Archives de catégorie : 1-fem

sonnets à première rime féminine (Malherbe)

Visite, douce paix ! la vallée épineuse — 1808 (4)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Sonnet sur la paix de l’ame

Visite, douce paix ! la vallée épineuse
Que je parcours pensive, en l’arrosant de pleurs,
Loin des sentiers riants où la jeunesse heureuse
D’un pied léger foule des fleurs ;

Ainsi que mon bonheur, que le jour disparaisse,
Que la nuit sur le monde étende un voile noir ;
Le jour, la nuit verront mes pleurs couler sans cesse :
Mais que servent les pleurs au chagrin sans espoir ?

Heureuse paix de l’ame ! en vain je te conjure ;
Quand l’hiver orageux consterne la nature,
On n’obtient pas du ciel de se montrer plus beau :

Ma vie est cet hiver : mais, contre la tempête,
Il est un abri pour ma tête ;
Et cet abri, c’est le tombeau.

Q59 – T15 – 2m:octo: v.4,13,14

(a.ch) L’auteur a en tête, sans doute, les discours en vers à rimes mélées de son temps.

Siddons! dont la magie et m’éclaire et m’étonne — 1808 (3)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Sonnet à Madame Siddons

Siddons! dont la magie et m’éclaire et m’étonne
Par des plaisirs si purs et si délicieux,
En ouvrant à ton gré les enfers ou les cieux,
Souffre que sur ton front je pose une couronne,
Pour prix de tant de pleurs que te doivent mes yeux.

Mais c’est trop entreprendre, et ma Muse balance;
Elle voudrait te peindre en ta vive action,
Et répéter l’accent de chaque passion,
Et dire ce que dit ton éloquent silence,

Soit que l’ambition change en acier ton coeur,
Soit qu’à ton aspect sombre on frémisse, et qu’on n’ose
De tes yeux égarés soutenir la fureur;

D’un amour inquiet soit que plaidant la cause,
Ta voix de l’ame même emprunte la douceur ….
Oh non! pour peindre un astre il n’est point de couleur.

abbab a’b’b’a’ – T19 – disp: 5+4+3+3 – 15v

Toi qui parais toujours sous les traits qu’on désire, — 1808 (2)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Sonnet sur l’espérance

Toi qui parais toujours sous les traits qu’on désire,
Devant qui semblent fuir la crainte et la douleur,
Douce Espérance! viens; viens, et que ton sourire
Eclaircisse la nuit qui règne dans mon coeur;

Parle à ce coeur, dis-lui (ta voix a tant de charmes!)
Qu’il peut germer encor pour lui quelque plaisir,
Que, pour tromper la peine, ou du moins l’adoucir,
L’esprit a sa magie, et l’amitié ses larmes;

Mais ne ramène point ces fantômes brillans
Qui devant moi semaient, aux jours de mon printems,
Des fleurs qu’à leur éclat je croyais immortelles:

Mon esprit, abattu sous le poids de ses maux,
N’oserait contempler des images si belles;
Ce n’est point le bonheur qu’il veut, mais le repos.

Q60 – T14

Les tercets sont organisés selon le deuxième des modèles principaux du sonnet français du 16ème et 17ème (pour le premier voir le n°1): un distique à rimes plates, suivi d’un quatrain à rimes alternées.

Froid Désappointement! pâle auteur de mes peines, — 1808 (1)

Stanislas de Boufflers Recueil de Poésies, extraits des ouvrages d’Hélène-Maria Williams, ….

Les poèmes du marquis de Boufflers sont des adaptations de sonnets de la poète anglaise Hélène-Maria Williams. J’en ai retenu plusieurs, qui offrent diverses caractéristiques formelles

Le Désappointement *

Froid Désappointement! pâle auteur de mes peines,
J’éprouve, à ton seul nom, le frisson de la peur;
La vie en moi s’arrête; et mes traits sans couleur
Attendent que mon sang dégèle dans mes veines.

Je t’accuse pourtant bien moins que mes erreurs;
L’amour & l’amitié, dans mon âme insensée,
Se montraient tout brillans du feu de ma pensée;
Je leur prêtais la foi qui n’est pas dans les coeurs.

Mais dans les champs des airs si quelque beau nuage
Offre un brillant palais à mon oeil enchanté,
Puis-je exiger des vents de n’y point faire outrage?

Puis-je attendre de lui quelque solidité?
Non, je sens que c’est moi qui suis mon ennemie
Mais je sens trop, aussi combien j’en suis punie.

