Archives de catégorie : T15 – ccd eed

Qu’à son plaisir mon œil te considère — 1988 (7)

Bernard Manciet (trad) André du Pré Sonnets gascons

X

Qu’à son plaisir mon œil te considère
Il fait de toi toute sorte de fleur
La fraîche rose en sa belle couleur
C’est ton menton, ton col, ta main légère

Qu’avec des lis candides il tempère.
Sur ton front naît le souci de pudeur
Dedans tes yeux violette se meurt
Et giroflée aux lèvres fait enchère.

De fleurs sont faits et la joue et le nez.
Oreille et sein carmin vous soutenez.
Mais ce doux voir est tout ce qu’on me laisse.

Et tout ainsi qu’au ciel, quand serai mort
Dieu regarder sera mon réconfort
Sur cette terre est te voir ma liesse.

Q15 T15 tr

Mon âme a ses dessous, ma vie en est l’émule: — 1987 (9)

Jacques Jouet in une réunion de l’Oulipo

La Dissimulation ou Sonnet à une mule
dédié aux mânes de Luc Etienne

Mon âme a ses dessous, ma vie en est l’émule:
Un penchant sans limite en un moment conçu,
Le mal est accompli, je le tais, dissimule,
Et celle qui l’a fait, l’a fait à son insu.

Maudit attouchement d’un dos bis et fessu,
Utopique passion qui sans cesse accumule
Les silences, non-dits, le dédain je simule,
Et jamais ne me plains cependant que déçu.

Mais dites-moi comment semblable sauvageonne,
Anesse mi-cheval que Dieu fit douce et bonne,
Me put ainsi… Hélàs!, noble calamité!

Une mule au mulet pïeusement fidèle
Lit sans aucun émoi ce sonnet tout plein d’elle
En ne constatant pas son impudicité. »

Q10 – T15 – arv

Je connais bien le comte Dracula — 1981 (4)

Pierre Gripari L’Enfer de poche

Sexy Dracula

Je connais bien le comte Dracula
Et je souris, quand j’entends ceux qui disent
Que les fleurs d’ail, et tout le tralala,
Balles d’argent, miroirs, latin d’église,

Epieux pointus, conjurations apprises,
Ou crucifix peuvent le réduire à
Ce petit tas d’os et de cendres grises
Qu’un courant d’air emporte … au cinéma !

C’est mon ami, je l’avoue, je m’en vante
Je suis de ceux qui volontiers le hantent,
Il me reçoit le soir, en son hôtel ;

Ses dents sont bien rangées, blanches, petites,
Mais ce qu’il a, c’est une belle bite,
Et ceux qu’il baise, il les rend immortels !

Q11  T15  déca

1973 (1 à 5)

- Oulipo – La Littérature potentielle
Jean Queval
1-5 Cinq sonnets
ce  coeur pur   vitrifié     mystérieux       un peu mort
ce  richard     décéda       dans son parc    étoilé
ce  faux dur    supprimé     vaniteux         il s'endort

ce  vieillard   susurra      que son arc      épuisé
ce  n'enfant    réfléchit    dit qu'ailleurs  sur la trame
ce  mormon      suçotant     le radar         qui l'avive
ce  mendiant    reverdi      ce rameur        et sa dame

ce  cochon      tatouillant  le nectar        d'origine
ce  n'outil     ramollot     militant         consterné
ce  fusil       parpaillot   d'un amant       concerné
ce  sabir       connaisseur  d'un gymnaste    infernal
ce  trépas      amoureux     le voyeur        un marine
ce  n'en cas    fastidieux   sans chaleur     assassine
ce  roi Lear    inventeur    d'un surplace    ordinal
"Si l'on s'arrête à la disposition verticale du sonnet en alexandrins, quatre autres sonnets se détachent,
ainsi que le suggère avec discrétion leur mise en page: successivement un sonnet en vers de 1 pied
(on pourra soustraire cette plaisanterie sordide), un sonnet en vers de 2 pieds, un sonnet en vers de 3 pieds,
 un sonnet en vers de 6 pieds, un sonnet en vers de 9 pieds. Ensuite les alexandrins. L'ensemble se figure
par conséquent selon le principe alluvionnaire, ou boule de neige. "
Q59 - T15

La volupté du soir, la nuit et son mystère — 1970 (10)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Moïse

La volupté du soir, la nuit et son mystère
Descendaient sur ces monts où Japhet fut conçu ;
Et Moïse, accablé, enfin las de se taire,
Re-disait à IAVE ce discours par trop su :

«  O Seigneur, j’ai vêcu puissant et solitaire.
Souhaitant de passer de vous inaperçu
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre,
Exaucez-moi, Seigneur, vous dont j’ai tant reçu.

