Archives de catégorie : T20 – cdc dcd

Je tresse une couronne aux Slovènes, pour toi, — 1996 (8)

Vladimir Pogocnik (trad) La Couronne de sonnets de Francé Preseren (1836) (Jean-Claude Polet :  Le patrimoine littéraire européen, vol 11a)


MAGISTRAL

Je tresse une couronne aux Slovènes, pour toi,
Un souvenir mêlant ta gloire avec ma peine,
Le coeur les a éclos, sonnets qui fleurs deviennent,
Inflétrissables fleurs d’un poétique émoi.

A distance des lieux où le soleil flamboie,
Privées elles restaient de vive et frêle haleine,
Recluses dans les tours des rocheuses moraines,
Impassibles foyers où l’orage foudroie.

Mes larmes, mes soupirs étaient leur nourriture ;
Ils donnaient peu de force aux poésies en pleurs,
Captives opprimées d’une saison obscure.

Or vois, dans ces bourgeons, est venue la pâleur ;
Veuillent tes yeux verser leurs rrayons doux et purs,
Alors, combien plus gaies viendront les jeunes fleurs.

Q15  T20 – tr

Je tresse une couronne aux Slovènes, pour toi, — 1996 (7)

Vladimir Pogocnik (trad) La Couronne de sonnets de Francé Preseren (1836) (Jean-Claude Polet :  Le patrimoine littéraire européen, vol 11a)


I

Je tresse une couronne aux Slovènes, pour toi,
Filant quinze sonnets de façon à former
Le sonnet magistral aux vers trois fois chantés
Qui lient en harmonie quinze chants à la fois.

Chacun de ces sonnets suit une même voie ;
Il sourd du magistral, puis vient s’y ressourcer ;
La fin du précédent est reprise en entrée,
Le poète est pareil au tortil qu’il emploie.

Ses pensées prennent source en un unique amour,
Et là où le soleil de la nuit les fit siennes,
Elles vont s’éveiller quand renaître le jour.

Du sonnet de ma vie tu es la souveraine ;
Quand je ne serai plus, retentira toujours
Un souvenir mêlant ta gloire avec ma peine.

Q15  T20 – tr

La pie a marqué la neige, craché l’orange. — 1992 (3)

Robert Marteau Liturgie

(La Pie, par Claude Monet)

La pie a marqué la neige, craché l’orange.
Sur son barreau de robinier, elle se tient
Parmi les pommiers noirs. Une lumière étrange,
Comme lampe en la mer qui palpite et retient
Sa flamme, jette au jour un léger corail, frange
Déchirée enclose en sa nacre qui contient
Et répand l’orient rose et gris sur la grange
Adossée au ciel dont la cendre n’appartient
Au feu expiré de nul autre combustible
Que l’hiver viride du lierre et du gui
Qu’on écrase du doigt en gel incomestible
Sauf pour l’oiseau peut-être et le dieu déchu qui
N’ose s’approcher des seuils, rôde, incompatible
Avec la braise, en aucun lieu n’ayant d’abri

Q08 – T20 – sns

T 0i, Vierge de Feu, Image du Savoir, — 1985 (9)

Athanase Vantchev de Thracy Toi, vierge de feu, couronne de sonnets

9
SONNET MAGISTRAL

T  01, Vierge de Feu, Image du Savoir,
O  eil pur de la Clarté que la Clarté ignore,
I  nstance suprême du Sang et Suressence du Sort,
V  isage de l’Apparence, Figure du Pouvoir,

I  nsigne du Ravissement et Corps de l’Etoile,
E  xulte, Extrême Joie, Planète de la Tendresse,
R  eposoir du Jour, S  ubstance de la Sagesse,
G  emme, Orfroi, Saphir de l’Ordre Nuptial,

E  loge de l’Ecriture, Sauvegarde de Firmament,
D  egré total de l’Ame et Grâce ultime du Cœur
E  nseigne de la Survie, Principe céleste du Temps

F  lambeau de l’Union, Acte, Règle, Flamme, Demeure,
E  xalte l’Effusion des Saintes Intelligences,
U  ne, Infinie, Urgente Loi de l’Adhérence !

acr  Q60  T20 m.irr

Avec ces mots choisis, ces points de suspension — 1969 (10)

Thiéri Foulc Vingt écrits

L’aigrefin

Avec ces mots choisis, ces points de suspension
Qui ne signifient rien peut-être, ou pas grand chose,
Mais qu’en industrieux plein de ruse il dispose
Pour feindre de poser des interrogations,

Il joue à extirper des abominations
Qui aient l’air de saigner au cœur papier des roses
Et à clamer des whâââh qui sonnent grandi-oses
Mais sont bulles de l’âme et de l’élocution.

Sa machine à écrire est l’outil qui perpètre
Ses voltiges dorées dans les tringles de l’être
Avec complicité des jolis circonflexes.

