Archives de catégorie : 18v

Avec sa grande voix hâlée, — 1933 (1)

Henri-Philippe LivetChants du prisme

Avec sa grande voix hâlée,
Le matin chante dans les vergues;
Le matin rit dans les huniers
Aux mille mouettes en exergue.

Il bondit la joue en plein feu,
S’éclabousse d’azur limpide
Et jette ses deux bras à Dieu
Qui sur l’abîme se décide.

Pour les pleureuses de rosée,
Pour les pleureuses de lumière,
Il bat d’étincelles les cieux,
Bouillonne aux profondeurs perlières.

Et des semis de fleurs d’étoiles
S’effacent au doigt ineffable
Qui passe lucide et songeur

Sur les brumes aux douces nacres,
Des lagunes roses et ocres,
Où, fluide, fuit un vapeur.

3Q: abab a’b’a’b’ a »b »a »b »– T15  octo

O splendide, salut! Viens à moi qui t’appelle! — 1928 (2)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Invocation

O splendide, salut! Viens à moi qui t’appelle!
Comme un songe, descends de l’Olympe sacré,
Où depuis deux mille ans se languit ta beauté …
Reviens! et que ton œil de nouveau étincelle!

O mère des désirs, ô douleur, ô douceur,
O souffrance adorée, plaisir profond, ô charme!
Astarté, Kythérè, mouille-moi d’une larme,
Et je serai ton œuvre, ton enfant, ta soeur!

O Kyprès! si mes yeux sont beaux et mes dents blanches,
Mes dents sont de travers, hélas, mon nez est grand!
Mon menton trop petit à pousser fut trop lent,
Et ma taille flexible est elle qu’un planche!

Unique! ce sonnet – Car ce s’ra un sonnet –
Du début parnassien s’est dégagé tout net –
Hélas! zut – je le sens devenir prosaïque:

Mais vois: d’exquis bonbons et d’odorants oeillets
Sont exposés pour toi sur un blanc tabouret,
Et je t’offre ceci d’une âme bucolique! ….

Journal, 24 oct. 1900

abba a’b’b’a’ a »b »b »a » – T6

Le ‘dernier cri » lancé dans la haute élégance, — 1901 (7)

Eléonore de MérinvalHontes humaines – sonnets satiriques et réalistes –

Les Lions

Le ‘dernier cri » lancé dans la haute élégance,
Les Arts, les écrits neufs, la fourbe ‘manigance’
Que crée un ‘grand courant’ politique et mondain
Est l’œuvre des Lions au pointilleux dédain.

Ils se montrent grassets, superbes d’arrogance;
Portent de ‘l’inédit’ avec extravagance;
Vivent intransigeants sur le choix des parfums,
Des gants et des chapeaux, des souliers peu communs.

Les créateurs du goût, ‘faiseurs’ d’arrêts de mode,
De morale égoïste et critique du code
Retardent le progrès par leurs pensers trop vieux.

Il faut avoir pitié des lions ‘camaïeux’,
Légers, changeants, vantards, intolérants, sceptiques,
Aux accents composés, futiles, ‘drolatiques’.
envoi
« Ces gais coqs du bel air’, du bon ton, du grand ‘chic’,
Accueilleurs ‘du toc neuf’, du rare et vilain ‘tic’
Amincis, névrosés, et « phosphorescents », hâles, `
Cheminent incompris, méconnus pour beaux pâles.

Q1  T13+ ffgg – Tous les sonnets du livre sont, ainsi, suivis d’un ‘envoi’, quatrain à rimes plates.

Sur la côte, du bord d’une rivière d’huile — 1896 (14)

Maurice Rollinat Les apparitions

La forme blanche

Sur la côte, du bord d’une rivière d’huile
Qui roulait ses flots gris sous les cieux inquiets,
Loin, loin, vague à travers les feuilles, je voyais
Un très haut cheval blanc qui se mouvait tranquille.

Aux tournants de la route, au creux de chaque pente,
Brusque, il disparaissait pour surgir de nouveau,
Montrant lourdeur de plomb, roideur de soliveau,
Dans son allure grave et qui semblait rampante.

C’était certe un cheval ! Cela ne devait être
Autre chose ! et, pourtant, je pouvais en douter …
Son aspect ambigu me faisait hésiter…
Puis je m’apercevais qu’il avait bien des maîtres.

Oui ! des gens modelant leur marche sur la sienne,
Avec je ne sais quel singulier apparat,
Le suivaient … Et je fus, autant qu’il m’en souvienne,

Tout saisi quand passa juste devant mes saules
Au lieu d’un cheval blanc, un cercueil sous un drap
Que portaient six géants sur leurs larges épaules !

3 quatrains embrassés – T24 (cdc ede (plusieurs exemples dans le même livre))

Un boudoir en désordre : effet de l’art. Hercule — 1874 (24)

Emile Dodillon Les écolières

Oraison funèbre
Madame se meurt ! Madame est morte !

Un boudoir en désordre : effet de l’art. Hercule
Aux pieds d’Omphale est peint sur le tapis ouaté.
Sur les meubles en bois de rose agrémenté,
Tous ces riens rococo d’un charmant ridicule.

Ces parfums de pays où bout la canicule
Changent en un creuset d’où sourd la volupté
Tous les trous de la peau. Le rideau velouté
Fait des plus francs soleils un adroit crépuscule.

Camélia se meurt. Et sa mère calcule
L’argent qu’elle fera de l’autel tant vanté :
Ce lit bas, sous l’alcôve, autour duquel, tenté
De s’y pamer encore, un jeune homme circule.

Il pleure, et sur le front de la chère beauté
Que le froid décolore, il essaye, irrité,
De rafraîchir un peu son front que l’amour brûle.

Pauvre enfant ! il avait pour elle tout quitté,
Et voilà qu’il lui faut, remis en liberté,
Etre autre chose, hélas !, qu’un roquet sans scrupule.

3Q abba  – T6  – y=x:c=b & d=a

4 exemples de sonnets à 3 quatrains en ‘abba’, 1 de quatre quatrains, tous sur deux rimes

Quelle est la région du ciel où la nature — 1819 (6)

Pierre Chas Pétrarque, suivi de Poésies diverses

Traduction libre du sonnet de Pétrarque, ‘in qual parte del ciel..’

Quelle est la région du ciel où la nature
A vu le type humain de l’aimable figure
Dont l’ensemble, ici-bas, est la preuve, à nos yeux,
De tout ce qu’elle peut, dans le séjour des cieux?
Quelle Déesse, errant dans la forêt lointaine,
Ou quelle Nymphe, assise au bord d’une fontaine,
Comme Laure, avec grâce, aux zéphirs amoureux,
Sut jamais déployer l’or pur de ses cheveux?
Voit-on tant de vertus ensemble dans une âme?
Et cependant je meurs, victime de ma flamme.
Il se figure en vain la divine beauté
Celui qui, de l’objet dont je suis enchanté,
Ignorant les attraits, n’a jamais su surprendre
De ses yeux enivrants le mouvement si tendre.
Il ignore comment l’amour blesse et guérit,
Celui qui ne sait pas comment Laure sourit,
Celui qui ne sait pas apprécier encore
La douceur des soupirs et du parler de Laure.

aabbccddeeffgghhii – sns – 18v – rvf

Pierre Chas se satisfait de 18 alexandrins plats pour rendre le n° clix de Pétrarque ( » In qual parte del ciel, in quale ydea »).