Archives de catégorie : T24 – cdc ede

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers — 1972 (2)

Pierre Albert-Birot Dix sonnets et une chanson

II

Oui le Sonnet n’a que quatorze vers
Certes plus de pieds sont à la caserne
Si vous préférez quatorze pins verts
Allez aux pins en ce qui me concerne

Vais à sonnet n’est pas piqué des vers
Direz que je m’éclaire à la lanterne
Soit! Tout flambant le moderne univers
Me plaît ce soir d’entrer dans la caverne

Pétrir le silence avecque la nuit
Cherche la loi comme un vieil alchimiste
Aimer ce qui sert barrer ce qui nuit

Tel mot n’entre pas tant pis on le tord
On fait le savant et on fait l’artiste
Ci-gît un sonnet peut-être ai-je eu tort

Q8 – T24 – 10s – s sur s

Dans les roseaux le printemps se balance. — 1970 (1)

Lanza del Vasto Le Viatique, II


Printemps sur le marais

Dans les roseaux le printemps se balance.
Par-dessus les buissons, sur l’étang plat
La nue est plate avec de blancs éclats,
Le vent se lève et retombe en silence.

Le pas est mou, dans les joncs emmêlés,
Le sol mouillé, jetant sous les chaussures,
Un cri d’oiseau, glisse à la pourriture,
Un brouillard vêt les saules mutilés.

L’étang est plat, l’air veuf de voix humaines
Même de cloche, et sans une félure,
Et le regard à nul arbre ne mène

Nous marchons vite et cherchons les vrais champs
Car le printemps est mort ici: nature
Chante en ces lieux toute seule son chant.

Q63 – T24 – déca

C’est moi le démon des trains dans le noir, — 1947 (4)

Henri ThomasLe monde absent

C’est moi le démon des trains dans le noir,
je fais s’étonner l’ouvrière lasse
qui regarde les lumières du soir
scintiller, danser, virer dans l’espace.

Les wagons seront comme des dortoirs
pour la fièvre, pour les images basses,
je tisonne dans les cœurs, je veux voir
un vieillard nerveux qu’une femme agace,

un adolescent qu’une main réveille,
et j’adore quand cet enfant s’allume
au vampire qui lui parle à l’oreille.

O les profondes chuchotantes nuits!
et quand l’aube vient, couleur d’amertume,
reboutonnez-vous, voyageurs surpris.

Q8 – T24 – tara

L’exquise Bouquetière aux sourires discrets, — 1905 (16)

Emile Boissier in Les Fééries interieures (2008)

LA CAMARGO A Mme SAINT POL ROUX.

L’exquise Bouquetière aux sourires discrets,
Camargo, la danseuse adorable, c’est Elle !
Sa main pâle, doigts fins, nous offrant des oeillets
S’enrubanne au frisson câlin de la dentelle.

Fanfreluchés un peu sous le bleu des lacets
Vers le tulle mutin givré de brocatelle,
On devine en leur grâce éblouissante et frêle
Ses seins blancs et neigeux enclos au corselet.

Une toque, enfantin caprice, à son oreille
Se penche, bride au vent, sur ses cheveux poudrés
Et ses yeux sont naïfs et sa bouche vermeille.

Dans la pourpre du soir tendre et crépusculaire,
Avec le charme doux de ses longs cils nacrés
La belle au front câlin s’ingénie à nous plaire

Q9  T24  y=x (d=a)

Mon rêve a regardé le très dolent cortège — 1900 (14)

– ? in Le Beffroi

Rédempteur

Mon rêve a regardé le très dolent cortège
Des pauvres sans espoir passer avec lenteur ;
J’ai songé, tout ce soir, que j’étais Rédempteur
Et que j’aimais d’amour la foule sacrilège.

Vers elle j’inclinais mon front libérateur
Et j’étais l’Attendu qui bénit et protège ;
La douleur se prenait au divin sortilège
Et tous venaient, venaient à moi consolateur :

Les délaissés, les gueux, les déçus de la vie,
Les pélerins lassés de la route suivie.

Et traînant après moi cet exode sanglant,
Je gravissais, chargé de la croix, mon calvaire ;
Des baumes s’écoulaient de la plaie à mon flanc.

Puis je mourais sur la plus haute des collines,
J’étais Christ ; et mes bras immensément ouverts
Attiraient vers mon cœur les âmes orphelines.

Q15  T24  s. long , 16v: Un distique plat est inséré entre quatrains et tercets

Sur la côte, du bord d’une rivière d’huile — 1896 (14)

Maurice Rollinat Les apparitions

La forme blanche

Sur la côte, du bord d’une rivière d’huile
Qui roulait ses flots gris sous les cieux inquiets,
Loin, loin, vague à travers les feuilles, je voyais
Un très haut cheval blanc qui se mouvait tranquille.