Mais il se peut qu’un jour une tringle se casse …
« Retour-arrière ! x,x ! » il en périra presque,
Empêtré qu’il sera dans ses lignes – vraie nasse !

Q15  T20  Les titres des 20 sonnets de la plaquette sont des variations sur le titre général : ça vous fait mal que j’écrive, hein ?Le nègre vintLe vin aigre ….

Ils allaient avec toi sur les souches premières — 1958 (15)

Raymond Queneau – (sonnets écartés des sonnets de 1958)

Les petits chemins que prennent les bûcherons dans la montagne

Ils allaient avec toi sur les souches premières
Relever les destins des ancêtres en bois
Plus figés que ne sont les derniers réverbères
Et croyaient voir ici un chêne ou deux ou trois

Ils avaient découverts les rûs hypothécaires
Dont se gargarisait un autrichien matois
Mais lorsque l’on voulait retrouver les rivères
On s’égarait alors dans la mare aux patois

Ils iront avec toi le long de la clôture
Piétiner lourdement un sentier mal pavé
Entre des talus verts sans nulle architecture

Quand dépasseront-ils enfin toute nature
Sans que s’étale même un fond d’humanité ?
Tout arbre est insolent non moins que la toiture

Q8  T20

Fluide aux éléments flous bouillonnant sous l’orage, — 1957 (3)

Pierre Boulle in Le poids d’un sonnet


Le pithécanthrope

Fluide aux éléments flous bouillonnant sous l’orage,
la mer anéantit sans haine et sans amour
cette goutte de pluie alanguie en l’air lourd
qui tombe, en chuchotant sa chanson, du nuage.

Le gouffre, sans reflet de ce fatal naufrage,
au destin de l’atome éternellement sourd,
détruit l’être, et dissout le fragile contour
en la simple Unité de sa splendeur sauvage.

Plus réel que de l’air la frêle passagère,
tu laissas un débris de ton humanité:
c’est ce crâne blanchi qui rit dans la poussière.

Mais ton âme, un soupir de la Divinité,
comme la goutte d’eau dans sa chute éphémère,
s’est dissoute, Univers, en ton immensité.

Q15 – T20

C’est un sonnet. Pensant à vous, très belle, — 1949 (1)

Tristan Klingsor Cinquante sonnets du dormeur éveillé

Le sonnet

C’est un sonnet. Pensant à vous, très belle,
A cet iris bordé de cils de nuit
Où la moquerie fait luire une perle,
Je le compose pour tromper l’ennui

Sorcier des mots, hélas! ce soir ne suis;
En habits d’or la syllabe rebelle
Paraît, danse, tournique et puis s’enfuit
Dès que ce niais de Sologne l’appelle

Et si l’amour recommençait sa fête,
Si la folle du logis revenait,
Ah! seriez-vous à cette heure où vous êtes?

Tant pis, je veux en avoir le cœur net;
Encore un vers, voici la chose faite:
N’en doutez pas, belle, c’est un sonnet.

Q11 – T20 – déca (peu réguliers) – s sur s

Je descend les degrés de siècles et de sable — 1928 (1)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Maya

Je descend les degrés de siècles et de sable
Qui retournent à vous l’instant désespéré
Terre des temples d’or, j’entre dans votre fable
Atlantique adoré.

D’un corps qui ne m’est plus que fuie enfin la flamme
L’Ame est un nom détesté du destin –
Que s’arrête le temps, que s’affaisse la trame,
Je reviens sur mes pas vers l’abîme enfantin.

Les oiseaux sur le vent de l’ouest marin s’engagent,
Il faut voler, bonheur, à l’ancien été
Tout endormi profond où cesse le rivage

Rochers, le chant, le roi, l’arbre longtemps bercé,
Astres longtemps liés à mon premier visage
Singulier soleil de calme couronné.

Q59 – T20 – 2m :6s: v.4 v6 : 10s – Le dernier vers est typographiquement isolé

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence — 1924 (5)

Maurice du Plessys Le feu sacré

Conclusion

Puisque l’Astre fut tel de mon adolescence
De n’avoir qu’à son terme un prix qui différait
Apollon, ce grand dieu m’enseigne par le trait
Qu’il voulait pleine épreuve à ma résipiscence.

Il permit donc que, de sa caution distrait,
Je tentasse, d’un cœur détaché, la licence:
Attentif à l’écart où du moins sa présence
Témoignait qu’au retour ce cœur fut toujours prêt.

Jaloux qu’après qu’on l’eût abjuré, on l’encense?
Ou s’il voulait, comme au trépied, un minerai,
Au feu d’un sein mortel éprouver son essence?

Ne tâchons à savoir des Dieux le soin secret:
Ainsi toute la grâce est dans l’obéissance,
Etant de l’ordre universel l’Objet seul vrai.

Q16 – T20 – y=x :c=a, d=b