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sonnet en prose

Ne pleurez pas long-temps pour moi, quand je serai
 mort : — 1836 (14)

François-René de Chateaubriand Mémoires d’Outre-tombe, t.1

Ne pleurez pas long-temps pour moi, quand je serai
 mort : vous entendrez la triste cloche, suspendue 
haut, annoncer au monde que j’ai fui ce monde vil,
 pour habiter avec les vers plus vils encore. Si vous
 lisez ces mots, ne vous rappelez pas la main qui les
 a tracés ; je vous aime tant que je veux être oublié
 dans vos doux souvenirs, si en pensant à moi vous
 pouviez être malheureuse. Oh ! si vous jetez un
 regard sur ces lignes quand peut-être je ne serai
 plus qu’une masse d’argile, ne redites pas même 
mon pauvre nom, et laissez votre amour se faner
 avec ma vie.

pr tr sh 70

les steppes d’Ackermann — 1830 (10)

Adam Mickiewicz Sonnets de Crimée

I – les steppes d’Ackermann

Me voilà lancé sur l’étendue d’un océan aride ; mon char plonge dans la verdure et la fend comme une barque : au milieu des vagues de la prairie bruissante au milieu de cette inondation de fleurs, je respecte les buissons de Burzan, dont l’éclat est celui du corail.
Le crépuscule tombe ; nulle part, ni chemin, ni colline ; je regarde le ciel, j’y cherche des étoiles, guides de ma barque. Là, au loin, semble briller une nue ; là, s’élève une aurore ; c’est le Dniester qui brille ; c’est le fanal d’Ackermann qui s’élève.
Arrêtons-nous : quel silence ? j’entends le vol des grues que l’œil du faucon n’atteindrait pas ; je sais où le papillon se balance sur l’herbe.
Je sais où le serpent glisse à travers les feuilles et déroule ses lisses anneaux ; dans un tel silence, je tiens mon oreille si attentive que j’entendrais une voix du fond de la Littuanie : – Partons, personne n’appelle.

pr  tr