Archives de catégorie : Q60 – abab a’b’b’a’

Je suis tel riche auquel sa clé bénie — 1995 (9)

Daniel & Geneviève Bournet Sonnets de Shakespeare

Sonnet 52

Je suis tel riche auquel sa clé bénie
Ouvre son doux trésor cadenassé,
Qu’à tout moment il ne faut qu’il épie
Pour émousser l’aigu de volupté.

Fêtes sont donc solennelles et rares,
Disséminées en la longueur de l’an,
Comme pierres de prix maigrement parent,
Ou les maîtres joyaux dans leur carcan.

Le temps vous serre ainsi comme ma caisse,
Ou garde-robe où robe est au secret,
Pour faire instant spécial spéciale liesse,

Déployant neuf son orgueil prisonnier.
Bienheureux vous, dont dignité dispense,
Présent, triomphe, ou, absent, espérance.

Q60  T23 – disp quarto sh52  – déca

un jour j’eus la révélation de la littérature — 1993 (10)

William CliffAutobiographie

35

un jour j’eus la révélation de la littérature
dans le récit que fait Chateaubriand de son enfance
de la terreur qu’il eut devant son père et de sa dure
condition d’enfant à Combourg dont la sinistre ambiance

le soir avec ce père qui n’arrêtait pas de faire
armé d’un bonnet dressé sur sa tête les cent pas
me rappelait celle qui aussi me terrorisa
dans mon enfance avec un père aussi autoritaire

j’appris par ce récit n’être plus tout seul à souffrir
ce fut comme un voile levé sur mon âme sauvage
écrire alors devint pour moi le geste qui relie

tous ceux qui ont senti au fond d’eux-mêmes ces messages
graves que le monde méprise et tourne en dérision
mais dont par la littérature on a la révélation

Q60 – T23 – 14s

Je suis ce fortuné qu’une clé bienheureuse — 1992 (2)

Jean Malaplate Shakespeare sonnets


52

Je suis ce fortuné qu’une clé bienheureuse
Introduit au trésor caché de son désir,
Mais qui retient longtemps son humeur curieuse
Pour n’émousser la pointe à son rare désir.

Les fêtes sont ainsi rares et solennelles
N’étant que peu de jours sur la chaîne de l’an
Comme pierres de prix qu’on ne va prodiguant,
Ou dessus le collier les perles les plus belles.

Le temps qui vous enferme est aussi mon coffret,
Ou bien le cabinet où la robe demeure,
Afin de rehausser le faste de cette heure

Qui verra son éclat, longtemps tenu secret.
Oh! béni soyez-vous, dont le mérite immense,
Présent donne triomphe, absent donne espérance.

Q60 – T30 – disp: 4+4+4+2 – tr

T 0i, Vierge de Feu, Image du Savoir, — 1985 (9)

Athanase Vantchev de Thracy Toi, vierge de feu, couronne de sonnets

9
SONNET MAGISTRAL

T  01, Vierge de Feu, Image du Savoir,
O  eil pur de la Clarté que la Clarté ignore,
I  nstance suprême du Sang et Suressence du Sort,
V  isage de l’Apparence, Figure du Pouvoir,

I  nsigne du Ravissement et Corps de l’Etoile,
E  xulte, Extrême Joie, Planète de la Tendresse,
R  eposoir du Jour, S  ubstance de la Sagesse,
G  emme, Orfroi, Saphir de l’Ordre Nuptial,

E  loge de l’Ecriture, Sauvegarde de Firmament,
D  egré total de l’Ame et Grâce ultime du Cœur
E  nseigne de la Survie, Principe céleste du Temps

F  lambeau de l’Union, Acte, Règle, Flamme, Demeure,
E  xalte l’Effusion des Saintes Intelligences,
U  ne, Infinie, Urgente Loi de l’Adhérence !

acr  Q60  T20 m.irr

Amants brûlants d’amour, savants aux pouls glaciaux — 1969 (4)

Georges PerecLa disparition

Nos chats

Amants brûlants d’amour, savants aux pouls glaciaux
Nous aimons tout autant dans nos saisons du jour
Nos chats puissants mais doux, honorant nos tropots
Qui, sans nous, ont trop froid, nonobstant nos amours.

