Archives de catégorie : T08 – ccd cdd

L’ère des cuisiniers n’a plus rien à m’apprendre. — 1966 (7)

Roland Dubillard Je dirai que je suis tombé

L’ère des cuisiniers

L’ère des cuisiniers n’a plus rien à m’apprendre.
Je sais comme eux choisir la viande la moins tendre
et la laisser après molle comme un tampon.
Ce que moi je leur fais et de moi ce qu’ils font.

J’en ai la clef. La boîte et le couvercle! – Entendre
complète ce qui parle; on traverse le pont
comme le pont, sous lui, laisse un fleuve descendre;
On monte et l’escalier qui descendait répond.

L’étage, le palier, la famille, la pause,
l’effet qui met son pied dans la main de la cause,
l’enfant qui fait un ventre au couple désuni,

ce qu’il faut, c’est le bruit de ce muet qui cause;
c’est cette main de mort sur notre amour puni:
La nuit, pareille au jour et pareille à la nuit.

Q2 – T8

Car tout est bon en toi: chair, graisse, muscle, tripe! — 1885 (4)

(Alfred Delvau) – Les Sonneurs de Sonnets

Sonnet du cochon

Car tout est bon en toi: chair, graisse, muscle, tripe!
On t’aime galantine, on t’adore boudin.
Ton pied, dont une sainte a consacré le type,
Empruntant son arome au sol périgourdin,

Aurait réconcilié Socrate avec Xantippe.
Son filet, qu’embellit le cornichon badin,
Fournit le déjeuner de l’humble citadin,
Et tu passes avant l’oie au frère Philippe.

Mérites précieux et de tous reconnus!
Morceaux marqués d’avance, innombrables, charnus!
Philosophe indolent, qui mange et que l’on mange!

Comme, dans notre orgueil, nous sommes bien venus
A vouloir, n’est-ce pas, te reprocher ta fange?
Adorable cochon! animal-roi! – cher ange!

Charles Monselet

Q9 – T8

Pourquoi toujours Weber, Haydn, Mozart, Pergolèse, — 1868 (21)

Arsène Houssaye in L’Artiste

Sonnet

Pourquoi toujours Weber, Haydn, Mozart, Pergolèse,
L’Allemagne au ciel gris, l’Italie au ciel bleu ?
Notre soleil est pur, notre gloire est à l’aise :
Aux maîtres étrangers nous avons dit adieu !

Salut à ta beauté, noble Ecole française,
Musique de Thomas, d’Hérold, de Boïeldieu !
Tu naquis peu de temps après la Marseillaise,
Méhul est ton prophète, Auber, ton jeune dieu !

Et pendant que Paris bat des mains sous les lustres,
On voit venir Gounod, chef des jeunes illustres :
Il fait chanter Ulysse, et Faust, et Roméo.

Juliette ou Gretchen lui sourit des balustres !
Bissé par Roqueplan*, applaudi par Théo,
Et, pour suprême amour, chanté par Carvalho** !

Q8  T8 Trois ans plus tard, de l’Allemagne qu’est-ce que nous aurions entendu ! le sonnet, ‘lit de Procuste’ n’a pas trouvé de place pour les deux syllabes de ‘Berlioz’ (admettons que Bizet était trop jeune)

* sans doute Nestor Roqueplan, auteur de Coulisses de l’Opéra

** Caroline-Miolan Carvalho, chanteuse (‘Marie’, dans le Faust de Gounod soi-même)

Terrible trinité: le maigre Robespierre — 1846 (1)

Philothée o’ Neddy (Théophile Dondey) – Livres de sonnets

Les triumvirs
Terrible trinité: le maigre Robespierre
Entre le beau Saint-Just et l’infirme Couthon,
Trois hommes? Non, trois sphynx-de fer, d’airain, de pierre,
Dévorants léopards, lions – même Danton!

O problème! allier à la grandeur austère
De vertus qu’envieraient l’un et l’autre Caton,
Un fanatisme noir qui fait trembler la terre,
Et qu’au fond de l’Erèbe applaudit Alecthon!

Mais ne tolérons pas que de la bourgeoisie
L’hypocrite sagesse informe et sentencie
Contre ces hauts Nemrods, ces chasseurs de Tarquins.

Cela ne sied qu’aux fils de la démocratie.
Silence donc, silence, ô bourgeois publicains!
A nous seuls de juger ces grands républicains!

Q8 – T8

Il vient à moi l’oiseau qui nous prédit l’orage, — 1808 (6)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Le courlis

Il vient à moi l’oiseau qui nous prédit l’orage,
Appelé par le bruit du flot qui bat ces bancs;
Il livre aux aquilons son grisâtre plumage,
Et mêle un cri plaintif à leurs rugissemens.

Triste oiseau! Nous avons un même caractère.
Plus sauvage que toi, j’aime à porter mes pas
Entre les rocs épars sur ce bord solitaire;
Les plus rians bosquets sont pour moi sans appas.

O mer! Je t’aime calme, et j’aime ta furie!
Quand je vois les courans, sur ta surface unie,
Fuir en traits lumineux, je m’arrête en disant:

Voici comme ils ont fui, les beaux jours de ma vie!
A tes flots, sur tes flots se pressant, se brisant,
Peignent trop bien mon coeur tel qu’il est à présent.

Q59 – T8