Archives de catégorie : arv

Imitations du célèbre ‘sonnet d’Arvers’

Ma vie a son secret, mon ventre a son mystère! — 1931 (4)

Albert Bouckaert Pastiches et parodies du sonnet d’Arvers in Revue Belge 15 mars 1931

Edmond Picard:

Ma vie a son secret, mon ventre a son mystère!
Un mal constipatoire en un banquet venu
L’accès est sans remède, aussi j’ai dû le taire
Et les pharmaciens n’en ont jamais rien su.

Hélas! J’aurai passé près d’eux inaperçu,
Toujours à leurs côtés et pourtant sans clystère.
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Mais eux, quoique le sort leur fit l’oreille tendre,
Ils feront leur métier lucratif, sans entendre
Le bruit de ma colique élevé sur leurs pas.

A l’austère Codex, incessamment fidèles,
Ils diront, en lisant ces vers privés de selles;
 » Qui fut ce constipé? » mais ne le sauront pas.

Q10 – T15 – arv

Mon cadre a son secret, ma toile a son mystère: — 1931 (3)

Albert Bouckaert Pastiches et parodies du sonnet d’Arvers in Revue Belge 15 mars 1931

Jean Goudezski

Sonnet d’art vert

Mon cadre a son secret, ma toile a son mystère:
Paysage éternel en un moment conçu!
Suis-je un pré? Suis-je un lac? Hélas, je dois le taire,
Car celui qui m’a fait n’en a jamais rien su.

Ainsi, je vais passer encore inaperçu,
Toujours assez côté, mais pourtant solitaire;
Et mon auteur ira jusqu’au bout sur la terre,
Attendant la médaille et n’ayant rien reçu.

Le public, quoique Dieu l’ait fait gobeur et tendre,
Va filer devant moi, rapide, sans entendre,
Malgré mon ton gueulard, mes appels sur ses pas!

Au buffet du salon, pieusement fidèle,
Il va dire, en buvant son bock tout rempli d’ale:
« Quels sont ces épinards? » et ne comprendra pas.

Q10 – T15 – arv

La larve a son secret, le cocon son mystère — 1928 (11)

Hugues Delorme in La revue française

Le sonnet larvaire

La larve a son secret, le cocon son mystère
Par quels enchaînements l’insecte est-il conçu ?
Enigme devant quoi le penseur doit se taire
Puisque le plus savant n’en a jamais rien su.

Semence imperceptible, atome inaperçu
D’où vient le papillon, d’où le ver solitaire,
Le phalène en plein ciel, le lombric sous la terre ?
Comment le don de vivre est-il par eux reçu ?

La nature accomplit, aïeule, auguste et tendre,
Mystérieusement sa tâche, sans entendre,
Les cogitations de l’homme sur ses pas.

Et celui-ci, pourtant, à sa tâche fidèle,
Recherchant la clarté, dira, tout rempli d’elle :
« Quelle est donc cette flamme ? … » et ne comprendra pas.

Q10 – T15 -arv —

Mon goût a son secret, ma teinte son mystère, — 1918 (8)

Léo Claretie Sonnets au front d’Arvers

La gnole

Mon goût a son secret, ma teinte son mystère,
Chef-d’œuvre d’alchimie en un tonneau conçu.
Ammoniaque ou pétrole ? Hélas ! je dois le taire,
Car celui qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Si je me trouve ici dans mon flacon de verre
Honorée à l’égal des fines de bon cru,
C’est que mon fabriquant, d’un ton autoritaire
A dit : « ça peut se boire ! »  et l’intendant l’a cru.

Aussi bien j’aurais pu, par d’autres artifices,
Devenir brillant belge ou bien eau dentifrice,
Mais gnole l’on m’a fait. Donc à chaque repas

Celui qui de me boire aura la folle audace
Dira, grinçant des dents et faisant la grimace :
« Quel est donc ce liquide ? »  et ne comprendra pas.

Q10 – T15 – arv

Léo Claretie : Son sonnet est toujours debout.
Il n’y a pas de sonnet de Pétrarque qui ait eu un vogue comparable à celle de ces vers.
L’une des premières réponses  fu écrite par madame Cecile Coquerel qui signa C. Gay, ce qui fit attribuer le sonnet à Sophie Gay. Les femmes furent sans doute enchantées de la réplique, cer elles la chantent sur la musique de mademoiselle Casalonga.
On le récite dans les tranchées, et les poilus le savent par cœur. Et quand ils sont de loisir, ils le parodient.
Jules Janin : ce peit bousquet de myosotis traversera les siècles.

Mon âme a son secret, mon vie a son mystère — 1918 (7)

Léo Claretie Sonnets au front d’Arvers

Le Bocophage

Mon âme a son secret, mon vie a son mystère
Mon plan pour m’embusquer habilement conçu.
Je n’ai jamais aimé le métier militaire,t
Et pour m’y dérober j’ai fait ce que j’ai pu.

Je voulais simplement passer inaperçu
Et faire jusqu’au bout mon temps sur cette terre,
Il me fallait trouver un emploi salutaire
J’osai le demander, aussi je l’ai reçu.

Et bien que le public ne me soit pas très tendre,
J’irai droit mon chemin, paisible, sans entendre
Les murmures jaloux élevés sur mes pas.

