Archives de catégorie : y=x

Je voudrais écrire un sonnet. — 1988 (5)

Pierre Gripari Marelles

Sonnet

Je voudrais écrire un sonnet.
– Un sonnet? Mon Dieu, c’est horrible!
– Mais non! Ce n’est pas si terrible!
Voici le premier quatrain fait!

Pour le second, j’avoue que c’est
Plus dur de taper dans la cible!
D’autant qu’il me faut, c’est visible,
Une nouvelle rime en « ê »!

Enfin voici les deux tercets,
Que je peux bâtir, s’il me plaît,
En utilisant d’autres rimes …

Encore un vers à vue de nez,
Puis un tout dernier coup de lime,
Et le poème est terminé!

Q15 – T7 – y=x : c=a – octo – s sur s

Casque à Manda casqua; plaqua Leca, l’Apache. — 1985 (3)

Maurice Millereau dit Mirall et Georges Théron in Jacques CellardAnthologie de la littérature argotique

Le grand combat de Leca contre Manda pour les beaux yeux de Casque d’or

Casque à Manda casqua; plaqua Leca, l’Apache.
Manda ballada Casque à la barbe à Leca.
Leca, mâle à gras bras, qu’a pas la rate à plat,
Baba, bava, ragea: « Ah! la carne! Ah! la vache!

Manda crâna, blagua, nargua Leca, bravache.
Hagard, Leca clama: « Tabac, tabac! tabac!  »
A la dague, à la lame (à la hâte), attaqua.
Manda para; cana; cavalcada .. Macache!

Par sa cape alpaga, l’Apache happa Manda,
L’agrafa, l’accabla, malaxa sa ganache,
La tanna, saccagea, savata, salada.

La carda, la scalpa … Manda brama: « Ah! lâche! … »
S’affala, patatras! – cracha, râla, claqua …
L’Apache, à la papa, pas à pas, cavala.
1902?

Q15 – T19 – y=x : c=a, d=b – Quasi-monovocalisme en ‘a’, les ‘e muets’ n’étant pas pris en compte

Les années se vident mais du côté de la pente — 1978 (4)

? Inimaginaire IV

Les années se vident mais du côté de la pente
revenir en regardant pas besoin que chaque
mocassin épuise l’empreinte dès que chaque
feuille se vide du côté de la pente

et des années sans matière à toute la pente
les escargots et les nourrices plus que chaque
vieillard n’en retourne sous la feuille si chaque
année se vide cesse quelque part la pente

où venir sans regarder? le bol? il s’y cache
ou verse fourmis sous la stère de ses portes
le soleil les années se vident il n’écoute

la chaleur pas plus que la pente ne la cache
ni l’eau revient en regardant sous les portes
les années qu’on se vide et chaque et l’écoute

Q15 – T36 – y=x :  c=a – toutes les rimes sont des mots-rimes répétés identiquement

Je suis le fol Roy de Colchide — 1977 (11)

Roger Gilbert-Lecomte Oeuvres complètes, II

L’Heur du Roy de Colchide

Je suis le fol Roy de Colchide
J’habite dans sept grands palais de Jade
Et j’ai sept caravelles dans ma rade
Qui m’apportent les trésors de l’Atlantide.

Pour avoir erré sur la mer viride
Dans un clair de lune de sérénade
Leurs pourpres gardent un peu du bleu fade
Des cieux où la nuit veut compter le vide.

Le seul sérail dont je fasse parade
C’est le ciel d’étoiles: j’entends, maussade,
Tintinabuler leur cristal limpide.

Je meurs de langueur. Dans mon coeur malade
Des poissons dorés à l’éclat splendide
Vont nageant en désespoir de noyade!

Q15 – T7 – 2m: 10s; octo: v.1; 11s: v.4 –  y=x: c=b, d=a

Tu pus l’ut d’un luth, sûr Ubu! L’us fut vu d’un turlututu, — 1970 (5)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

U

Tu pus l’ut d’un luth, sûr Ubu!
L’us fut vu d’un turlututu,
D’un rut dru, d’un but, d’un tutu –
Chut! D’un cul nu – d’un fût brut bu

Sur un tumulus. D’un Sud sûr,
Plus d’un suc plut d’un cumulus,
Surplus chu bu pur d’un humus
Qu’un turf d’urus crût du jus mûr.

Vu plus d’un club: stucs, trucs, lunch, pub.
Tu bus, duc, un jus cru d’un tub.
Mû d’un pus dur, tu fus sûr d’un

Lupus. Tu sus; nul futur vu,
Nul. Sur un mur un urubu
Sûr d’un cumul – un Turc, un Hun.

aaaa  a’bba’ T15 – y=x :e=a – octo  monovocalisme

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs. — 1970 (3)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

i / y

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs.
« Qi vit?  » Lys, iris gris, vit-il?
Cris (bis) vils; six pics incisifs.
 » S’il y vit, fils d’Isis viril?

