Archives de catégorie : T30 – cdd cee

Je zuiz le ténébreux, le veuf l’inconzolé — 1997 (6)

Oulipo La Bibliothèque Oulipienne –  vol IV

El Dezdichado, ou S/Z

Je zuiz le ténébreux, le veuf l’inconzolé
Le prinze l’Aquitaine à la tour abolie
Ma zeule étoile est morte, et mon luth conztellé
Porte le zoleil noir de la mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, toi qui m’az conzolé,
Rendz –moi le Pauzilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaizait tant à mon coeur dézolé,
Et la treille où le Pampre à la vigne z’allie.

Zuiz-je Amour ou Phoebuz? … Luzignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baizer de la Reine;
J’ai rêvé dans la grotte où nage la Zyrène…

Et j’ai troiz foiz vainqueur traverzé  l’Achéron:
Modulant tour à tour zur la lyre d’Orphée
Les zoupirz de la Zainte et les criz de la Fée.

Q8 – T30

Le sonnet vient de loin dans sa forme concise — 1993 (15)

André VelterDu Gange à Zanzibar

Remember Henry J-M Levet

Le sonnet vient de loin dans sa forme concise
Qui garde cependant avec l’alexandrin
Une haute rumeur serrée dans un écrin
Comme en un coquillage la houle très précise.

On glissait sur la paume d’une belle princesse
Un doux billet de feu et de désir ardent:
Deux quatrains deux tercets passaient bien sous le gant
Avant de mettre au coeur la langueur qui oppresse.

Mais les jeux de l’amour ont changé de tempo,
Le sonnet ne vaut plus un coup de téléphone
Pour emballer presto une jeune personne …

Le salut a surgi d’un usage nouveau
Qui veut depuis Levet qu’un poète aux escales
Entasse quatorze vers sur des cartes postales.

Q63 – T30 – s sur s

sans cesse je rêvais d’avoir des rapports sexuels — 1993 (11)

William CliffAutobiographie

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sans cesse je rêvais d’avoir des rapports sexuels
avec des mineurs d’âge nus en été sur des plages
ou bien dans ces forêts remplies de poisons naturels
dont en moi je garde toujours la nostalgique image

et plus je me sentais coupable d’avoir ces pensées
et plus ces pensées m’attiraient et plus je me croyais
le seul à les avoir ainsi j’eus l’idée insensée
d’être un monstre tel que que le monde n’en a jamais fait

au lieu d’étudier je traçais des dessins me montrant
un beau garçon en caleçon à l’avant d’une barque
et qui regarde vers le large et sans qu’il le remarque

fait voir dans son intimité les charmes obsédants
et aujourd’hui malgré tant de corps que j’ai pu étreindre
je rêve encor du corps dont j’ai jadis tracé l’empreinte

Q59 – T30 – 14s

l’hiver nous eûmes froid et les hivers étaient très longs — 1993 (8)

William CliffAutobiographie

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l’hiver nous eûmes froid et les hivers étaient très longs
je me souviens d’un hiver où la Meuse fut gelée
on pouvait la passer avec des chariots et même on
fit un feu au milieu pour rire de sa destinée

et nos bâtiments mal chauffés nous donnaient des frissons
nous aimions rentrer dans nos lits à la fin des journées
nous y mettre en chiens de fusils et trembler avant qu’on
sente enfin le lit rechauffer nos chairs frigorifiées

alors tels des noyés nous entrions au fleuve-sommeil
longtemps la nuit si longue et noire de l’hiver ce fleuve
nous traînait dans son lit pour nous soumettre à des épreuves

dont nous perdions tout souvenir au moment du réveil
quand le matin nous poussait en ouvrant ses glauques voiles
vers un évier dont l’eau glacée nous mordait jusqu’aux moelles

Q8 – T30 – 14s

enfant je restais longtemps à jeter de longs regards — 1993 (2)

William CliffAutobiographie

1

enfant je restais longtemps à jeter de longs regards
à travers la fenêtre de notre ennuyeuse école
et recevais pour prix de m’être encore mis en retard
des coups des punitions  » il n’est pas de mauvaise vol-

onté  » disaient devant la grande colère de mon père
mes maîtres mais ni coups ni punitions ne pouvaient m’em-
pêcher de rester le regard tourné vers les fenêtres
austère de notre ennuyeuse école en ce moment

alors que la vie décline et s’en va je continue
à jeter des regards traînards à travers les fenêtres
sans craindre coups ou punitions car mon père et mes maîtres

ne sont plus là pour m’en donner et aux nues inconnues
je donne en liberté mon âme assoiffée du sommeil
brumeux qu’elle aime voir errer dans les fumées du ciel

Q59 – T30 – 14s

Je suis ce fortuné qu’une clé bienheureuse — 1992 (2)

Jean Malaplate Shakespeare sonnets


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Je suis ce fortuné qu’une clé bienheureuse
Introduit au trésor caché de son désir,
Mais qui retient longtemps son humeur curieuse
Pour n’émousser la pointe à son rare désir.

