix

De la personne

Autour du soleil vertical de la pensée
Horizontalement tournoient les quatre vents
Dont trois passions de l’âme et un tempérament:
Les appétits de feu; l’intelligence née

Pour recevoir le jour et voir la Vérité,
A l’eau souple pareille, reine des éléments;
La force d’habitude comme un soubassement
De terre lente où tout s’appuie et qui de blé

Se couvre ou bien d’ivraie, selon les circonstances;
La manière d’être, enfin, accumulant l’ambiance
Qui enveloppe tout d’un air mouvant d’un tel

Et non tel autre. Ainsi notre univers est plein
De rythmes, et si l’ensemble est noble et naturel,
Le personnel concret n’en cède à Couperin.

Q15 – T14 – quelques vers métriquement îrréguliers (césures épiques, par exemple)

L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique. — 1925 (3)

Albert Samain Poèmes inachevés

Améthyste

L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique.

Les dieux puissants vaincus par le Dieu pathétique
Après mille ans d’Olympe avaient quitté la terre,
Et la syrinx pleurait dans Tempé solitaire.
Sur la mer en émoi, vers l’orient mystique

Une aube se levait. Pleins de souffles étranges
Les chênes renuaient des branches prophétiques,
Et les grands lys élus versaient leurs blancs cantiques
Aux lacs sanctifiés visités par les Anges.

Le ciel était plus doux qu’un col de tourterelle ….
Rêveuse en longs cheveux, nymphe lacune frêle
Tressait de pâles fleurs autour d’une amulette.

Et près d’elle, dans le crépuscule idyllique,
Un petit Faune triste, aux yeux de violette,
Disait sur un roseau son cœur mélancolique …

Et c’était le dernier amour du soir antique …

Q49  T14  –  y=x :e=a – 16v (a-   -a)

La Hollandaise avait à cause de ses îles 1925 (2)

Marcel Thiry Plongeantes proues

La Hollandaise avait à cause de ses îles
Un arôme mental de cannelle et de thé;
Par des Indes sa voix nous paraissait hantée
Et versait à nos cœurs l’espoir des beaux exils.

Des femmes font penser à des barques; mais elle,
Avec sa marche égale et sa tranquillité,
Evoquait, sur un moite océan, la montée
Calme d’un paquebot profilé sur le ciel.

Les jeunes gens surtout sentaient à son passage
Comme un appel de ce maritime infini,
Et son corps les tentait comme une colonie;

Cependant elle allait, sans fièvre et les yeux sages,
Parmi ce rêve et ces désirs d’elle insaisis,
Et traînait sans savoir son sillage d’Asie.

Q49 – T29  – On remarque que toutes les rimes sont ‘hétérosexuelles’: îles/ exils, thé/ hantée, etc. ( à l’exception du couple singulier/ pluriel de passage / sages); et toutes ‘soutenues’ (consonne dite ‘d’appui’).

Le soleil, par degrés, de la brume émergeant, — 1901 (8)

Albert Samain Le chariot d’or

Matin sur le port

Le soleil, par degrés, de la brume émergeant,
Dore la vieille tour et le haut des mâtures;
Et, jetant son filet sur les vagues obscures,
Fait scintiller la mer dans ses mailles d’argent.

Voici surgir, touchés par un rayon lointain,
Des portiques de marbre et des architectures;
Et le vent épicé fait rêver d’aventures
Dans la clarté limpide et fine du matin.

L’étendard déployé sur l’Arsenal palpite;
Et de petits enfants, qu’un jeu frivole excite,
Font sonner en courant les anneaux du vieux mur.

Pendant qu’un beau vaisseau, peint de pourpre et d’azur,
Bondissant et léger sur l’écume sonore,
S’en va, tout frissonnant de voiles, dans l’aurore.

Q49 – T13

Comme s’il éveillait, Juillet, sous une lune, — 1897 (20)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

Sonnet

Comme s’il éveillait, Juillet, sous une lune,
Quelques fils-de-la-vierge et les paraît d’argent,
Voici que tout l’été (déjà lui !) submergeant
Ton front pur, de cheveux gris te pare, ma brune.

Et malgré moi, je songe aux futures parures
Dont le ciel, exauçant plus tard mon vœu galant
Ornera ta beauté. Moins que ton cœur si blanc,
Blanche sera ta neige à l’ombre des guipures.

