Archives de catégorie : monorime

Avant donc de lâcher la plume j’en ve crac — 1986 (2)

René BellettoLoin de Lyon – XLVII sonnets –


XX

Avant donc de lâcher la plume j’en ve crac
Nais aux mains comme quatre en crachant tout à sac
Dans mon roseau total puis cassais la baraque
De l’âme écartée d’une tiret final opaque

Je rayais de la carte et de tout almanach
Le monde joué aux points cardinaux par paqu
Ets d’êtres châtrouillés hi les êtres mis d’ac
Cord dans le même sac sans parler des cloaques

Ouvragés dans la gueule imprimaient et clac claqu
Aient du même coup j’avais la langue commac
L’engagement était bûlant liquidée la c

Omédie déjelée châtriment de fond rac
Lée couac ni maison ni roseau seul un chant ac
Appella dans le noir en chutant patatrac

aaaa aaaa aaa aaa – monorime en ‘ac’

Médite, l’œil fixé sur ce centre, la mort, — 1950 (1)

Georges JuéryJeux de mots en enfer

Inscriptions gnomiques

Médite, l’œil fixé sur ce centre, la mort,
Attente de la vie et de quoi? de la mort.
Tu seras libéré quelque jour par la mort,
Mais tu voudrais te sentir libre avant la mort.

Devenir libre enfin, mais non grâce à la mort
Surmonte tout désir: c’est prévenir la mort,
C’est alléger la vie en couronnant la mort.
Suicidé vivant, sache vivre ta mort.

Soupir de délivrance à finir cette vie
Et regret déchirant d’être privé de vie,
Qu’on tienne à tant de maux à cause de la vie!

Ce clin d’œil qui se veut éternel, c’est la vie.
Quelle folle se croit raison de tout? la vie.
O fille du chaos, son héritière, ô vie!

aaaa aaaa bbb bbb a: mot-rime ‘mort’ – b:mot-rime ‘vie’ Résurgence imprévue d’une vieille variante du sonnet pétrarquiste, où les mots-rimes alternants sont vita et morte.

Que m’importe qu’un pédagogue — 1920 (6)

Léon de Berluc-PerussisSonnets

A M. Achille Vogue,
qui me demandait un sonnet pour son recueil d’autographes

Que m’importe qu’un pédagogue
Me déclare d’une voix rogue
Que mes vers – sonnet, ode, églogue –
Ne sont qu’une assez pauvre drogue!

Voilà que mon humble pirogue
Aux rives de la gloire vogue,
Puisque, entre les auteurs en vogue,
Mon nom brille en l’album de Vogue.

A mon œuvre nul astrologue
N’eut prédit pareil apologue:
J’entre au temple où le meilleur drogue.

Mais êtes-vous sûr, ô bon dogue,
Que votre indulgent catalogue
La postérité l’homologue?

monorime  octo

X x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x — 1909 (3)

Georges Fourest La négresse blonde

Pseudo-sonnet que les amateurs de plaisanterie facile proclameront le plus beau du recueil
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Nemo (Nihil, cap 00)

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* Si j’ose m’exprimer ainsi (Note de l’auteur)

aaaa aaaa aaa aaa

Midi! des cieux brûlants, plombés de pâleur mate. — 1896 (9)

Léonce de Joncières L’âme du sphinx

La fille à la girafe

Midi! des cieux brûlants, plombés de pâleur mate.
Midi! l’écorce d’or des fruits trop mûrs éclate.
Près du lac, les ibis dorment sur une patte,
Leur souple col plié sous leur aile d’ouate.

Par la fenêtre Ouarda, la fille du grammate,
Laisse pendre, le long de la muraille plate,
Son bras de la couleur rosée et délicate
Du verre de Chaldée. Or, sous l’ombreuse natte,

La girafe, qui tend son licol écarlate,
Vient lécher le bras frêle et le plaisir dilate
Ses naseaux noirs. Ouarda la caresse et la flatte,

Lui parle, en minaudant comme une jeune chatte,
Et rit, en lui tendant sur un plateau d’agate
Un petit tas de riz surmonté d’une datte.

monorime

Le soleil verse aux toits des chambres mal fermées — 1886 (11)

Germain Nouveau (ed. Pléiade)


Smala

Le soleil verse aux toits des chambres mal fermées
Ses urnes enflammées;
En attendant le kief, toutes sont là, pâmées,
Sur les divans brodés de chimères armées;

Annès, Nazlès, Assims, Bourbaras, Zalimées,
En lin blanc, la prunelle et la joue allumées
Par le fard, parfumées,
Tirant des narghilés de légères fumées,

Ou buvant, ranimées,
Les ongles teints, les doigts illustrés de camées,
Dans des dés d’argent fin des liqueurs renommées.

Sur les coussins vêtus d’étoffes imprimées,
Dans des poses d’almées,
Voluptueusement fument les bien-aimées.

sonnet monorime – 2m (6s: v.2, v.7, v.9 v.13)

Eve perdit l’aïeul de la grande famille, — 1857 (3)

Charles de Nugent Souvenirs d’un voyageur

La femme
sonnet à Amédée de Bejarry

Eve perdit l’aïeul de la grande famille,
Et pour nous perdre encor, d’Eve on voit chaque fille
Qui se fait courtiser, qui sourit, qui babille,
Qui s’habille et se déshabille.

Que de charmes elle a du front à la cheville!
Mais de tant de beautés la perfide qui brille,
Dans la main qui la tient glisse comme une anguille,
Et ne craint ni verrou ni grille.

Le jaloux dont le coeur de noirs tourments fourmille
Loûtrerait(?) vainement au fond d’une bastille
La coquette dont l’oeil pétille.

Que de bure ou de soie elle ait une mantille,
Toute femme sait coudre, et de fil en aiguille
Est sujette à la peccadille.

aaaa aaaa aaa aaa – 2m (octo: v.4, v.8, v.11, v.14)  – sonnet, on le voit, monorime