Les fêtes sont ainsi rares et solennelles
N’étant que peu de jours sur la chaîne de l’an
Comme pierres de prix qu’on ne va prodiguant,
Ou dessus le collier les perles les plus belles.

Le temps qui vous enferme est aussi mon coffret,
Ou bien le cabinet où la robe demeure,
Afin de rehausser le faste de cette heure

Qui verra son éclat, longtemps tenu secret.
Oh! béni soyez-vous, dont le mérite immense,
Présent donne triomphe, absent donne espérance.

Q60 – T30 – disp: 4+4+4+2 – tr

J’ai manqué de peu l’autocar qui dessert — 1990 (5)

Jacques RédaSonnets dublinois

Galway

J’ai manqué de peu l’autocar qui dessert
Les bords occidentaux du Connemara
Dont j’avais rêvé : son brusque démarrage
M’a fait voir l’inconsstance des dieux. Et certes

Autrefois j’aurais mieux couru. Mais que sert
De courir après la chance qui m’aura
Servi plus souvent qu’à mon tour de courage ?
Le dépit avec la raison se concerte.

En effet en un jour, touriste pressé,
Qu’aurais-je appris de la farouche étendue
Qu’il faut affronter seul et presque perdu

Loin, lontemps, sans but, sans arrière-pensée
De retour, si l’on veut atteindre le port
Où s’embarquer enfin comme on s’évapore ?

Q15  T30  rimes « hétérosexuelles »  11s

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable — 1987 (6)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’odeur de l’eau qui sèche sur le sable
Comme un poisson qu’on retire du fleuve
A moins hanté mon âme que ne peuvent
La hanter tes départs irrespirables.

Comment vivre après toi? Le soleil même
N’est plus qu’un vieux lampion sur la campagne
Le coeur dont toute absence est la compagne
Va-t-il se souvenir longtemps qu’il t’aime?

Mais si tu n’avais l’art de t’éloigner
Tu haïrais sans doute un coeur novice
Et si mon coeur n’était pas si novice

L’amour parfait t’aurait bientôt lassé.
A ta façon de détourner la tête
J’ai su que tes départs étaient nos fêtes.

Q63 – T30=shmall* – disp: 4+4+4+2 – déca

Une erratique ruine aspire la semence — 1981 (2)

OulipoAtlas de Littérature potentielle

Claude Berge

14=15 – Sonnet loydien
à Raymond Queneau

Une erratique ruine aspire la semence
Lorsque pour nous distraire y plantions nos tréteaux;
La méduse gonflée s’épuise avec conscience
Dans le fond du bourbier où fermentent les mots …

Quand la vierge solaire au goût plein d’arrogance
Extrait le thalamus du vieux Jivaro beau,
L’Amérique du Sud sombre dans la licence
Alors que nous lions de piètres bigorneaux.

Que sa langue câline apporte ici l’émoi
Enfin papille tendre attise l’équivoque
Que mande l’envieux mâle et barbote le phoque!

Quand tu lis ce sonnet ne crois pas que c’est toi,
Bois et te baffre à Rio ploie ta taille élastique ….
Le nombre de ces vers devient problématique

Une papille tendre attise l’équivoque
Lorsque pour nous distraire y barbote le phoque!
La méduse gonflée s’épuise avec toi.

Dans le fond à Rio ploie ta taille élastique …
Quand la vierge solaire au goût problématique
Extrait le thalamus du vieux Jivaro beau

L’erratique ruine aspire la semence
Alors que nous lions plantions nos tréteaux;
Que sa langue câline apporte conscience

Enfin du bourbier où fermentent les mots …
Que mande l’envieux mâle et plein d’arrogance
Quand tu lis ce sonnet ne crois pas que c’est beau.

Amérique du Sud sombre dans la licence
Bois et te baffre de piètres bigorneaux.
Le nombre de ces vers devient ici l’émoi.

Q8 – T30

Je suis le tensoriel, le vieux, l’inconsommé — 1973 (7)

Raymond Queneau

Deux transformations, à partir de Nerval, par la méthode oulipienne du ‘S+7’, à l’aide de deux dictionnaires différents.- II

El Desdonado
Je suis le tensoriel, le vieux, l’inconsommé
Le printemps d’Arabie à la tourbe abonnie
Ma simple étole est molle et mon lynx consterné
Pose le solen noué de la mélanémie.

Dans l’obi du tombeur toi qui m’as consommé
Romps-moi le Peïpous et la miss d’Olympie
La foi qui poignait tant à mon coin désossé
Et la trempe où la pente à la rosse s’appuie.

Suis-je Ampère ou Phédon? Luxembourg ou Biton?
Mon fruit est roux encor du balai de la peine,
J’ai riblé dans la grue où nappe la trentaine

Et j’ai trois fois vairé travesti l’Alagnon
Moissonnant tour à tour sur la mâche d’Ougrée
Les sourcils de la salle et les crics de la fouée.

Q8 – T30