*  » Ce terme est nouvellement emprunté de l’anglais, et absolument étranger à notre poésie; mais on doit le pardonner dans la traduction d’une pièce où il est personnifié, parce qu’il fallait le nommer par son nom, et que ce mot n’a pas de correspondant connu dans notre langue.  »

Q63 -T23

Après un quatrain abba, le deuxième quatrain renouvelle entièrement les rimes (en effet, dans la prosodie classique, le singulier ne rime pas avec le pluriel; donc ‘peur’ ne rime pas avec erreurs’); je le note a’b’b’a’. La disposition des tercets est cdc dee. Le sonnet s’achève donc par un distique plat, choix très ‘anglais’ (c’est le cas des sonnets de Shakespeare).

Agent trop criminel du tyran Robespierre, — 1806 (1)

Alexandre Sonnerat Collection complète des œuvres de poésie

Sonnet à Collot d’Herbois, d’exécrable mémoire

Agent trop criminel du tyran Robespierre,
Bourreau de mon pays, infâme dictateur !
Avant de terminer ta coupable carrière,
Laisse entrer un moment le remords dans ton cœur !
Contemple, malheureux, la suite de tes crimes !
Vois le Rhône frémir et reculer d’horreur !
Ses flots ensanglantés ont roulé tes victimes
Vivant pour la patrie et mourant pour l’honneur.

Des sifflets de Lyon ton injuste partage
Tu voulus te venger dans ta jalouse rage ;
Tu fis couler le sang pour flatter ton orgueil ;
Pour prix de tes forfaits quand la hache fatale
Viendra s’appesantir sur ta tête infernale
Un bravo général fermera ton cercueil.

Q38  T15  disp 8+6

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M.Restaut : Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise –(première éd. 1748) Du Sonnet – Nous n’avons rien de plus beau dans notre poésie que le Sonnet, quand il est bien exécuté. les pensées doivent y être nobles et relevées, les expressions vives et harmonieuses ; et l’on n’y souffre rien qui n’ait un rapport essentiel à ce qui en fait le sujet. Mais il est assujetti à des regles si gênantes, qu’il est très-difficile d’y réussir, et que nous en avons fort peu de bons.

Il est composé de quatorze vers, toujours de la même longueur, et pour l’ordinaire de douze syllabes, quoiqu’on en fasse quelquefois de dix, et même de huit et de sept. Mais ils ont moins de beauté et d’harmonie.

Ces quatorze vers sont partagés en deux quatrains et un sizain.

Les deux quatrains doivent avoir les rimes masculines et féminines semblables, que l’on entremêle dans l’un de la même manière que dans l’autre.

Le sizain commence par deux rimes semblables, et il y a après le troisième vers un repos qui le coupe en deux parties que l’on appelle Tercets, c’est à dire, stances de trois vers.

Il faut éviter autant qu’il est possible, que le mêlange des rimes dans les quatre derniers vers du sizain, soit le même que dans les quatrains. …..

Voici un sonnet qui exprime la nature du sonnet même
Doris qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais,
Me demande un sonnet, et je m’en désespère.
Quatorze vers, grand Dieu ! le moyen de les faire ?
En voilà cependant déjà quatre de faits.
Je ne pouvois d’abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d’affaire.
Poursuivons, les quatrains ne m’étonneront guere,
Si du premier tercet je peux faire les frais.
Je commence au hasard, et si je ne m’abuse,
Je n’ai pas commencé sans l’aveu de ma muse,
Puisqu’en si peu de temps je m’en tire si net.
J’entame le second, et ma joie est extrême :
Car des vers commandés j’achève le treizième.
Comptez s’ils sont quatorze ; et voilà le sonnet.
Regnier Desmarais (1708) ; ‘imité  de Lope deVegue’

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Ainsi donc ta valeur te fait monter au trône! — 1805 (1)

Michel de Cubières (jeune) Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi

Imitation

Ainsi donc tavaleur te fait monter au trône!
Ainsi NAPOLEON que le peuple couronne,
Ne doit qu’à ses talens son Empire nouveau:
Il est de son pays le guide et le flambeau,
Il s’est créé lui-même: ô prodige héroïque!
L’histoire, dont la tâche est d’être véridique,
Aux travaux de César préfère ses travaux;
Pour lui la poésie apprête ses pinceaux;
Et déjà l’Italie, en grands hommes féconde,
Aime à le regarder comme un maître du monde.

Reçois le diadême, et que l’esprit divin
T’inspire ô mon héros! L’amour du genre-humain.
De ton couronnement les pompes magnifiques
Te mettent sur la terre au-dessus d’un mortel;
Mais souviens-toi toujours, du haut de ton autel,
Que les Rois les plus grands sont les Rois pacifiques.

aabbccddee – T15 – disp: 10+6 – 16v – tr

Michel de Cubières récidive (cf 1801.1), avec cette Traduction d’un sonnet de Luigi Tardi – Alla sacra Maestà di Napoleone – « Figlio di tuo sapere, della Vittoria / diletto …. » . Il ne respecte toujours pas la forme de son modèle, mais fait un effort pour échapper à la platitude (dans la disposition des rimes, uniquement) avec un dernier quatrain à rimes embrassées (deed). Le placement des vers dans la page (dizain plus sixain, tous deux alignés) est anomal.

