Archives de catégorie : T07 – ccd cdc

Je voudrais écrire un sonnet. — 1988 (5)

Pierre Gripari Marelles

Sonnet

Je voudrais écrire un sonnet.
– Un sonnet? Mon Dieu, c’est horrible!
– Mais non! Ce n’est pas si terrible!
Voici le premier quatrain fait!

Pour le second, j’avoue que c’est
Plus dur de taper dans la cible!
D’autant qu’il me faut, c’est visible,
Une nouvelle rime en « ê »!

Enfin voici les deux tercets,
Que je peux bâtir, s’il me plaît,
En utilisant d’autres rimes …

Encore un vers à vue de nez,
Puis un tout dernier coup de lime,
Et le poème est terminé!

Q15 – T7 – y=x : c=a – octo – s sur s

Je suis le fol Roy de Colchide — 1977 (11)

Roger Gilbert-Lecomte Oeuvres complètes, II

L’Heur du Roy de Colchide

Je suis le fol Roy de Colchide
J’habite dans sept grands palais de Jade
Et j’ai sept caravelles dans ma rade
Qui m’apportent les trésors de l’Atlantide.

Pour avoir erré sur la mer viride
Dans un clair de lune de sérénade
Leurs pourpres gardent un peu du bleu fade
Des cieux où la nuit veut compter le vide.

Le seul sérail dont je fasse parade
C’est le ciel d’étoiles: j’entends, maussade,
Tintinabuler leur cristal limpide.

Je meurs de langueur. Dans mon coeur malade
Des poissons dorés à l’éclat splendide
Vont nageant en désespoir de noyade!

Q15 – T7 – 2m: 10s; octo: v.1; 11s: v.4 –  y=x: c=b, d=a

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur, — 1928 (3)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Epilogue étrange

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur,
Il met des trésors d’angoisse dans les jours joyeux,
Il te marque pour toi-même, sceau mystérieux,
– Il te marque pour toi seule: y a pas d’âme soeur.

Il peut enivrer ta vie, sauvage bonheur;
Il t’éblouit, il t’emporte, il ferme tes yeux,
Il te réveille, il te crée, t’emmène loin d’Eux
Et t’offre dans un silence l’éternelle fleur.

Le Meilleur Monde Impossible (Leibniz s’est trompé),
Trop sincère, trop splendide pour une entité,
Qui ne sera qu’en ton âme, ou ne sera pas.

« Tout un monde est lourde chose », songe Atlas-Psyché; –
Mieux vaut nous saigner ensemble d’un p’tit coutelas …  »
Il n’a été qu’en ton âme, mais n’a pas été.

1906 – C.P. note à la suite: « One more sigh’.

Q15 – T7 – 13s

L’hiver avait cessé, la bise était calmée, — 1890 (23)

Jules Sionville in L’Aurore

L’abeille et le singe

L’hiver avait cessé, la bise était calmée,
Le ciel, limpide et clair, semblait un pur émail ;
Sous la ruche une abeille au velouté camail
Voltigeait butinant plus souple qu’une almée.

De miel et d’ambroisie elle allait affamée
Comme un pauvre de pain dans l’ombre du portail,
Les pétales des fleurs lui servaient d’éventail
Et le pollen des lis lui formait un camée.

Mais sa sérénité fut bien vite embrumée ;
Un singe, qui la vit joyeuse et parfumée,
Courut pour l’écraser du doigt contre un vitrail,

Quand elle, en un clin d’oeil fuyant sous la ramée ,
Mais de son dard vengeur le piquant au poitrail,
Lui dit : « Crains l’innocent dont l’ire est allumée ! … »

Q15  T7  y=x (c=a & d=b)  fable-sonnet.

Je crois que Mantegna vous a faite en peinture — 1873 (15)

Charles Cros Le coffret de santal

Sonnet
A Mademoiselle Nelsy de S.

Je crois que Mantegna vous a faite en peinture
Droite dans le gazon rare et les arbres fins,
Au bord d’une mer bleue, où, civils, des dauphins
Escortent des vaisseaux à la basse mâture.

Vous menez, garrotés d’une rouge ceinture,
Des amours; sans souci de leurs pleurs vrais ou feints
Vous rêvez des projets dont nul ne sait les fins,
Laissant vos cheveux d’or flotter à l’aventure.

Où, prêtresse venue avec les chefs normands,
C’était vous qui rendiez dociles et dormants,
Par vos chansons, les flots insoumis de la Seine.

Echappée à d’anciens tableaux, d’anciens romans,
Ainsi, votre beauté m’étonne, sur la scène
Du monde de nos jours, pauvre en enchantements.

Q15 – T7

Midi. Pas d’ombre. Un ciel d’acier, pulvérulent. — 1871 (11)

Parnasse contemporain, II

Ernest d’Hervilly

A Cayenne

Midi. Pas d’ombre. Un ciel d’acier, pulvérulent.
La terre, brique sombre, au soleil se fendille.
Par moments, une odeur lointaine de vanille
Flotte, exquise, dans l’air immobile & brûlant.

Là-bas, longeant la mer huileuse qui scintille,
S’alignent les maisons aux murs bas peints en blanc,
En rose, en lilas tendre, en vert pâle, en jonquille,
De la Ville, où chacun sommeille pantelant.

Sur la plage, qu’un fou traverse à lourds coups d’aile,
Seul, & nu comme un ver, flâne un négrillon grêle,
Au gros ventre orné d’un nombril proéminent;

Ouvrant sa lèvre rouge où la dent étincelle,
Heureux comme un poisson qui nage, il va, traînant
Un crapaud gigantesque au bout d’une ficelle.

Q17 – T7

Du temps que je croyais aux dogmes catholiques, — 1846 (2)

Philothée o’ Neddy (Théophile Dondey) – Livres de sonnets

Madonna col bambino

Du temps que je croyais aux dogmes catholiques,
Que mes pensers d’enfance, ardemment ingénus,
Admettaient le pouvoir des saints et des reliques;
Que j’allais des autels baiser les marbres nus;

Parmi les beaux tableaux des grandes basiliques,
Celui que j’adorais, que je priais le plus,
C’était la Vierge blanche aux voiles angéliques,
Dans ses bras maternels portant l’enfant Jésus.

Et – bien que maintenant les doctrines sceptiques
Aient guéri mon cerveau des rêves chimériques
Bien que j’ose nier la Vierge et les élus,

J’ai toujours néammoins des tendresses mystiques,
Pour une femme assise en des prismes confus,
Qui tient un nouveau-né dans ses bras fantastiques.

Q8 – T7 – y=x (c=a, d=b)