Si vit Lilith?  » Il vit nid d’if,
N’y prit d’instinct l’incivil lit,
Ni inscrivit l’infini pli.
(Ci-gît l’incipit instinctif)

Styx-sis, ni lin, ni riz, ni vin;
Lys, iris, inscrits, six, dix, vingt,
Prix d’incisifs pics. (VIDI, VI-

CI) –  » Qi rit ici?  » Ni d’isis
Fils viril, ni Lilith, l’ibis
Rit l’infini. « Ici, qui vit? »

Q33 – T15 – y=x: d=b’ – octo

Monovocalisme en ‘i’.

Note liminaire de l’auteur (1993): « Cette suite de sonnets fut composée en 1970. Le premier, le sonnet en « e », fut écrit comme un défi lancé à Georges Perec qui venait de publier La disparition. Le défi fut si bien relevé que Perec publia en 1972 Les revenentes, dans lequel figure, à la page 86,  » ces vers vrément cherments  » que je lui avais dédiés. Les autres furent écrits à Oxford.

J’ai adopté l’une des règles de Perec, qui fait que « Qu » s’écrit « Q ». « 

Le semeur qui semait se trouve pris d’angoisse — 1968 (1)

Raymond QueneauBattre la campagne


L’instruction laïque et obligatoire

Le semeur qui semait se trouve pris d’angoisse
car le soleil se tient bien haut sur l’horizon
de longues heures à sillonner les sillons
avant que cette étoile à l’ouest ne disparaisse

le semeur qui semait se trouve pris d’angoisse
il s’arrête et se dit à quoi bon à quoi bon
j’aurais bien mieux fait de me casser le citron
pourquoi donc fallut-il que point ne m’instruisisse

le semeur qui se meurt se trouve pris d’angoisse
il n’a plus de temps pour avoir de l’instruction
et savoir s’il eut raison de dire à quoi bon

le semeur qui se meurt redevient philosophe
il reprend son chemin à travers les sillons
en distribuant son grain pour une autre moisson

Q15 – T29 –  y=x : c=a , d=b

Se voir, s’épersiller, s’avancer, reculer, — 1961 (4)

Jean Queval

« On peut peut-être essayer de faire les plus simples des sonnets en limitant le risque de redondance, ou plutôt en limitant le risque de l’usage de la grammaire. Si l’on n’employait que des infinitifs, on arriverait à une moindre utilisation du langage, peut-être à une moindre redondance. » (Jean Queval en plagiaire par anticipation d’Emmanuel Fournier)

4
Sonnet des infinitifs
(ou: l’Explorateur s’est penché sur les Mammifères)

Se voir, s’épersiller, s’avancer, reculer,
Se regarder partir, oser se raccrocher,
Hésiter, suzoter, ouvrir la bouche et dire,
Entendre et puis attendre, en enfin revenir.

Avancer, entreprendre, enlacer, embrasser,
Enfreindre et démunir, encercler, écarter,
Défaire et s’égloussir, toucher et dévêtir,
Or ne toucher qu’un peu et qu’un peu s’égloussir.

Se revoir, se parler, se retoucher, s’aimer,
Se voir et reconnaître, à la fin s’endormer,
Se réveiller, se renforcer, se souvenir.

Se le dire et recommencer de s’embrasser,
Se délacer, s’entrelasser, se rencogner,
Se cuire un œuf devant que de se dévêtir.

Q1 – T6 – disp: 4 + 7 + 3 – y=x :c=a & d=b

Ors et décors, simili marbre et chrysoprase, — 1960 (2)

Paul Morin Géronte et son miroir

Ciné

Ors et décors, simili marbre et chrysoprase,
Obligeant clair-obscur, contacts accommodants …
Assise près de moi, lourde de chair et d’ans,
La dame blonde bave en haletant d’extase.

Quand Némorin se plaint du désir qui l’embrase
Et qu’Estelle choit sur des gazons imprudents,
Le plaisir fait claquer ses aurifères dents
Et suinte de ses flancs comme l’huile d’un vase.

Elle hume le suc, mieux que fraise en avril,
De ce film inconcevablement puéril,
En hennissant, telle la jument de Xaintrailles ;

Et l’air chaud déplacé par ses lombes puissants
Evoque cette odeur de jasmin et d’entrailles
Des chambres où les morts sont gardés trop longtemps.

Q15 T14  y=x :e =b

Comme je descendais les fleuves ravissants — 1956 (3)

Jacques Baron Les quatre temps

Eo rus

Comme je descendais les fleuves ravissants
L’oseille et la laitue prévoyaient le beau temps
Et le toit attendait le nid de l’hirondelle
Et se glissaient la loche et l’escargot fidèle

Sous l’herbe où se trouvait le chemin de l’amour
Balayé par le vent à la fin d’un beau jour
La vigne fleurissant me parlait encore d’elle
A la fin d’un beau jour arrivait l’hirondelle

La première hirondelle qui fait le printemps
Et refuse l’Afrique aux soleils tournoyants
Et ne veut plus croûter le pain des Infidèles

Je ne l’écoutais pas Je mettais tout mon zèle
A distribuer des graines à la basse-cour
Les graines du premier et du dernier amour

Q27 – T13 – y=x : c=a; d=b; e=b’