Archives de catégorie : 14lignes

J’écris cela pour écrire ceci. Ce qui est écrit l’est — 1998 (21)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets

XXV

J’écris cela pour écrire ceci. Ce qui est écrit l’est
deux fois.
Ce que vous lisez est-il deux?
Entre deux il y a un  champ dont la forme tourne
entre nous.
Ce trou est sans mesures.
Autour de ce trou, le chant des oiseaux comprend
le jour se lève un 11 avril.
la nuit est contenue dans le silen ce de la chèvre
noire et blanche est morte.
Les lignes de mots sont pliées ainsi.
Deux restent n’a pas de fin
ou Viviane le prix à payer.
Grammaire et fiction sont un.

arbres et oiseaux se croisent au hasard dans le ciel — 1998 (20)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets


 XXIII

arbres et oiseaux se croisent au hasard dans le ciel
les ifs             les             pies
l'herbe             les             grives
les pins            les             merles
les saules          les             huppes
l'antéfixe          les             coucous
la glycine          les             fauvettes
les acacias         les             mésanges
la charmille        les             corneilles
les bambous         les             bouvreuils
les peupliers       les             étourneaux
les eucalyptus      le              héron cendré
le séquoia géant    les             rouges-gorges
les mûriers platanes les            bergeronnettes

La période – Isocrate recommandait de la — 1998 (19)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets


XV

La période – Isocrate recommandait de la
rechercher – est la forme logique
d’un sens fini ou complet.
C’est George Oppen qui m’a appris
la mort
du vieux projet.
Même Dickens n’a jamais pu
décider  quelle fin
donner aux Grandes Espérances.
Cela suffit à le faire basculer
de ce côté-ci,
comme
le chauffeur
du Grand Sommeil.

Nous sommes venus le jour de l’an vous étiez — 1998 (18)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets


VIII

Nous sommes venus le jour de l’an vous étiez
absente.
Ce n’est pas une image peut être vu comme une
image.
Voici une image du trois janvier pour vous
Viviane.
C’est une image de la mer vue depuis des
remparts.
La mer est la mer quand nous tournns le dos à la
ville.
C’est une image d’hiver où le nom scintillera au
soleil.
Ma table ce matin est une seule image, évidente,
haute.

et figure-toi le long de ce petit mur de vaines — 1998 (17)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets

17
le mythe de la caVerne

et figure-toi le long de ce petit mur de vaines
images portant des objets le long de cette route
s’il y avait un écho chaque fois les yeux éblouis
montée rude et escarpée espèce de matière entre le
feu et les prisonniers pareille aux cloisons passe
une route élevée des ombres d’objets qui reflètent
leur apparition pendant le jour le soleil montreur
de marionnettes l’arrache de sa caverne nuit des
corps célestes ce qu’il voyait avec ses illusions et
contempler les eaux ensuite les objets cela il
pourra réfléchir le mur et les statuettes qu’un
valet de charrue dresse dans la caverne lorsqu’à la
fin ce sera le soleil lui-même à sa vraie place habile
à distinguer des animaux de pierre en bois aveuglés

Viviane est Viviane, oui. — 1998 (16)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets

LIVRE II

16
III

Viviane est Viviane, oui.
La tautologie ne dit pas tout mais oui.
Oui et tout ne sont pas équivalents. Chaque oui
comble l’espace du langage qui ne forme pas pour
autant un tout.
On n’obtiendrait pas une somme en additionnant
ces oui.
Et si on supprimait tout de notre vocabulaire.
Ces loups ne chantent pas en choeur.
L’espace que remplissent leurs bouts de voix
est un espace brisé.
Des tas de petits espaces juxtaposés
chantent
autour des points.

Il en va ainsi de ce livre. — 1998 (15)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets

XXIV

Il en va ainsi de ce livre.
Il en ira probablement ainsi du second film troi-
sième temps de la chronique.
Ce futur marque une intention plus qu’un temps à
venir.
Ce futur est aussi bien au passé.
Quand il neigera j’ai passé l’hiver dans ce manoir.
Le canale est un souvenir devant nous.
Devant nous un temps fait d’au moins trois
morceaux de temps de nature différente.
C’est ça aussi la leçon Stein
Ou la leçon du 2 juin 1910.
Aucune autre histoire, Viviane, que comment se
libérer des histoires.

Disons que Reznikoff, avec Testimony, fait de la — 1998 (14)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets


XXII

Disons que Reznikoff, avec Testimony, fait de la
poésie par défaut.
Ce qui fait ressembler à des vers, c’est que ce ne
sont plus des phrases.
Viviane est Viviane. Ce n’est ni une phrase ni un
vers.
Pour passer du canale à la souche brûlée, je n’ai
besoin ni de vers ni de phrases. Parce que ni le
canale ni la souche brûlée ne sont des phrases ni
des vers.
Mais des noms qui enveloppent des verbes d’état.
Des verbes de mon état.
Ce que j’écris ne dit pas autre chose que comment
je dis ce que je dis ici.

Table qui brûle dans l’angle mort. Son nom est — 1998 (13)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets


Dimanche 16 novembre

Table qui brûle dans l’angle mort. Son nom est
sombres visages. Je soumettrai l’inattendu et
l’inconcevable aux formules mathématiques. La vie
pourrait être ainsi. Interrompue cependant la leçon
de musique. Non, me dis-je, il peut y avoir à cela
une toute autre raison. Peut-être même une question
sans réponse. L’objet de ma flamme? Je vois la
souche qui brûle dans l’angle mort. Sous la pluie.
Le messager du pain, gagné par le sommeil. Le
jour s’est levé. Oui, sa présence est têtue. Comme
un bruit de machine. Ouvre les mains pour
dormir. Qu’est-ce qu’il y a? Oh! Les bruits. Les
guêpes. L’eau. Les trèfles jaunes. La mer pâle. La
promenade en espadrilles blanches.

La règle dit que voir est un verbe d’action.1998 (12)

Emmanuel Hocquard Un test de solitude – sonnets

XV

La règle dit que voir est un verbe d’action.
Je change la règle et je dis que voir est un verbe
d’état (ou de changement d’état).
ce qui est évident quand on y réfléchit.
Je vois une feuille. Je ramasse une feuille.
Les deux phrases ne sont pas équivalentes.
Je dessine une feuille est encore autre chose.
Giacometti voit un chien. Ce chien qu’il voit ce
jour-là.
Il dit:  » Je suis ce chien. »
Il fait la sculpture de ce chien. Autoprotrait.
Je vois Viviane.
Viviane est Viviane.
J’écris les sonnets de Viviane.