Archives de catégorie : oc.dissym

Tu pus l’ut d’un luth, sûr Ubu! L’us fut vu d’un turlututu, — 1970 (5)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

U

Tu pus l’ut d’un luth, sûr Ubu!
L’us fut vu d’un turlututu,
D’un rut dru, d’un but, d’un tutu –
Chut! D’un cul nu – d’un fût brut bu

Sur un tumulus. D’un Sud sûr,
Plus d’un suc plut d’un cumulus,
Surplus chu bu pur d’un humus
Qu’un turf d’urus crût du jus mûr.

Vu plus d’un club: stucs, trucs, lunch, pub.
Tu bus, duc, un jus cru d’un tub.
Mû d’un pus dur, tu fus sûr d’un

Lupus. Tu sus; nul futur vu,
Nul. Sur un mur un urubu
Sûr d’un cumul – un Turc, un Hun.

aaaa  a’bba’ T15 – y=x :e=a – octo  monovocalisme

Dans une contrée étrangère — 1947 (7)

Pierre-Jean JouveDiadème


Mandala

Dans une contrée étrangère
Entretien sur ce qui n’est pas:
Recherche du Nom sans personne
Et de la personne sans nom

Recherche des routes sans pont
Et de lacs où nulle eau ne sonne
Des temples bâtis sans lumière
Nuit où le soleil ruissela

Désir du membre sans moteur
De l’action sans corps de bête
De l’éternité sans pâleur

Et par le silence des fêtes
Faim du Souverain qui là-bas
Se dérobe dedans l’état.

abcc bcab – T23 – octo

Cypris ne chante plus sur les ondes … — 1927 (6)

Laurent Tailhade & Maurice du Plessys in Mme Laurent Tailhade : laurent Tailhade au pays du mufle

Oméga blasphématoire
A bord de l’Aleimadeul.

Cypris ne chante plus sur les ondes …
A l’arbre de la Croix pendent les Dieux Latins
Car l’Oingt est advenu … les roses,
Pourpre hostiale dans la rousseur des matins.

Profusant l’Hystérie exsangue, les Nécroses
Et, sous un voile impur, tels rites clandestins,
Abimélech avec Melchissedech ! Les proses
Vont clangorer, ce soir, par les naos éteints.

Le sauroctone sous les mythes de la Grèce !
Eslabroli ! Matins de joie et d’allégresse
Où la Taure enfantait au contact d’Osiris !

Ah ! si tu veux la nuit douce, rends les Etoiles !
Moi je vais sur la mer, en des canots sans voiles,
Goûter l’iode brun interdit aux iris.

Qu. exc.   T15 « … un de ces divertissement poétiques, … en pastiche d’Arthur Rimbaud »

Vicvânitra priait. Les nocturnes délices — 1895 (10)

Richard Cantinelli Le rouet d’Omphale

Vicvânitra et Minaka

Vicvânitra priait. Les nocturnes délices
Des songes se fondaient en la splendeur rosée
De l’aurore aux cheveux couronnés de narcisses,
Qui s’éveillait avec des langueurs d’épousée.

Vicvânitra priait et songeait. Les figuiers
Sous le soleil levant noircissaient enlacés:
Tels des êtres en qui montent les flots pressés
Du sang, sous le contact de lumineux baisers.

Tandis que, du lac bleu bordé d’iris très pâles,
Monte une femme au long collier semé d’opales,
Qui pose son pied blanc sur l’herbe du rivage.

Son vêtement mouillé sur ses formes se moule,
Et, lentement, sa main de ses cheveux dégage
Son visage où l’eau claire et scintillante coule.

abab a’a’a’a’ – T14

Le grand soufflet gémit et le noir charbon fume, — 1891 (14)

Le concours de La Plume

Vers forgés

Le grand soufflet gémit et le noir charbon fume,
Voici que le foyer de la forge s’allume,
J’aime le forgeron qui soude sur l’enclume
A grands coups de marteau les fers incandescents.

Le métal obéit à ses efforts puissants
Et son travail joyeux a de mâles accents.
J’aime aussi l’écrivain qui soude avec la plume
Les mots de notre langue en groupes frémissants.

Il les prend dans le rêve éthéré, dans la boue,
Il va pour les chercher au fond de l’univers,
Puis il les réunit, les disjoint, les secoue,

Les assemble en paquet, les attache, les noue
L’un à l’autre, à sa guise, à l’endroit, à l’envers,
Et l’on trouve la vie humaine dans ses vers.

aaab bbab – T18

Je les ai donc encor les grands regards candides — 1890 (34)

La France moderne

Décubridor

Je les ai donc encor les grands regards candides
Vers les chers infinis à jamais en allés,
Les purs regards d’hier aux lumières limpides
Comme les horizons aux clartés des matins.

J’ai trop longtemps été dans de îles fiévreuses
Au tourbillonnement de parfums affolés.
Je les ai trop connues les fleurs cadavéreuses
Qui croissent sous la mort des ciels adamantins.

J’ai soif vers les fraîcheurs, vers les bonnes fraîcheurs,
Et, les yeux entrevus éperdus d’innocence :
Pour goûter le bonheur des calmes Labradors

Je voguerai longtemps sous des cieux d’espérance
En la foi d’aborder aux lontaines douceurs.
Car je porte le cœur des grands décubridors.

