Archives de catégorie : Non compté non rimé

L’île d’Yeu est — 1989 (4)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Paul-Louis Rossi
(Fromentine…)

L’île d’Yeu est
plus lointaine. Pour s’y rendre il faut
presque deux heures de traversée. Au
départ  du continent, par le goulet

longeant la côte de Barbâtre.
On prend le bâteau à
Formentine … , en face
de Noirmoutier. Le port avec des baraques

et son embarcadère de bois,
un peu perdu – comme oriental –
avec des lignes fuyantes

Bruns et blanche
qui vont vers la mer étale.
Souvent

vL

Chaque seconde comme un jour — 1988 (2)

André Velter L’enfer et les fleurs

Deux sonnets
Pour Titi Parant

2
(le partage de nulle part)

Chaque seconde comme un  jour
chaque semaine un an
chaque vie un cri
chaque étreinte une éternité

la lumière  fait la roue
c’est un regard qui pivote
un poudroiement d’atomes et de planètes
où semer les traces

ici on dirait là-bas
l’extrême bout du dedans
l’éclair qui déborde la peau

même creusé en plein désert
un puits fomente un visage
chaque retour colorie l’âme du derviche

vL

Approches de l’ombre ou de l’autre — 1988 (1)

André Velter L’enfer et les fleurs

Deux sonnets
Pour Titi Parant

1
(l’heure immobile)

Approches de l’ombre ou de l’autre
parcours en frissons d’attente
dessins qui sont des caresses d’arc-en-ciel
le temps ce n’est rien

une ronde de chiffres pour dire
la même rencontre:
tu es là
notre rendez-vous nous exile

une goutte d’absolu dissout l’océan
je t’aime
horloges pour loger hors cadrans

horloges comme almagestes de deux corps
qui créent les chambres
du grand oeil

vL

Elle dit de l’amour des choses qu’elle-même ignore — 1987 (3)

Xavier BordesLa pierre amour

Faux sonnet – Parmi nous

Elle dit de l’amour des choses qu’elle-même ignore
sans jamais répéter deux fois ses confidences insonores

Elle parle aux vents froids des secrets de l’ombre
quand à guerroyer elle se déshonore

Elle enseigne aux vents chauds la liste de ses exploits
allongée nue et la poitrine offerte

Elle raconte sa maison dans le désert
comme si c’était à la fois un taudis et un palais
une caverne et une tente rayonnant aux sables

seul point de fraîcheur noire à des siècles à la ronde
autour de laquelle bourdonne l’air comme autour d’une fumée

‘faux sonnet’ – 11v

Enfin joie, enfin lumière, — 1985 (8)

Maurice Regnaut Recuiam

Enfin joie, enfin lumière,
Quand vas-tu être enfin,
Quand nous arracher
A ce qui n’est

Que silence,
Tristesse
Froid,

Grandit
L’épouvante
De ne pouvoir

Rien, en pleine aurore
Rien, nous, que répéter
L’errance et les cris du noir?

bdn – ‘boule de neige’ métrique fondante-croissante

Mes encyclopédies reverrouillées sur le surnom de l’éloge — 1981 (1)

OulipoAtlas de Littérature potentielle

– Traduction d’un sonnet de Mallarmé selon la méthode S+7, à partir d’un dictionnaire analogique

Mes encyclopédies reverrouillées sur le surnom de l’éloge
Je souffle de préférer avec l’insociable technique
Un éboulis par mille ferments exorcisé
Sous le liseron au loin de ses levers de soleil record

Se précipité la neige avec ses absences de bruit de volant
Je n’y cacaberai pas de nu bucoliasme
Si cette très blanc de neige turbulence à l’égal de la noue rejette la demande
A tout coup d’oeil les scrupules du ciel insensé

Ma gourmandise qui d’aucunes cosses ici ne se complaît
Déchiffre en leur experte diminution un goût delicieux et balance
Qu’un brasille d’incarnat géant et embaument

La plante du pied sur quelque minotaure où notre sentiment bat le briquet
Je m’imagine plus longtemps peutêtre avec effarement
A l’autre à la mamelle carbonisée d’une échue cavalcade

vL

Toujours l’an redouté passant en beaux visages, — 1975 (2)

Pierre Lecuire Sonnets funèbres


Sonnet XV

Toujours l’an redouté passant en beaux visages,
pourtant la mort en fit son demain,
soupçonneux à qui se suffit
de vouloir prolonger la main.

Son enfer affrontait les gouffres,
Simples grains lorsqu’il partit
A quelques pas d’une autre tête
Jaloux de ne pas couvrir sa tête.

Les petite maisons se dressent, du cap
la rafale de Mars
vêtue d’amande et de pin confondus

a creusé la marche souterraine,
la couleur confondue avec
la profonde entaille du ravin.

vL

Bien qu’en tas sous l’écume — 1975 (1)

Pierre Lecuire Sonnets funèbres


Sonnet XII

Bien qu’en tas sous l’écume
retardant de germes,
s’il descend boire à l’éternité
plus basse qu’un talon posthume,

moitié indifférent l’été liquide
écartera toute autre branche
que les oiseaux penchés
forcés à décliner

ce royaume
consacré aux fleuves en fin de course
Court un vent, l’aventure

Finit, pied d’arme,
Mobile terme,
Miette d’avant

vL

Celui qui sans tirer d’aucune chose qui fût, — 1961 (5)

-. Georges Ribemont-Dessaignes Michel-Ange Sonnets

A Tommaso Cavalieri

Celui qui sans tirer d’aucune chose qui fût,
créa le temps sans existence avant que rien ne fût,
du temps fit deux, à l’un donna le haut soleil,
à l’autre la lune qui nous est la plus prochaine.

Ainsi en un instant vinrent au monde
le hasard, le destin, le bonheur de chacun.
En partage j’eus le temps de l’obscurité,
moi, l’obscur en ma naissance comme en mon berceau.

Et tel celui qui se contrefait soi-même,
Comme la nuit s’épaissit à mesure qu’elle s’avance,
De faire le mal je m’afflige et me lamente.

Et pourtant il m’est permis pour ma consolation
Que ma sombre nuit s’illumine au clair soleil
Qui à votre naissance vous devint compagnon.

vL – tr

Dans la rue un pas retentit. La cloche n’a qu’un seul — 1944 (12)

Robert Desnos Contrée

La peste

Dans la rue un pas retentit. La cloche n’a qu’un seul
battant. Où va-t-il le promeneur qui se rapproche
lentement et s’arrête par instant? le voici devant
la maison. J’entends son souffle derrière la porte.

Je vois le ciel à travers la vitre. Je vois le ciel où les
astres roulent sur l’arête des toits. C’est la grande
Ourse ou Bételgeuse, c’est Vénus au ventre blanc, c’est
Diane qui dégrafe sa tunique près d’une fontaine de lumière.

Jamais lunes ni soleils ne roulèrent si loin de la
terre, jamais l’air de la nuit ne fut si opaque et si
lourd. Je pèse sur ma porte qui résiste ….

Elle s’ouvre enfin, son battant claque contre le
mur. Et tandis que le pas s’éloigne je déchiffre
sur une affiche jaune les lettres noires du mot « Peste ».

vL