Une épigramme-charade  de Rivarol « Avant qu’à mon dernier mon tout se laisse choir / Ses vers à mon premier serviront de mouchoir »
Oeuvre poétique: Les hochets de ma jeunesse
Pendant la Révolution, il composa 36 hymnes civiques sur les 36 décadis de l’année, et un poème sur le calendrier républicain
Son frère aîné, le marquis de Cubières a écrit L’Histoire des coquillages de mer et de leur amours

Sur le bord d’un ruisseau, près d’une rivière, — 1804 (3)

Olivier Ferrand Le triomphe de la Vertu ou l’Innocence opprimée ..29 Floréal an 12

Sonnet en l’honneur du Premier-Consul, sur son avénement au trône de l’Empire Français

Sur le bord d’un ruisseau, près d’une rivière,
Assis le long de l’eau, et faisant ma prière,
Remarquant dans les airs tous les astres du temps
Qui promettent un jour de grands événements ;
Très-souvent dans la nuit, en prenant mon repos,
Apollon me réveille, les yeux à demi-clos,
Favori du Parnasse, quand tu peux travailler,
Il n’est pas encore temps, mon fils, de sommeiller.
Quelquefois le sommeil vient fermer ma paupière,
Quand le soleil des loups* me prête sa lumière,
Si le Premier-Consul ne fût venu soudain,
Nous étions à la veille de mourir de faim ;
Il étoit temps, grand Dieu !, qu’un ange consolateur
Nous l’envoya en France, pour être notre Empereur ;
Il a toujours cherché à nous donner la paix,
En répandant sur nous ces dons et ces bienfaits.

*la lune (Note de l’auteur)

16 vers plats. Les règles du vers alexandrin échappent à ce flagorneur.

Fille auguste du ciel, ô paix tant désirée ! — 1801 (2)

Viviand-Bellerive Les Pyramides d’Egypte, ode au premier Consul

Invocation à la Paix

Fille auguste du ciel, ô paix tant désirée !
Abaisse enfin sur nous tes consolans regards,
Abandonne l’Olympe où tu t’es retirée :
L’humanité t’appelle au sein de nos rempars !

Fais envier ton règne à l’Europe égarée,
Succéder le repos aux jeux sanglans de Mars,
Et que chez les Français ton olive sacrée
Ranime l’industrie et réchauffe les arts !

D’une mère et d’un fils, viens essuyer les larmes,
Arrête la fureur des peuples et des rois,
Qu’aux pieds de ton autel ils déposent leurs armes !

Pour soutenir le trône, ou défendre leurs droits,
Si les cruels humains furent sourds à ta voix,
Ils en sont trop punis par douze hivers d’alarmes !

Q8  T21

Suspends, héros illustre, au temple de la gloire, — 1801 (1)

(Michel de) Cubières, jeune

Imitation du sonnet italien

Suspends, héros illustre, au temple de la gloire,
L’acier étincelant qui fonda ta victoire,
Et que ton jeune front, qu’ombragent les lauriers,
Serve éternellement de phare à nos guerriers.

Il est temps que le monstre échappé du Tartare,
Qui forgea contre toi plus d’un projet barbare,
Sur les rives du Stix, enchaîné désormais,
Te laisse ouvrir enfin le Temple de la Paix.

Elle attend le repos, notre chère Patrie,
Elle veut le devoir à ta main aguerrie,
Hélas! qui ne l’entend soupirer après lui?

Mars n’a que trop régné, c’est Astrée aujourd’hui
Qui, par toi de Thémis reprenant la balance,
Aux peuples opprimés rendra l’indépendance.

Q27 – T13

Ce sonnet est la traduction (désignée comme ‘imitation’) d’un sonnet d’un certain Povoleri, intitulé La Pace . Al cittadino Bonaparte. Cubières n’a pas respecté la disposition de rimes de l’original (abab abab cde cde). La mise en page est celle, habituelle depuis le milieu du 17ème siècle: quatre strophes de 4, 4, 3 et 3 vers respectivement, séparées par des lignes de blanc. Les premiers vers des deux quatrains, et le premier vers du sixain (deux tercets) sont marqués par un léger décrochement vers la droite dans la ligne. Cette marque de début d’unité strophique (qui était la règle au 16ème siècle) disparaîtra très vite, au profit d’un alignement strict des quatorze vers (quand il y en a quatorze). Le poème de Cubières est entièrement en rimes plates (aabb a’a’b’b’ ccd dee).