Archives de catégorie : PL

Méandres, bleus surgeons de mon verbe quitté, — 1923 (2)

Jean RoyèreQuiétude

Strophe

Méandres, bleus surgeons de mon verbe quitté,
Horizontale nef, vaste suavité,
Dans la feuillée ardente et sur la mer soumise
Jase l’immense erreur de la strophe promise! ….

Quêteuse, qui trahis au toucher de l’aurore
Le spectre rose et or de notre hier sonore,
Ombre encore lovée et dont naîtra le jour,
Exorcise la mort du regret de l’amour!

J’acceptais que l’Azur nous tienne lieu de spasme:
– Ai-je connu vivant, un autre enthousiasme? …. –
Que l’astre nous disperse en un presque univers
Et fasse de nous deux le rythme d’un seul vers,

Qui se love, soleil, sur la vie océane
Et dont saignent le ciel, la mer et la savane!

Q55 – T13 = PL  – disp: 4+4+4+2  – Rimes plates

Le noir effondrement des ténèbres premières — 1888 (19)

Charles CrosLe Collier de griffes

(L’évocation des endormis)

Il faisait chaud à tomber, dans le salon.  Au milieu, devant la table et sous la lampe, une petite blonde contrefaite et phtysique écrit au crayon sur un cahier. Un monsieur, cheveux poivre et sel, rouge sur sa cravate blonde, tête à passions (pas en faire, mais en avoir – de mauvaises), se tient derrière le frêle médium. Il annonce:
– Nous commençons par m. X. Marmier, l’illustre voyageur, membre de l’Institut, qui se couche de bonne heure!
– Un tas de gens extatiques tendent le cou pour voir ce que la blonde va écrire.
– La blonde se tortille, casse trois crayons  et écrit …

………..

« Nous allons terminer la séance par le bouquet habituel: M. Victor Hugo!
La blonde pâlit et écrivit, avec la rapidité de l’éclair, ceci:


La chute

Le noir effondrement des ténèbres premières
S’accomplit. Et Satan, amoureux des lumières
Du punch, du vice impur et de l’orgie en rut,
Tomba du haut du ciel comme tombe un roc brut.

Il tomba si longtemps que les âges immenses
Sonnèrent tour à tour aux cloches des démences
Que Dieu mit çà et là dans l’espace sans bord.
Et plus bas que la vie, et plus bas que la mort,

Plus bas que le néant l’inaccessible cible,
Et plus bas que l’absurde et que l’inadmissible
Il tomba, ricanant de n’aller pas plus bas.

Il disait: C’est la fin des glorieux combats;
Il faut être vainqueur ou vaincu, mais bien l’être;
L’esprit veut me tuer? Je vivrai par la lettre!

Q55 – T13 – Entièrement en couplets plats.

Le noir effondrement des ténèbres premières 1879 (21)

Charles Cros L’évocation des endormis

La chute

Le noir effondrement des ténèbres premières
S’accomplit. Et Satan, amoureux des lumières
Du punch, du vice impur et de l’orgie en rut,
Tomba du haut du ciel comme tombe un roc brut.

Il tomba si longtemps que les âges immenses
Sonnèrent tour à tour aux cloches des démences
Que Dieu mit çà et là dans l’espace sans bord.
Et plus bas que la vie, et plus bas que la mort,

Plus bas que le néant l’inaccessible cible,
Et plus bas que l’absurde et que l’inadmissible
Il tomba, ricanant de n’aller pas plus bas.

Il disait : C’est la fin des glorieux combats :
Il faut être vainqueur ou vaincu, mais bien l’être ;
L’esprit veut me tuer ? je vivrai par la lettre !

cas limite : on a quatorze vers plats, répartis, dans la page en 4+3+4+3 .

Vous qui pour Bénazet, ce roi-soleil de Bade — 1869 (34)

Méry in l’artiste

Le sculpteur Ludovic Durand était un des jeunes amis du poète Méry. Un été qu’ils se trouvaient ensemble à Bade, comme Ludovic Durand sculptait le théâtre Bénazet, et que le statuaire demandait au poëte de lui faire son buste, Méry improvisa son consentement dans un sonnet – un sonnet resté inédit – qui est toute une ciselure (Arsène Houssaye)

Vous qui pour Bénazet, ce roi-soleil de Bade
Qui donne tous les ans à l’Europe une aubade,
Seigneur de Rouge-et-Noire au magique métal,
Souverain duc de l’Oos, baron du Lilienthal ;

Vous qui pour Bénazet et son nouveau théâtre
Taillez le stuc, la pierre, et le marbre, et l’albâtre,
Vous voulez me tirer, par un coup de ciseau,
Du néant, moi chétif, du fleuve, moi roseau :

Ah ! l’on ne doit sculpter et garder pour mémoire
Que les dieux, le héros, le génie et la gloire !
Je ne suis pas Homère – et ne suis que Méry.

Mais si vous surprenez mon visage amaigri,
Sculpteur, pétrissez-moi de la plus humble argile ;
Cachez mon buste au pied de mon maître Virgile.

PL

Je lui montrai les blondes mousses — 1863 (7)

Léon Valade & Albert Mérat Avril, Mai, Juin

Je lui montrai les blondes mousses
Et tout l’essaim des choses douces
Dont avril est environné :
– Elle prit un air étonné.

Je lui fis voir mon cœur plein d’elle,
La priant de brûler son aile
Hardiment au flambeau sacré.
–       Elle ouvrit un œil effaré.

Je lui parlai des belles fièvres
Qui vous montent du cœur aux lèvres,
Au clair de lune, après minuit :

Elle eut un bâillement d’ennui.
Voulant obtenir quelque chose,
Je lui fis voir un chapeau rose.

PL  octo