Archives de catégorie : shmall

Isochrone et lent, le pendule, — 1897 (3)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

Autre musique de chambre

Isochrone et lent, le pendule,
Sous les laques du vieux cartel,
D’un sec tic-tac hache et module
Le silence et mon spleen mortel:

Et ma pensée aussi oscille
En un va-et-vient continu
Captive du rythme et docile
A l’hypnotique son ténu

Qui très cruellement balance
Les souvenirs des anciens jours
Et, railleur, dans le noir silence
Sans cesse dit: « toujours, toujours ».

L’heure qu’il mesure est chimère
Eternellement éphémère.

shmall – octo

Si la plage penche, si — 1896 (10)

Paul Valéry Le Centaure

Vue

Si la plage penche, si
L’ombre sur l’oeil s’use et pleure,
Si l’azur est larme, ainsi
Au sel des dents pur effleure

La vierge fumée ou l’air
Que berce en soi puis expire,
Vers l’eau debout d’une mer
Assoupie en son empire,

Celle qui sans les ouïr
(Si la lèvre au vent remue)
Se joue à évanouir
Mille mots vains où se mue

Sous l’humide éclair des dents
Le très doux feu du dedans .

shmall – 7s

Toute l’âme résumée — 1895 (3)

Mallarmé in Le Figaro – Supplément Littéraire

Toute l’âme résumée
Quand lente nous l’expirons
Dans plusieurs ronds de fumée
Abolis en d’autres ronds

Atteste quelque cigare
Brûlant savamment pour peu
Que la cendre se sépare
De son clair baiser de feu

Ainsi le choeur des romances
A la lèvre vole-t-il
Exclus-en si tu commences
Le réel parce que vil

Le sens trop précis rature
Ta vague littérature

shmall – 7s

Comme un cherché de sa province — 1895 (2)

Mallarmé in La Revue scolaire – journal général de l’instruction publique

Toast
Porté à M. Rousselot, directeur du collège Rollin, à l’occasion du banquet de la Saint-Charlemagne,
2 février 1895

Comme un cherché de sa province
Sobre convive mais lecteur
Vous aimâtes que je revinsse
Très cher Monsieur le Directeur

Partager la joie élargie
Jusqu’à m’admettre dans leur rang
De ceux couronnant une orgie
Sans la fève ni le hareng

Aussi je tends avec le rire
– Ecume sur ce vin dispos –
Qui ne saurait se circonscrire
Entre la lèvre et les pipeaux

A vous dont le regard me coupe
La louange haut notre Coupe

shmall – octo

Ce me va hormis l’y taire — 1895 (1)

Mallarmé in La Revue Blanche

Petit Air
(guerrier)

Ce me va hormis l’y taire
Que je sente du foyer
Un pantalon militaire
A ma jambe rougeoyer

L’invasion je la guette
Avec le vierge courroux
Tout juste de la baguette
Au gant blanc des tourlourous

Nue ou d’écorce tenace
Pas pour battre le Teuton
Mais comme une autre menace
A la fin que me veut-on

De trancher ras cette ortie
Folle de la sympathie

shmall – 7s

L’aile s’évanouit et fond — 1894 (1)

Mallarmé manuscrit


A Méry Laurent

L’aile s’évanouit et fond
Des Cupidons vers d’autres nues
Que celles peintes au plafond,
Prends garde! quand tu éternues –

Ou que ce couple qui jouait
N’interrompre sa gymnastique
Pour te décerner le fouet
Sur quelque chose d’élastique

Si (moi-même je reconnais
Comme avec à propos on t’aime
Pâlie en de petits bonnets)
Jamais tu gazouilles ce thème

Ancien: Z’ai mal à la gorze –
Pendant l’an quatre-vingt-quatorze.

shmall – octo

Le bachot privé d’avirons — 1892 (1)

Mallarmé in Lettre à Paul Nadar

Le bachot privé d’avirons
Dort au pieu qui le cadenasse –
Sur l’onde nous ne nous mirons
Encore pour lever la nasse

Le fleuve sans autres émois
Que l’aube bleue avec paresse
Coule de Valvins à Samois
Frigidement sous la caresse

Ce brusque mouvement pareil
A secouer de quelque épaule
La charge obscure du sommeil
Que tout seul essaierait un saule

Est Paul Nadar debout et vert
Jetant l’épervier grand ouvert

shmall – octo

Si, subtile, le petit nez — 1890 (3)

Mallarmé in Oeuvres complêtes – Poésies (ed. Barbier-Millan)


Pour un baptême

Si, subtile, le petit nez
Eblouissant noyé dans telle
Candeur de rires devinés
Que s’entr’ouvre cette dentelle,

Le filial instinct vous prit,
Orgueilleuse, mais la seconde,
De ressembler par son esprit
Tout bas à votre aïeule blonde,

Conservez, des fonts baptismaux,
Afin qu’il se volatilise
Miraculeusement en mots
Natifs et clairs comme une brise,

Mademoiselle Mirabel
Sur la langue le grain de sel.

shmall – octo

La Gloire, comme nulle tempe — 1890 (2)

Mallarmé in Oeuvres complêtes – Poésies (ed. Barbier-Millan)

Sonnet à Valère Gille

La Gloire, comme nulle tempe
Encore mi-poivre mi-sel
Ne s’y dora selon la lampe,
De si tôt paraître missel

Ce l’est, avec le commentaire
Par entrelacs colorié:
Je me sens un peu comme en terre
Allé refleurir le laurier.

Le beau papier de mon fantôme
Ensemble sépulcre et linceul
Vibre d’immortalité, tome,
A se déployer pour un seul

Dans le gothique, d’évangile
Par vous rêvé, Valère Gille.

shmall – octo