Ami du Gai Savoir, ami du doux plaisir
Un chat va sans un bruit dans un coin tout obscur
Oh Styx, tu l’aurais pris pour ton poulain futur
Si tu avais, Pluton, aux Sclavons pu l’offrir!

Il a, tout vacillant, la station d’un hautain
Mais grand Sphinx somnolant au fond du Sahara
Qui paraît s’assoupir dans un oubli sans fin;

Son dos frôlant produit un influx angora
Ainsi qu’un diamant pur, l’or surgit, scintillant
Dans son noir nictitant divin, puis triomphant.

Un fils adoptif du Commandant Aupick.

Q60 – T23 -lipogramme en ‘e’

Mon âme éteint ses lumières — 1933 (10)

Armand Masson in Felix  Arvers : articles (fonds rondel, RF 21313)

à la manière de Paul Valéry

Mon âme éteint ses lumières
Pour que le silence élude
L’amour que, sous mes paupières,
A figé la solitude.

Et la page est vierge où l’homme
Compose et dédicace
La prière inefficace
Avec l’estampe et la gomme.

Comme rien n’emplit le vide
Du néant qu’elle dévide,
Elle écoute sans entendre

La voix muette et soupire :
« Qu’est-ce que cela veut dire ? »
Mais semble ne pas comprendre

Q60  T15   rim.fem. arv pastiche -7s

Le soir violet s’est déployé sur ma fenêtre, — 1929 (2)

Louis ChadourneAccords

Le soir violet

Le soir violet s’est déployé sur ma fenêtre,
Il s’est levé de très loin, – par delà les mers,
Avec toute une finalité de non-être,
Comme un drapeau vineux sur les horizons clairs.

Viens, lève-toi, c’est l’heure. Ô ma vieille torture
Et toi, crève, œil sanguinolent de désespoir.
Mais vous dormez. Je sais, bien au-delà des soirs
Une Île où des parfums se traînent, chevelure! ….

Rêves pour notre Amour l’éternelle Jeunesse,
Ou tout au moins une éternité de promesse!
Apaisement, fleurs ou étoiles en veilleuses:

Sans plus jamais, jamais, les écroulements brusques
D’ombre, les fins des réveils de nuits très amoureuses,
Où la Mort fait couler ses doigts bleus sur nos nuques.

1913

Q60 – T14

Sur un soir transparent comme une porcelaine — 1914 (5)

Vincent Muselli Les travaux et les jeux

Paysage

Sur un soir transparent comme une porcelaine
L’artiste a dessiné cigognes et pigeons;
Entre quatre arbres droits il a tendu la plaine,
Et dans l’émail des lacs incrusté l’or des joncs.

Des roseaux minces et frêles: un scarabée
Y grimpe; un bourdon ronge une feuille à l’avant,
Et, fier du fin contour qu’accuse encor le vent,
Persiste un oiseau bleu sur la tige courbé.

La nuit tombe: sa cendre a défait l’Orient;
Elle remplit l’eau claire et l’azur souriant,
Et les formes du jour succombent une à une.

Mais; blanche, illuminant l’espace essentiel,
Au-dessus des marais s’épanouit la lune
Comme un nénuphar peint sur l’écran noir du ciel.

Q60 – T14

Un son maigre et pluvieux sonne en fausset mes heures, — 1906 (1)

O.V. de L. MiloszLes sept solitudes

XVII

Un son maigre et pluvieux sonne en fausset mes heures,
Coassement – croassement – requiem des portes
Aux grands châteaux venteux dont le regard fait peur
Tandis que le grand vent glapit des noms de mortes,

Ou bruit de vieille pluie aigre sur quelque route,
Qui n’invite qu’afin que le destin s’égare
Vers le clocher aveugle à girouette bizarre?
Ecoute – plus rien- Seul, le grand silence écoute …

Tu peux partir, ou t’endormir, ou bien mourir
Dans le sang ou la boue, ou même encore, belle,
Mendier ton pain de vieille aux pays inconnus;

Car nulle autre aujourd’hui ne veut m’être réelle
Que celle mort des demains et du souvenir,
Que cette cloche du moment aux lointains nus.

Q60 – T38