Archives de catégorie : T06 – ccd ccd

Quand parut le matin de la jeune vendange — 1897 (18)

Georges Fourest in La Province nouvelle

Quand parut le matin de la jeune vendange
Dans la coupe d’airain, je ne sais quelle Hébé,
Perfide, sut mêler du fiel et de la fange
Au vin pur qu’épanchait le rouge Kélébé.

Mais pour moi la jeunesse eut l’amertume étrange
D’un sinistre poison; et de pourpre nimbé,
Ainsi qu’un fier démon qu’un Dieu force d’être ange
Je rêve, triste éphèbe, à cet age courbé

Où les cieux éteignant leurs lampes sidérales,
Contemnant les sanglots, les désirs et les râles
Nous cesserons enfin, fantômes clandestins,

De nous trainer, sanglants sur le marbre des dalles
Et de suivre à travers ses ignobles dédales
Le fil mystérieux des fugaces destins.

Q8  T6

L’air noble, le taint mat d’une Jéorjiaine, — 1894 (2)

Lord-Orangis (= Gabriel Marfond) Aifemaire Amour – Sonnets écrits d’après une orthographe nouvelle –

Le portrait

L’air noble, le taint mat d’une Jéorjiaine,
De longs cheveus de jais tombans jusqu’aus jenous;
Le sémillant aisprit d’une pariziaine,
Sous de longs cils trais noirs des jolis yeus trais dous;

Un nom beau comme un chant de harpe aioliaine,
Ou come les refrains des pâtres andalous:
Voila ce quy vous vaut, belle muziciaine,
De tant de coeurs aipris tant d’homajes jalous!

D’autres peuvent avoir le ton chaud de l’oranje,
Des rôses sur leur lys, ou, sous la fine franje
De leurs cils capiteus, un euil noir plus ardant.

Mais, je puis l’avouer, sans forcer la louanje,
Je ne conus jamais, avant vous ô mon anje
D’atraits aucy divers un tout aucy charmant.

Q8 – T6

Sur les fleurs a glissé la brise matinale. — 1893 (17)

Robert de Flers in Le Banquet

Aube

Sur les fleurs a glissé la brise matinale.
Des nuages légers rêvent au bord des eaux,
Tandis qu’incendiant les grands lys des côteaux
L’aube vient iriser leur blancheur nuptiale.

La douceur des clartés, la pâleur liliale
Des nuances, les chants murmurés des ormeaux
Ont quitté les sous-bois, où les joyeux ruisseaux
On repris leur gaîté qu’un rire clair signale.

Et les rêves ont fui le parfum des berceaux
Que n’accompagnent plus les sanglots des oiseaux,
Dont la douceurs flottait dans la nuit musicale.

Qu’importe leur départ vers des pays nouveaux,
Puisque tes bras noués me sont de chers tombeaux
Et que ta lèvre encore est douce et virginale.

Q15  T6  y=x (c=b & d=a) Poème dans un goût différent de celui de Miquette et sa mère (avec Gaston-Armand de Caillavet), Les Vignes du  Seigneur ( avec Francis de Croisset ((serait-ce dans le film tiré de cette pièce que Victor Boucher prononce la célèbre réplique : « Einstein qué ballot ! « )  ou encore Ciboulette (avec le même et une musique de Reynaldo Hahn

C’est fin de bal:  » Vois-tu que brille — 1892 (7)

Edouard Dubus Quand les violons sont partis

Violons
Pour Georges Darien

C’est fin de bal:  » Vois-tu que brille
Dans leurs yeux fous même chanson?
Ecoute rire à l’unisson
Les deux violons du quadrille.

Ce n’est pas le rire qui brille
Dans les yeux après la chanson,
Vont-ils pleurer à l’unisson?
Les deux violons du quadrille.

Mais vient le temps où la chanson
Que l’on rêvait à l’unisson,
Comme autrefois dans les yeux brille.

Pauvre chanson ! Pauvre chanson !
Ils riront seuls à l’unisson
Les deux violons du quadrille.

Q15 – T6 – octo  – y=x (c=b, d=a) – Sonnet sur deux rimes avec vers-refrain: 4,8, 14

Encor vréman, bon Duvignô, — 1891 (1)

Le Chat Noir

Verlaine

A A. Duvigneaux
Trop fougueux adversaire de l’orthographe phonétique

Encor vréman, bon Duvignô,
Vou zôci dou ke lé zagnô
E meïeur ke le pin con manj,
Vou metr’ en ce courou zétranj

Contr(e) ce tâ de brav(e) jan
O fon plus bête ke méchan
Drapan leur linguistic étic
Dans l’ortograf(e) fonétic?

Kel ir(e) donc vous zambala?
Vizavi de cé zoizola
Sufi d’une parole verd(e).

Et pour leur prouvé sans déba
Kil é dé mo ke n’atin pa
Leur sistem(e), dizon-leur: ….