Oh ! tu seras, jolie encor, coiffée ainsi :
Tu me rappelleras les soirs de sans souci
Où tes yeux si luisants et tes pommettes roses,

(Vois, je m’en souviens comme si c’était d’hier)
Tu venais, les cheveux poudrés, piqués de roses,
Et ces frimas fleuris feront doux mon hiver

Q49  T14  (sauf si a’=a par assonnance)

L’or des bandeaux, la fraise de la bouche, ces — 1889 (5)

Le Décadent

?

La caissière

L’or des bandeaux, la fraise de la bouche, ces
Bluets captifs aux rais adorables des cils,
Le jeu du doigt dompteur d’une boucle indocile:
Mais pourquoi ces brillants comme si ça poussait?

Neige des mains, braises des bagues et vos conques,
Ongles où meurt le carmin tendre des oeillets,
Et la lumière de la joue où sommeillait
Le rêve de ce clair visage un peu quelconque.

Quelconque un peu, mais si charmant et tant amène..
Lueur du front! Rythme du sein! Et pas de doute,
Rien de méchant sur ce visage tant amène…

Et ces purs doigts, ces yeux de songe, et toute, et toute!
C’est ton ciboire, ô soif d’un coeur épris d’hymen,
Ta chope aussi pour le régal de l’avoir Toute!

Q49 – T20 – Le vers 2 a une rime masc, le v.3 fem

« Nota – Voici des vers d’un de nos sympathiques et illustres amis, d’un des maîtres incontestés de l’Art moderne, que des circonstances indépendantes de sa volonté avaient tenu éloigné de nous. Tous les lettrés reconnaîtront sa marque sans seconde. « 

Ce chercheur de soleil qu’on nomme Alphonse Karr, — 1864 (12)

Arsène HoussayeLes cent et un sonnets


LXXII
Le sultan des fleurs

Ce chercheur de soleil qu’on nomme Alphonse Karr,
Le reconnaissez-vous sous sa barbe plastique?
Vous aimez son esprit dans sa grâce sceptique,
Vous l’aimez pour sa prose – et pour ses bouquets – car

Sa guêpe est une abeille – et le tiers et le quart
On savouré son miel dans l’aiguillon attique ;
Il a Sous les Tilleuls le charme romantique,
Son charme est habillé de lin et de brocart.

Il cultive la rose avec le paradoxe,
Il cueille en son jardin perles et diamants,
Et la nature en fête embaume ses romans.

Après avoir vaincu la sottise orthodoxe,
Il se couche sur l’herbe, et, tout au souvenir,
Dans son harem de fleurs il brave l’avenir.

Q49 (car ‘car’ ne rime pas, classiquement, avec ‘quart’)  T30

Que j’aime à contempler du bon vieux Frontignan — 1818 (1)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

où sont représentés en sonnets réguliers (qui seront suivis de cent discours en prose, et de notes intéressantes pour l’instruction de la jeunesse): Les horreurs de la Guerre; les avantages de la Paix; la grandeur de la France; l’importance et les grands principes des Connaissances. Ouvrage qui ne respire que l’amour de l’humanité, de la patrie et du bien public, formant un essai de poème en quatre chants, divisions et parties; Dédié à S.A.R. Monseigneur le Duc d’Angoulème, qui l’a accueilli avec bonté, à son passage en sa bonne petite ville de Cette. Par A. Poujol, professeur du collège d’Alais, auteur d’une traduction de l’Imitation de Jesus-Christ en prose mesurée, sous presse, etc. Montpellier, de l’imprimerie de J.G. Tournol, place Louis XVI, n°57. Ce grand ouvrage ne contient pas moins (mais pas plus) de deux cent vingt et un sonnets (221). L’abondance des matériaux assemblés pour le nôtre nous oblige à ne lui accorder que trois extraits.

Excellence du Muscat de Frontignan

Que j’aime à contempler du bon vieux Frontignan
Le riche amphithéâtre, au cep si favorable,
Là, ne peut que germer un nectar délectable,
Tel que le jus qui croît non loin de Perpignan.

Plus généreux encore, il brille au premier rang,
Le globe n’en a point qui lui soit comparable ;
De le falsifier, il est abominable;
Mais l’abus est connu du monde commerçant.

Oublions les verds jus de dix huit cent et seize,
Et célébrons celui de dix huit cent et treize,
Et de tant d’autres ans, tant il est précieux.

Il peut vieillir un siècle, et plus encore peut-être;
Son pareil, en un mot, est encore à paraître:
A Frontignan gît donc le vrai nectar des Dieux.

Q49 (ou Q15, si M.Poujol ne respecte pas les règles classiques de la rime, et rime ‘à l’oreille’)) – T15

Une des fonctions constante du sonnet: le chant à la gloire des produits locaux: monuments, héros variés,…