De cette auguste main que vous daignez me tendre
Rayez-moi de ce monde où nul ne veut m’entendre.
Je reviens à ma terre, en glissant tous mes pas

Sous votre ombre, ô Seigneur, à qui je fus fidèle ».
Or, Sa Voix retentit, et que lui disait-elle ?
« Je suis celui qu’on aime, et qu’on ne connaît pas »

Q08  T15  arv  d’après Vigny.

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère, — 1970 (9)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

La cigale et la fourmi

La cigale, un beau jour, s’en vint en grand mystère,
Chez la fourmi, ayant conçu
De quémander, mieux eût valu se taire
Un grain de mil, tout un chacun l’a su.

« Mon dénuement d’insecte solitaire
N’a pu de vous passer inaperçu
Prêtez-moi ces trésors que vous cachez sous terre,
Et je vous signe un bon reçu »

La fourmi, pas toujours tendre
Lui laisse entendre
D’aller ailleurs porter ses pas

«  A mes moindres défauts je veux rester fidèle »,
Lui dit-elle
« J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas ».

Q08 – T15  arv – 2m :Texte polymétrique : alexandrins au vers 1 et 7 – décasyllabes : v 3 à6 – taratantara au vers 14 – octo : 2,8,11 – hepta :v 9 – tétrasyllabe : vers 10 – trisyllabe : vers 13.

Mais si, mon vieil ami, votre secret mystère — 1970 (8)

Antoine Pol Croquis : 17 variations sur le sonnet d’Arvers

Mais si, mon vieil ami, votre secret mystère
Je l’avais deviné quand vous l’aviez conçu.
Une femme sait bien l’amour qu’on veut lui taire,
J’attendais votre aveu sans que vous l’ayez su.

Hélas ! il est trop tard mon cher inaperçu !
Vous méritez un peu de rester solitaire :
Qui ne demande rien sur cette ingrate terre
Ne peut pas s’étonner de n’avoir rien reçu.

Puisque vous savez bien écrire des mots tendres,
J’aurais peut-être aimé, jeune encor, vous entendre
Au lieu du bruit discret de vos pas dans mes pas.

Vous n’avez pas senti, quoiqu’étant tout plein d’elle
Les rêves que peut faire une femme fidèle
Dans le lit d’un époux qui ne la comprend pas.

Q10  T15  arv

Tu pus l’ut d’un luth, sûr Ubu! L’us fut vu d’un turlututu, — 1970 (5)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

U

Tu pus l’ut d’un luth, sûr Ubu!
L’us fut vu d’un turlututu,
D’un rut dru, d’un but, d’un tutu –
Chut! D’un cul nu – d’un fût brut bu

Sur un tumulus. D’un Sud sûr,
Plus d’un suc plut d’un cumulus,
Surplus chu bu pur d’un humus
Qu’un turf d’urus crût du jus mûr.

Vu plus d’un club: stucs, trucs, lunch, pub.
Tu bus, duc, un jus cru d’un tub.
Mû d’un pus dur, tu fus sûr d’un

Lupus. Tu sus; nul futur vu,
Nul. Sur un mur un urubu
Sûr d’un cumul – un Turc, un Hun.

aaaa  a’bba’ T15 – y=x :e=a – octo  monovocalisme

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs. — 1970 (3)

Adolphe Haberer a e i / y o u (ed.1993, chez l’auteur)

i / y

« Qi vit ici?  » Cris d’ibis vifs.
« Qi vit?  » Lys, iris gris, vit-il?
Cris (bis) vils; six pics incisifs.
 » S’il y vit, fils d’Isis viril?

Si vit Lilith?  » Il vit nid d’if,
N’y prit d’instinct l’incivil lit,
Ni inscrivit l’infini pli.
(Ci-gît l’incipit instinctif)

Styx-sis, ni lin, ni riz, ni vin;
Lys, iris, inscrits, six, dix, vingt,
Prix d’incisifs pics. (VIDI, VI-

CI) –  » Qi rit ici?  » Ni d’isis
Fils viril, ni Lilith, l’ibis
Rit l’infini. « Ici, qui vit? »

Q33 – T15 – y=x: d=b’ – octo

Monovocalisme en ‘i’.

Note liminaire de l’auteur (1993): « Cette suite de sonnets fut composée en 1970. Le premier, le sonnet en « e », fut écrit comme un défi lancé à Georges Perec qui venait de publier La disparition. Le défi fut si bien relevé que Perec publia en 1972 Les revenentes, dans lequel figure, à la page 86,  » ces vers vrément cherments  » que je lui avais dédiés. Les autres furent écrits à Oxford.

J’ai adopté l’une des règles de Perec, qui fait que « Qu » s’écrit « Q ». «