Q55 – T6 -octo

Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit — 1881 (7)

Paul VerlaineSagesse

Sainte Thérèse veut que la Pauvreté soit
La reine d’ici-bas, et littéralement!
Elle dit peu de mots de ce gouvernement
Et ne s’arrête point aux détails de surcroît;

Mais le Point, à son sens, celui qu’il faut qu’on voie
Et croie, est ceci dont elle la complimente:
Le libre arbitre pèse, arguë et parlemente:
Mais le pauvre de coeur décide et suit sa voie.

Qui l’en empêchera? De voeux il n’en a plus
Que celui d’être un jour au nombre des élus,
Tout-puissant serviteur, tout-puissant souverain,

Prodigue et dédaigneux, sur tous, des choses eues,
Mais accumulateur des seules choses sues,
De quel si fier sujet, et libre, quelle reine!

Q15  T6 abba a*b*b*a* ccd c*c*d* – (si x est une rime masculine, x* désigne la rime féminine qui s’en déduit: -oit / -oie; -ent/ -ente; -us/ -ues; -ain / eine) exemple de ce que Noël Arnaud nomme ‘rimes hétérosexuelles’

Lecteur, les vers de ce recueil — 1880 (24)

Tristan Gratien in La nouvelle lune

« Notre ami n’ayant pas le courage de commencer son volume, en a d’abord écrit l’épilogue »

Sonnet-épilogue

Lecteur, les vers de ce recueil
On un parfum de pourriture,
De réalisme et de cercueil,
En un mot, sont d’après nature.

Rarement j’ai franchi le seuil
De la Morgue, où le ciel figure,
Et mes vers en portent le deuil,
Lugubrement, je te le jure.

Tu peux les voir d’un mauvais œil
Ou leur faire un charmant cercueil,
Ami lecteur, je n’en ai cure !

S’ils froissent un peu ton orgueil,
Cher mortel, fais-en un linceul
Pour ta noble et superbe ordure.

Q8  T6  octo  y=x (c=a & d=b)

Sonnet, c’est un sonnet pour Roma Ratazzi. — 1875 (8)

Arsène Houssaye in L’Artiste


Sonnet à rimes redoublées crayonnés à la table à la fête de Roma Ratazzi

Sonnet, c’est un sonnet pour Roma Ratazzi.
Je vais le lui rimer en toute courtoisie.
Comment n’aurais-je pas des fleurs de poésie
A jeter à ses pieds comme on jette un lazzi ?

Mon Pégase est rétif, mais je l’ai ressaisi
Et j’y monte gaiement avec ma fantaisie.
Le coup de l’étrier, est-ce du Malvoisie,
Du Mumm, du Roederer, du Cliquot, du Bouzy ?

Quelle mère pourrait la voir sans jalousie
Cette enfant adorable entre toutes choisie ?
Buvons à sa santé, jusqu’au revenez-y.

Si pour chanter l’enfant ma muse s’extasie,
La mère a son mérite, on peut sans hérésie,
Dire qu’elle a bien fait sa Roma Ratazzi.

Q15  T6  y=x (c=b & d=a) (b=a*: zi/zie)

Un boudoir en désordre : effet de l’art. Hercule — 1874 (24)

Emile Dodillon Les écolières

Oraison funèbre
Madame se meurt ! Madame est morte !

Un boudoir en désordre : effet de l’art. Hercule
Aux pieds d’Omphale est peint sur le tapis ouaté.
Sur les meubles en bois de rose agrémenté,
Tous ces riens rococo d’un charmant ridicule.

Ces parfums de pays où bout la canicule
Changent en un creuset d’où sourd la volupté
Tous les trous de la peau. Le rideau velouté
Fait des plus francs soleils un adroit crépuscule.

Camélia se meurt. Et sa mère calcule
L’argent qu’elle fera de l’autel tant vanté :
Ce lit bas, sous l’alcôve, autour duquel, tenté
De s’y pamer encore, un jeune homme circule.

Il pleure, et sur le front de la chère beauté
Que le froid décolore, il essaye, irrité,
De rafraîchir un peu son front que l’amour brûle.

Pauvre enfant ! il avait pour elle tout quitté,
Et voilà qu’il lui faut, remis en liberté,
Etre autre chose, hélas !, qu’un roquet sans scrupule.

3Q abba  – T6  – y=x:c=b & d=a

4 exemples de sonnets à 3 quatrains en ‘abba’, 1 de quatre quatrains, tous sur deux rimes

Elle montait, toujours à la même heure, pâle — 1874 (15)

Paul DelairEtrennes du Parnasse pour l’année 1874

L’attente

Elle montait, toujours à la même heure, pâle
Et lente, l’escalier du cloître, au fond des bois,
Et, d’une niche obscure où rêve un Christ en croix,
Considérait l’espace où poudroyait le hâle.

On ignorait son âge, et son nom, virginale
Et douce, elle baissait de temps en temps la voix
Et passait comme un souffle, en ses habits étroits;
Et le jour traversait sa blancheur sépulcrale.

Un jour, nul ne la vit descendre. L’on n’osa
Troubler sa rêverie. – Et le temps se passa;
Elle resta figée au mur, l’année entière.

Une novice enfin près d’elle se glissa,
Et la voyant pareille aux pierres, la poussa …
Alors, elle tomba doucement en poussière.

Q15 – T6