A l’austère bureau tenacement fidèle
On dira, me sachant dans cette citadelle :
« A quoi bon le poursuivre ? on ne l’y prendra pas! »

Q10 – T15 – arv

Ton corps n’a plus pour moi ni secret, ni mystère. — 1912 (10)

Laurent Mongin Sonnets travestis, sur les rimes du sonnet d’Arvers

III

Ton corps n’a plus pour moi ni secret, ni mystère.
Tu couronnas l’amour que pour toi j’ai conçu.
Je crains, en te voyant, de ne pouvoir le taire
Cet amour qui ne doit de personne être su.

Alors que je croyais rester inaperçu,
Implorant ton regard, attristé, solitaire,
Ange, tu m’as souri. Je passais sur la terre,
Je ne demandais rien, de toi j’ai tout reçu.

O maîtresse adorée, ô maîtresse si tendre,
L’hymne de nos baisers, ne dois-je plus l’entendre,
Puisque bien loin de toi je porterai mes pas ?

Bouquet de nos aveux sois le gardien fidèle,
Puisses-tu ne jamais te flétrir auprès d’elle
Pour lui dire sans cesse : « Il ne t’oubliera pas »

Q10  T15  arv

Je lève haut la tête et dois encor prétendre — 1911 (5)

Anthologie Hospitalière

E.Feld

Sonnet du Dard vert

Je lève haut la tête et dois encor prétendre
Que Nemrod à mon maître enseigna l’art de tendre:
Tendre et dur à la fois! Le seul art vénérien
Les fait, les synthétise en ne partant de rien.

Ô beauté pénisienne, ô beauté préputiale!
Pour vous plus d’une fille à … l’âme virginale
A désiré tailler cette plume d’amour
Qui sait mettre en relief le charme du contour.

Aussi mon possesseur me chérit, me vénère,
Il sait, quand il le faut, m’appeler: –  » Petit frère « .
Et puis d’une caresse augmenter mes appas.

A toutes j’ai montré, prodigue, ma plastique;
Fidèle à mon dicton : –  » Qui s’y frotte … s’y pique  »
Et j’ai … pleuré souvent en ne m’essuyant pas!

Q58 – T15

Son corps a son secret, son vagin son mystère — 1911 (4)

? Anthologie Hospitalière

Imité du sonnet d’Arvers

Son corps a son secret, son vagin son mystère
Mal horrible, éternel, en un moment conçu.
Et, puisqu’il est secret, pourquoi ne pas le taire?
Car ne vaut-il pas mieux qu’il n’en soit rien su.

Ciel! je vous remercie de m’en être aperçu;
Je vous en remercie pour mon ver solitaire,
Car j’aurais pu passer près d’elle sur la terre,
N’ayant rien demandé, pourtant l’ayant reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, cruelle et sans entendre
Les soupirs douloureux élevés sur ses pas.

A son noble métier obstinément fidèle,
Elle dira, le mal l’effleurant d’un coup d’aile:
« Quel est donc le salop? » Mais ne trouvera pas.

Q10 – T15 – arv

Mon âme est sans secret, ma vie est sans mystère; — 1906 (2)

Jules Renard in  Dr o’Followell: le sonnet d’Arvers et ses pastiches (1948)

A l’envers d’Arvers

Mon âme est sans secret, ma vie est sans mystère;
Mon amour banal fut comme un autre conçu,
Le mal est réparé; pourquoi donc vous le taire?
Celle qui me l’a fait l’a tout de suite su.

Non, je n’ai pas passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et toujours solitaire,
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’ayant rien demandé, mais ayant tout reçu.

Pour elle, qui n’est point très douce ni très tendre,
Elle suit son chemin et se fiche d’entendre
Un murmure d’amour élevé sur ses pas.

A l’austère devoir constamment infidèle,
Sans avoir lu ces vers où je n’ai rien mis d’elle,
« Mais, c’est moi! » dira-t-elle, et ne comprendra pas.

Q10 – T15 – arv

-Jacqueline de Lubac: « Une aimable dame me fit un jour ce compliment: ‘J’aime bien vos sonnets, mais pourquoi les faîtes-vous si courts? »

Non, non, votre secret n’était pas un mystère. — 1899 (15)

Louis Fréchette Mémoires de la Royal Society of Canada, Section française t.5

Réponse au sonnet d’Arvers

Non, non, votre secret n’était pas un mystère.
Cet amour éternel discrètement conçu,
Vous avez, ô poète, eu grand tort de le taire:
Celle que vous aimiez l’a toujours fort bien su.

Vous n’avez point passé près d’elle inaperçu;
Votre âme à ses côtés n’était pas solitaire;
Mais vous avez perdu votre temps sur la terre:
N’osant rien demander, vous n’avez rien reçu.

Les femmes ont le coeur aussi subtil que tendre:
Pas une, soyez sûr, qui marche sans entendre
Le moindre des soupirs exhalés sur ses pas.

À l’instinct de leur sexe uniquement fidèles,
Des centaines, croyant vos vers tout remplis d’elles,
Raillaient votre silence… et ne vous plaignaient pas.

Q10  T15 – arv