(Théodore Falen)

abab’ a’ba’b’ T38  disp :4+4+3+2+1

L’abdomen prépotent des bénignes cornues — 1888 (20)

– ? Le Décadent

« Un sonnet d’Arthur Rimbaud »

Les cornues
Les cornues au long des tablettes, les petites larmes de grès blanc, blanches comme les plus blancs des corps de femmes ….

L’abdomen prépotent des bénignes cornues
Se ballonne tel un ventre de femme enceinte.
Es-dressoirs, elles ont comme des airs de sainte
Procession vers quel Bondieu? de plages nues …

Et leur Idole, à ces point du tout ingénues
Pèlerines  c’est des Gloires jamais atteintes,
O la Science! Phare inaccessible …
………………………………
……………………………..

Mais c’est dans l’âpre Etna de vos nuits, ô Cornues!
Que mûrit le foetus des Demains triomphants! … –
O Vulve! De leur bec tel des sexes d’enfant

Et volute du Flanc telles les lignes nues
Du pur Torse de l’Eve aux rigidités lisses:
S de leur col fluet comme de jeunes cuisses!

Ce miraculeux sonnet, si fâcheusement mutilé, est d’une époque incertaine. Disons cependant que de bons juges l’estiment, en raison du ton général de la pièce et de sa facture tourmentée, contemporain des dernières Illuminations – N.D.L.R.

abba ab..– T30

Dans un album gothique au fermail blasonné, — 1855 (7)

Marc du Velay Les Vélaviennes

Gothique

Dans un album gothique au fermail blasonné,
Vrai bijou de prie-Dieu, digne du Roi René,
Portant sur son velours, avec ma croix de sable,
Votre Lion rampant, de sa couronne orné,

Sur un vélin d’azur et d’or enluminé,
Où brilleraient Jésus et la Bible et la Fable,
Je voudrais chaque soir, ô Baronne adorable!
Fleuron aux cent couleurs dessiner un sonnet.

Etincelant écrin, trésor de ciselure,
Un vers seul vaudrait mieux qu’un tableau de Mignard,
Vers mignon, mignardé plus qu’une miniature.

J’émaillerais si bien la rime et la césure,
Sur mon cadre sculpté j’épuiserais tant d’art
Qu’au milieu je pourrais peindre votre figure.

aaba abba – T17

On se sent malheureux: on va chercher bien loin — 1855 (5)

Marc du Velay Les Vélaviennes

Le vrai bien
« Aimer c’est la moitié de croire » Victor Hugo

On se sent malheureux: on va chercher bien loin
L’égoïste travail, l’orgueil vain, l’or avare,
Et comme on oublîrait son bâton dans un coin,
On laisse à la maison le bonheur, cher cousin.

Pourtant c’est ici-bas le trésor le plus rare.
Nos pères nous traçaient un paisible destin,
Mais par d’autres sentiers le hasard nous égare,
Et nous voudrons, trop tard, suivre le bon chemin.

Quand je vois l’humble tour du tranquille domaine
Où doucement coulaient les jours de nos aïeux,
Limpides comme l’eau que verse ta fontaine,

Je sens que pour l’enfant le seul vrai bien, le seul!
Habite sous le toit où mourut le vieux père,
Où vous aimaient vos soeurs, où priait votre mère.

abaa babacxc ydd Remarquons que si ‘seul’ ne rime pas avec ‘aïeux’, il rimerait avec le singulier ‘aïeul’. J’ai accueilli 7 sonnets de ce poète dans mon choix, ce qui est beaucoup. Ils présentent chacun quelque particularité assez rare. Comme ils sont, poétiquement, plutôt médiocres, comme Auguste Blanchot (c’est son vrai nom) était un provincial dont l’œuvre est resté quasi inconnue, on pourrait croire que la présence de deux vers ne rimant pas dans ce sonnet est due à l’ignorance. Or, l’auteur montre dans son livre qu’il connaît bien la versification. Il sait ce qu’est un alexandrin et respecte les règles de la rime admises à son époque. Je pense qu’il aurait très bien pu écrire ‘les jours de mon aïeul » et que le pluriel, intentionnel, fait partie de son traitement expérimental de la forme-sonnet. L’inventivité formelle n’est pas une garantie de la valeur poétique du résultat.

J’aurais été Petrarca — 1845 (8)

Alphonse Duchesne Les chants d’un oiseau de passage

A ma mie – sonnet

J’aurais été Petrarca
Si vous aviez été Laure,
Et les pèlerins d’Arqua
Parleraient de vous encore ;

Si vous étiez Francesca
Je serais, moi qu’on ignore,
Paolo qui l’adora,
Et l’on me crierait : Raca !

Ou bien si vous étiez celle
Qu’on nomme Isaure la belle,
Je serais grand troubadour,

Car au gai savoir fidèle,
Je ferais, ma jouvencelle,
Des chants avec de l’amour.

abab  abaa T6  7s. ‘crier ‘raca’ : Marquer un profond mépris à l’égard de quelqu’un (TLF)