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Sur un lit onduleux d’algues aux lents rameaux, — 1908 (7)

Paul Reboux & Charles Müller A la manière de

Le câble

Sur un lit onduleux d’algues aux lents rameaux,
Dans un vallon marin de la verte Atlantide,
Le câble monstrueux qu’éclaire un jour livide
Se déroule, tordant deux longs muscles jumeaux.

À son derme rugueux s’incrustent les émaux
Des conques où la mer dort d’un sommeil limpide;
Et dans ce fil de chanvre et de laiton, rapide,
Frissonne en sourds éclairs le passage des Mots !

Les grands requins béants et les horribles scombres
Des gouffres bleus d’en haut plongent aux gouffres sombres
En frôlant les fucus de leur ventre poli.

Et, parmi les coraux où s’enfouit le câble,
Ils s’étonnent, roulant leurs gros yeux pleins d’oubli,
De cet inerte et long serpent inexplicable !

(José-Maria de Heredia)

Q15 – T14 – banv

Comme un troupeau docile au Maître Capital, — 1894 (11)

Tristan Bernard Vous m’en direz tant!

Comme un troupeau docile
Comme un vol de gerfauts…

Comme un troupeau docile au Maître Capital,
Du palais de Bourbon, proche la Madeleine,
Ceusses de la Montagne et ceusses de la Plaine
S’en venaient, attirés, vers le guichet fatal.

Ils venaient pour palper l’avantageux métal
Accru depuis longtemps au fond des bas de laine.
Puis leur rut obstiné vidait leur poche pleine
Aux nids luxurieux du monde horizontal.

Le vin, qui ruisselait des mains des courtisanes
Leur faisait entrevoir les deux mers océanes
Heurtant à des flots d’or les flots céruléens.

Mais voici qu’inclément l’Avenir se révèle;
Et bientôt, transportés aux frais des citoyens,
Ils verront resplendir tes étoiles, Nouvelle!

Q15 – T14 – banv – parodie

L’abdomen prépotent des bénignes cornues — 1888 (20)

– ? Le Décadent

« Un sonnet d’Arthur Rimbaud »

Les cornues
Les cornues au long des tablettes, les petites larmes de grès blanc, blanches comme les plus blancs des corps de femmes ….

L’abdomen prépotent des bénignes cornues
Se ballonne tel un ventre de femme enceinte.
Es-dressoirs, elles ont comme des airs de sainte
Procession vers quel Bondieu? de plages nues …

Et leur Idole, à ces point du tout ingénues
Pèlerines  c’est des Gloires jamais atteintes,
O la Science! Phare inaccessible …
………………………………
……………………………..

Mais c’est dans l’âpre Etna de vos nuits, ô Cornues!
Que mûrit le foetus des Demains triomphants! … –
O Vulve! De leur bec tel des sexes d’enfant

Et volute du Flanc telles les lignes nues
Du pur Torse de l’Eve aux rigidités lisses:
S de leur col fluet comme de jeunes cuisses!

Ce miraculeux sonnet, si fâcheusement mutilé, est d’une époque incertaine. Disons cependant que de bons juges l’estiment, en raison du ton général de la pièce et de sa facture tourmentée, contemporain des dernières Illuminations – N.D.L.R.

abba ab..– T30

Quand nous aurons, avec de bleus recueillements, — 1885 (1)

Henri Beauclair et Gabriel VicaireLes déliquescences d’Adoré Floupette

Sonnet libertin
 » Avec l’assentiment des grands héliotropes » Rimbaud

Quand nous aurons, avec de bleus recueillements,
Pleuré de ce qui chante et ri de ce qui souffre,
Quand, du pied repoussé, rouleront dans le Gouffre,
Irrités et pervers, les Troubles incléments;

Que faire? On doit laisser aux stupides amants
Les Balancements clairs de ces Effervescences;
Nous languirons emmi les idoines essences,
Evoquant la Roseur des futurs errements.

Je mettrai dans l’or de tes prunelles blêmies
L’Inassouvissement des philtres de Cipris .
– Les roses de ton sein, qu’elles vont m’être amies! –

Et, comme au temps où triomphait le grand Vestris,
Très dolents, nous ferons d’exquises infamies,
– Avec l’assentiment de ton Callybistris –

Q45 – T20

L’ange de l’Apocalypse, — 1872 (32)

Paul Arène et Alphonse DaudetLe Parnassiculet Contemporain

Absinthe
(Apocalypse, 10-11)

L’ange de l’Apocalypse,
Lumineux épouvantail,
Réveille l’humain bétail
Sur la montagne de gypse.

Il développe l’éclipse,
Ainsi qu’un noir éventail,
Et la planète en travail
S’arrête sur son ellipse.

L’herbe pousse au bord abject;
Elle embaume l’air infect;
Le cristal se coule et tinte;

Au fleuve l’Etoile choît,
Verte … et le poëte boit
Le poison qu’il nomme Absinthe.

Q15 – T15 – 7s

Ainsi qu’aux temps lointains où les Agonothètes* — 1872 (31)

Paul Arène et Alphonse DaudetLe Parnassiculet Contemporain

Theressa

Ainsi qu’aux temps lointains où les Agonothètes*
Provoquaient des jeux grecs les transports convulsifs,
Tu trônes, Theressa dans l’Alcazar massif,
Colonelle, au-dessus d’un océan de têtes.

Salpinx** dont les éclats font cabrer les poètes,
Sous ta lèvre s’agite un Lhomond subversif
Et ton corps sidéral a le frisson lascif
Des jaléas murciens ruisselant de paillettes.

Lors que frémit ta voix – ce cor de cristal pur, –
Dans mon coeur le Démon pousse des cris atroces,
Et fait trève au travail sourd de ses dents féroces.

C’est pourquoi je viens, Moi, qu’habite un Diable impur,
Lâchement enivrer mon âme pécheresse
Dans ton vin capiteux, sonore enchanteresse!
* Les Agonothètes présidaient aux jeux
** Trompette grecque

Q15 – T30