Aux tournants de la route, au creux de chaque pente,
Brusque, il disparaissait pour surgir de nouveau,
Montrant lourdeur de plomb, roideur de soliveau,
Dans son allure grave et qui semblait rampante.

C’était certe un cheval ! Cela ne devait être
Autre chose ! et, pourtant, je pouvais en douter …
Son aspect ambigu me faisait hésiter…
Puis je m’apercevais qu’il avait bien des maîtres.

Oui ! des gens modelant leur marche sur la sienne,
Avec je ne sais quel singulier apparat,
Le suivaient … Et je fus, autant qu’il m’en souvienne,

Tout saisi quand passa juste devant mes saules
Au lieu d’un cheval blanc, un cercueil sous un drap
Que portaient six géants sur leurs larges épaules !

3 quatrains embrassés – T24 (cdc ede (plusieurs exemples dans le même livre))

Ce soir là, nous étions assis devant la mer, — 1895 (13)

Alban Roubaud Pour l’idole

Pressentiment

Ce soir là, nous étions assis devant la mer,
Emus par je ne sais quelle tendresse vague
Muets, nous regardions déferler chaque vague
Et le vent dans nos cœurs mettait son souffle amer.

Ta lèvre s’était close et tes mains dans les miennes
Frissonnaient, par moments, tels des oiseaux frileux.
Ton regard se perdait à l’horizon houleux,
Et tu semblais revoir des choses très anciennes.

Soudain, j’eus dans le cœur comme un pressentiment
Et je ne sais quel cri lointain donna l’alarme,
Mais je sentis mon cœur s’en aller lentement …

Le silence est parfois plus cruel que les mots !
J’interrogeai tes yeux où tremblait une larme :
Et c’est de ce soir là que datent tous mes maux.

Q63  T24

Je reviens au Sonnet ; c’est chose difficile, — 1886 (23)

Charles D. Williams Les voix du cœur

Je reviens au Sonnet ; c’est chose difficile,
Dis-tu ? car tu le veux plein de grâce et d’esprit.
Pourtant, des deux quatrains, le vers coule tranquille,
La rime, quatre fois, à l’aise se produit.

Des deux tercets le vers est un peu moins facile ;
Car du rythme le moule est étroit et réduit.
L’espace est très restreint ; trop d’abondance nuit,
Et l’hémistiche au sens doit se montrer docile.

Mais c’est au dernier vers qu’il faut mettre de l’art,
Afin de couronner l’aimable et beau poème !
Le sonnet, pour briller, n’a pas besoin de fard.

Le tien est bien charmant ; et je t’en felicite.
Aime et cultive aussi tous ces auteurs que j’aime,
Ils savent rendre heureux ; ils donnent le mérite.

Q9  T24  s sur s

L’auteur est haïtien

L’Alameida bruit, le Zacatin flamboie, — 1884 (8)

Alfred Busquet Poésies, I

Grenade

L’Alameida bruit, le Zacatin flamboie,
Les marchands accroupis étalent leurs bijoux,
Le ciel est plein d’ivresse et la ville est en joie,
On boît de la musique avec des limons doux.

Comme des papillons de nuit, sans qu’on les voie,
Les rouges éventails agitent les froufrous,
Les yeux suivent les yeux, et les robes de soie
Vous frôlent doucement, en dépit des bijoux.

Dans les rougeurs du soir, la Nevada s’accuse,
Blancheur étourdissante, immaculé sommet
Où la neige d’hiver s’amoncelle et s’infuse,

Et la lune émergeant des ravins ténébreux,
Au front de l’Alhambra comme une aigrette, met
Le croissant, souvenir d’un âge plus heureux!

Q8 – T24 – Formule ‘italienne’ cdc ede dans les tercets, autrefois utilisée abondamment par Baïf

Les rideaux tout souillés des morves d’un branlé — 1881 (13)

Joris-Karl Huysmans ? – in Le Parnasse satyrique du 19e siècle

Sonnet Masculin

Les rideaux tout souillés des morves d’un branlé
Enveloppaient le lit – un bidet rempli d’eau
Attendait – le vieillard entre – mit son cadeau,
Cinq francs, dans une coupe en zinc – et l’enculé

Tournant le dos porta ses jumelles rondeurs,
Dames Jeannes d’amour, au bouchon du miché.
A grande aide de suif il fut vite fiché
Dans cette cave en chair où fumaient les odeurs

De salpètre et de bran, le dard qui sautillait
Eperdu, dans ses doigts! – Après un long effort,
Il entra jusqu’au ventre dans ce trou qui baillait.

Et l’anus embroché sonna son doux lic lac.
C’est bon, dis, petit homme? – Oh oui! Va, va, plus fort!
Ah! reste – assez – Laisse -Ouf! – Et l’on entendit clac.

Q63 – T24 – On remarquera que toutes les rimes sont masculines – le vers 11 a une césure épique