Archives de catégorie : incise

incise 1998

Emmanuel Hocquard in Ma haie (2001)

(Les dernières nouvelles de la cabane, n°7)

…. Comme je le disais l’autre soir à Oscarine, j’écris des sonnets. J’ai toujours écrit énormément de sonnets. Mais pas toujours. J’ai connu de très longues périodes de vie sans écrire de sonnets, mais j’ai connu aussi d’importantes périodes à sonnets. C’est plus un penchant (cf. saint-Augustin) qu’un trait de caractère. J’ai dû écrire presque autant de sonnets que Ronsard et bien davantage que Du Bellay. Si j’ai écrit un nombre si élevé de sonnets, c’est que j’ai été amoureux un nombre très élevé de fois. Comme Ronsard. Si écrire des sonnets était un trait de caractère, j’aurais écrit, j’écrirais des sonnets chaque fois que j’ai été, je suis amoureux. Eh bien, non, justement. C’est comme ça que j’ai compris qu’écrire des sonnets est un penchant. Un penchant qui se réveille chaque fois que je tombe dans cette sorte d’état amoureux qui fait écrire des sonnets.
Et pas du tout des élégies, par exemple. Ecrire des élégies, ce serait plutôt un trait de caractère. De mauvais caractère aussi, probablement. Mais quand je suis tombé amoureux de Bonjour Viviane Vendeuse, je n’ai pas du tout pensé à écrire une élégie. Ni une ode, ni une ballade. C’est le sonnet qui s’est imposé dans toute son évidence. C’est comme ça que j’ai compris que l’amour que je lui porte est un amour à sonnets. Ce genre d’amour précis qui m’a fait écrire, quand j’étais amoureux de la moitié des filles du lycée Saint-Aulaire à Tanger, toutes classes confondues de la sixième à la terminale, un nombre incalculable de sonnets. C’est pourquoi écrire des sonnets est aussi l’indication évidente que je rajeunis. J’en avais le pressentiment. Je dirais même la conviction. A présent j’en ai la preuve éclatante.
Je n’écris pas seulement cette sorte de sonnets qu’on écrit quand on éprouve ce genre d’amour très particulier qui fait écrire des sonnets. J’écris des sonnets de quatorze lignes. Tous les sonnets ont, direz-vous, quatorze lignes. Ce n’est pas si simple que ça. Bien sûr, je ne suis pas, comme Jacques Roubaud, un expert assermenté du sonnet. J’avoue ne pas savoir grand-chose de son histoire. En regardant la télévision, j’ai cependant appris que le sonnet avait été inventé dans les Landes. C’est du moins ce que prétendait Qui-a-peur-de-Bernard-Manciet. Ce n’est donc pas si simple que ça. Par exemple dans un sonnet découpé en quatre strophes, que faire des trois lignes blanches? Faut-il les compter comme lignes ou les compter comme non-lignes? Je poserai un jour la question à Jacques Roubaud. En attendant ce jour, j’écris des sonnets de quatorze lignes qui se suivent. J’évite ainsi le problème posé par les quatre strophes et les lignes blanches qui les séparent. Notez bien que les séparent soulève un autre débat. Peut-on dire que les strophes sont séparées les unes des autres par une ligne blanche? Non, bien sûr, on ne peut logiquement pas soutenir une chose pareille. Voilà une raison supplémentaire qui m’a fait adopter le sonnet a quatorze lignes qui se succèdent sans interruption.

Voilà, vous savez tout. Il a cessé de pleuvoir.

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incise 1989

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François JostLe sonnet de Pétrarque à Baudelaire – « On attribue parfois au poète Breton Auguste Brizeux, … l’invention du ‘sonnet à rebours’ que ni Baudelaire, ni Mallarmé, ni Verlaine n’ont dédaigné. Il est pourtant possible que Jean-Jacques Ampère (1800-1864) ait ici, pour ce qui est de la littérature française, le mérite de la primauté. Sainte-Beuve, en effet, cite ‘u ne délicieuse pièce de lui’ intitulée ‘Le Bonheur’ et qu’il dit avoir trouvé dans un Album. Il la reproduit dans ses Portraits contemporains. »
Comme le ‘portrait’ de Sainte-Beuve date de 1840, et que le premier ‘sonnet renversé’ recensé dans notre choix, de Louis Ayma, date de 1839, il serait fort possible, dans ces conditions, que Jean-Jacques Ampère ait, comme l’écrit mr Jost, ‘le mérite de la primauté’. Manque de pot, comme on disait autrefois, le ‘scoop’ de Mr Jost n’en est pas un. Le poème cité par Sainte-Beuve (qui ne le désigne nullement comme un sonnet, renversé ou non) figure en note dans son ‘portrait’. Il y a trois strophes, de 6, 4 et 4 vers respectivement, toutes en rimes plates. Ce sont elles que reproduit mr Jost. Mais s’il avait pris la peine de lire, pour une fois, moins paresseusement, sa source, il aurait vu que la note, conformément aux habitudes de Sainte-Beuve, se poursuit au bas de la page suivante, et que le poème n’est pas fini. Il y a encore un quatrain, trois distiques, un quatrain final enfin, toujours en rimes plates. . Le Bonheur n’est pas un sonnet.

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incise 1980

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Claude Cotti – Dictionnaire des compositions poétiques françaises classiques – le sonnet dont voici la seule disposition régulière : abba  abba  ccd ede. On trouve d’autres dispositions qui sont toutes actuellement irrégulières … Dans un sonnet, il faut éviter d’employer deux fois le même mot, sauf à la rigueur s’il est court et secondaire.

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incise 1965

Jacques Bens41 sonnets irrationnels

 » Le sonnet irrationnel

Nous appelons Sonnet irrationnel un poème à forme fixe, de quatorze vers (d’où le substantif sonnet), dont la structure s’appuie sur le nombre pi (d’où l’adjectif irrationnel).
Ce poème, en effet, divisé en cinq strophes successivement et respectivement composées de : 3 – 1 – 4 – 1 – 5 vers, nombres qui sont, dans l’ordre, les cinq premiers chiffres significatifs de pi. (Le suivant est un 9; c’est pourquoi on donne habituellement, comme valeur de pi, 3,1416, qui est la meilleure approximation de 3,14159).
Il est clair que l’on aurait pu prendre un nombre plus élevé de chiffres significatifs. Trois raisons essentielles nous en ont empêché:
a) La strophe suivante eût contenu neuf vers, ce qui eût considérablement déséquilibré le poème, puisque les cinq premières  en contiennent, en moyenne, deux virgule huit;
b) Le nombre total des vers eût été porté à vingt-trois, ce qui est beaucoup pour un sonnet, même irrégulier.
c) Enfin, les cinq premières strophes manifestent une progression, qui ne manque pas d’harmonie et qu’eût rompu l’adjonction des neuf vers d’une sixième (pour ne rien dire des deux, cinq, deux, quatre, etc., vers des suivantes).
Nous avons vite observé que les deux strophes à vers unique (strophe II ou vers 4, et strophe IV ou vers 9) devaient se comporter comme une façon de refrain. Ainsi se tempérait leur singularité. Ainsi, notre sonnet irrationnel retrouvait une grande tradition de la poésie française, presque oubliée avec la ballade, bien disparue, avec le rondeau, le rondel, le triolet, la villanelle.
Cette décision arrêtée devait, naturellement, influencer, sinon déterminer, le choix de la répartition des rimes.
On imagine aisément que cette répartition pouvait s’effectuer de manières fort différentes. Celle que nous avons adoptée, outre qu’elle respecte la présence de notre ‘refrain’, présente deux avantages principaux: alternance des rimes masculines et féminines, et proximité suffisante des rimes semblables.

….

Le poème est bâti sur quatre rimes A,B,C,D. Les rimes A et C sont de même sexe, et de sexe opposé à B et D. Il faut 4A, 3B, 4C (pour cinq vers) et 2D. En voici le schéma:
1. A +
2 A +
3 B –
4 C+
5 B –
6 A +
7 A +
8 B –
9 C + (identique à 4)
10 C +
11 D –
12 C +
13 C +
14 D –

incise 1941

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J.Heugel – Dictionnaire de rimes : Les quatrains sont du type dit ‘à rimes encadrées’ . Les tercets son en réalité un sixain de forme libre, généralement sur trois rimes, ccd eed ou ccd ede, plus raement cdc dee ou cdd cee ; de très loin en très loin le type ccd dee. On recense aussi des tercets construits sur deux rimes seulement, ces deux rimes paraissant, en général, trois fois. Le sonnet est presque toujours isométrique ; mais aucune règle n’interdit l’emploi de deux mètres différents. Beaucoup de nos meilleurs poètes ont écrit des sonnets irréguliers

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incise 1925

Paul DesfeuillesDictionnaire de rimes – « Le sonnet d’Arvers qui passe pour un modèle n’est cependant pas rigoureusement conforme aux règles du genre. Il compte en effet des répétitions de mots. »
Deux formes : Q15-T15 ou T14.
Il renvoie à Martinon et à Jasinski.
« Citons à titre de curioisité un un essai de sonnet à l’envers » (Monselet)
« Une tentative déjà ancienne de sonnet de 15 vers : l’estrambote »

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incise 1920 (3)

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Philippe Soupault in Littérature, 14 – Je dessinais à la gloire du rugby des s0nnets que j’aurais voulu montrer au Bibliothécaire du Sénat

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incise 1920 (2)

Valéry sur le sonnet

(1926)
« Il faut faire des sonnets. On ne sait pas tout ce qu’on apprend à faire des sonnets et des poèmes à forme fixe.
(1927) Le sonnet est fait pour le simultané. Quatorze vers simultanés, et fortement désignés comme tels par l’enchaînement et la conservation des rimes: type et structure d’un poème stationnaire.  »
degas danse dessin (1936)
« Rien, en littérature, n’est plus propre que le sonnet à opposer la volonté à la velléité, à faire sentir la différence de l’intention et des impulsions avec l’ouvrage achevé: et surtout, à contraindre l’esprit de considérer le fond et la forme comme des conditions égales entre elles. Je m’explique: il nous enseigne à découvrir qu’une forme est féconde en idées, paradoxe apparent et principe profond d’où l’analyse mathématique a tiré quelque partie de sa prodigieuse puissance »
 » Michel-Ange, qui a écrit:

Non ha l’ottimo artista alcun concetto
Ch’un marmo solo in se non circonscriva,
Il ne vient à l’artiste excellent point d’idée
Qu’un seul marbre ne suffise à contenir,

eût pu prescrire dans les mêmes termes les rapports du sonnet avec un poète accompli. « 

incise 1920

Aragon sur le sonnet

(Entretien avec Dominique Arban 1968)

Dans tous mes livres…, à commencer par Feu de Joie, le premier, vous trouverez toujours, au moins, un sonnet, souvent un sonnet donné comme tel, comme par exemple le sonnet écrit pour la mort d’Apollinaire, mais aussi des poèmes où il faut regarder de près pour voir que j’y ai introduit le sonnet. Cela ne se voit pas parce que le sonnet y est coupé d’une autre façon, et ce jeu vous le retrouverez même dans Le Crève-Coeur.
– (Ecrits au Seuil, 1974)
Il me semble impossible de ne pas noter ici le caractère contradictoire d’un trait de notre conduite dans les premières années vingt: le goût gardé entre nous pour une des formes les plus décriées alors de la poésie traditionnelle, le sonnet. Je ne sais si dans le papiers d’André Breton on pourrait en trouver trace.
… (Breton Eluard et moi)… nous allions écrire des sonnets comme on écrivait des textes surréalistes, c’est à dire avec la technique de la rapidité abolissant la conscience. Nous parvenions à reproduire le sonnet régulier de cette façon. Les sonnets ainsi obtenus étaient sans doute assez différents par le contenu, la nature des images de ce que sont les sonnets, habituels, mais c’étaient des sonnets, deux quatrains, deux tercets, respectant l’ordonnance classique du sonnet par l’alternance et le croisement des rimes. Ce sont des choses dont on ne se fait pas aujourd’hui une représentation exacte. On imagine mal aujourd’hui l’extrême habileté de Breton à ce jeu. Nous nous comportions alors comme pour les exercices d’écriture automatique, allant dans un café nous asseoir à des tables différentes pour ne pas nous gêner, et pouvoir nous montrer notre texte après, établir ce que nous appelions notre tableau de chasse, parce que l’écriture fait naître en particulier, que ce soit en prose ou en sonnet, beaucoup d’animaux ou de végétaux, jusque-là inconnus.