Chapitre zéro ou Avant-générique

§ 1 Ce matin du premier mai 2010

1 1 Ce matin du premier mai 2010, il est trois heures, heure normale de mon réveil, j’ai devant moi, à ma gauche, sur mon bureau, face à l’écran de mon ordinateur,

1 1 1 un macintosh nommée Mina

@ 1 1 1 tous mes ordinateurs, depuis le premier, en 1985, sont des macintosh que je baptise de noms que j’estime adéquats à leur caractère ; chaque machine en effet a son caractère, ses qualités, ses défauts, ses humeurs, sa couleur

@ 1 1 1 1 Barnabé, un brave vieux que je conserve en souvenir de ses bons et loyaux services, est bleu foncé

@ 1 1 1 2 Sa jumelle, dont j’ai dû me séparer l’année dernière, je ne peux pas les garder tous, était d’un bel orange et se nommait Mendy

@ 1 1 1 2 1 « était d’un bel orange et se nommait Mendy » est une suite de syllabes en langue française qui pourrait constituer un vers de l’espèce nommée alexandrin. Je n’ai pas l’intention de vous faire un exposé de la métrique de la poésie française classique, mais j’ai préparé à votre intention un petit résumé de quelques unes de ses propriétés caractéristiques auxquelles j’aurais parfois l’occasion de me référer.

@ 1 1 1 2 1 1 1

1 2 un grand carnet de couleur noire, dont les pages, très scolaires, sont à petits carreaux. Sur la couverture est collée, verticalement à gauche, une étiquette où je lis pour vous :

1 3

Duke University

The Literature Program

101 SCIENCE BUILDING

BOX 90670, EAST CAMPUS

DURHAM, NC 27708-0670

152-2300

RETURN REQUESTED

TO …………………………

1 4 Le nom du propriétaire, auquel le carnet devrait être renvoyé, est omis

1 4 1 j’ai placé un certain nombre de caractères, en blanc, qui manifestent cette omission

1 5 Sur la droite de l’étiquette, je lis, en écriture manuscrite

1 6

KAERLEC

Le Grand Ciel Empyrée

1 7 Du carnet, toujours fermé, émergent sur la droite deux ‘post-it’ jaunes. Sur l’un est écrit IMAGES ; sur l’autre, plus loin dans les pages, TO JR

1 8 Que faire ?

1 9 Ouvrir ? ouvrons

§2 Sur la première page écrite, je lis

2 1 Sur la première page écrite, je lis :

LE

GRAND CIEL

EMPYREE

DE CLAUDE DE KAERLEC

Seigneur de Meriadec

DÉDIÉ

Au Roy Tres-chrestien Henry III

et à la Royne très Chrestienne sa Compagne

MUSARUM IN ADORE QUIESCET

A Paris

Pour Felix le Mangnier, du palais en

La gallerie allant vers la Chancellerie

1585

2 2 Tout à fait en bas de la page, à gauche

UVa Rare Books

Call Gordon 1585 .K3

Copied Monday march 22, 2010

2 3 Le carnet contient, manuscrit, le contenu intégral de ce petit livre, complété de la reproduction de quelques images de l’édition, que l’université de Virginie, dans sa grande bonté, a bien voulu autoriser la copiste, Anne F Garréta, professeur à Duke University, membre comme moi de l’Oulipo, à acquérir pour les joindre au texte.

2 3 1 Un Document Annexe vous informe de manière succincte sur l’Ouvroir de Littérature Potentielle, dit OULIPO.

2 3 1 1

2 4 Elle me l’a fait parvenir par la poste.

2 4 1 Moyen de communication quasiment obsolète, mais parfois encore bien utile, comme dans le cas présent.

§3 Voici le premier des poèmes du livre du Seigneur de Meriadec

3 1

De la première Hierarchie de Anges

E1

I. Ordre des Seraphins

Mon intellect estant par sa pensee

Sainte enflamé en Ange Seraphin,

Au front d’Iris, aislé d’amour diuin

De Ciel en Ciel vole au Ciel Empyree.

Là paruenu sur sa Cyme aetheree,

Veult contempler d’un humble œil aquilin

Son beau Soleil, son exercite astrin,

Pour célébrer leur lumière adoree.

Vous fils de Dieu, qui dans ce Ciel viuez,

Qui de là soing des veuz mortels auez,

Tendez la main à vostre poëte indigne :

Et ce mien hymne à vous Anges voüé,

Y soit pour vous eternel engraué ;

Et présenté à la face diuine.

3 1 1 notes sur le texte

exercite : armée – les particularités de la typographie du seizième, par exemple l’emploi’ d’un ‘u’ à la place d’un ‘v’ dans le mot ‘divin’ sont maintenues

3 1 2 notes sur les vers :

ce sont des décasyllabes normaux pour l’époque. ‘poête » compte pour une seule syllabe.

3 2 A la suite du poème, l’auteur offre ce qu’il nomme une EXPOSITION ; il s’agit d’une glose de certaines expressions. Ainsi

3 3

« Mon intellect )A la louange de la Saincte Trinité qui a créé de monde & et les Anges, commence cest ordre des Seraphins.

« Enflamé en Ange Seraphin) C’est à dire changé en la Metamorphose d’vn Ange flamboyant.

3 4 et coetera

§4 Examen

4 1 J’examine ce poème et je fais un certain nombre de constatations

4 2 i – C’est un sonnet.

4 3 ii – Il n’est pas désigné comme tel.

4 3 1 Je note ce fait car il mérite d’être noté. Pourquoi ? c’est une constante de l’histoire de cette forme que la propension à s’annoncer comme telle. On peut comprendre ce besoin quand la forme vient de pénétrer dans une langue et n’est donc pas aisément reconnaissable par un locuteur de cette langue. En 1585, il existe déjà un grand nombre de sonnets en langue française. L’année est celle de la mort de Ronsard, le plus célèbre des poètes français du seizième siècle et grand producteur de sonnets

4 3 1 1 on en compte plus de 600 dans son œuvre.

4 3 2 Il n’y a donc rien de surprenant à ce que Kaerlec n’estime pas nécessaire de signaler que son poème

4 3 2 1 et ceux qui le suivent dans son court opuscule

4 3 2 1 1 en tout 21

4 3 3 Sont des sonnets. Pourtant, à cette époque, et bien au-delà, on continue très souvent à nommer sonnets les sonnets.

4 3 3 1 Pour qui connaît cette particularité de la forme-sonnet à laquelle on ne peut manquer d’être sensible, à une époque où le sonnet fait encore partie du paysage poétique, l’ironie d’une réplique du Misanthrope de Molière, dans une scène célèbre, saute aux yeux

4 3 3 1 1 Elle ne semble pas avoir été remarquée par les critiques modernes

4 3 3 2 Dans la scène II de l’acte premier de cette pièce, le courtisan Oronte inflige à Alceste la lecture d’un poème de sa composition. Il dit le titre « Sonnet » et immédiatement ajoute « C’est un sonnet ».

4 3 3 2 1 Le sonnet

E2

L’espoir, il est vrai, nous soulage,

Et nous berce un temps notre ennui;

Mais, Philis, le triste avantage,

Lorsque rien ne marche après lui!

Vous eûtes de la complaisance;

Mais vous en deviez moins avoir,

Et ne vous pas mettre en dépense

Pour ne me donner que l’espoir.

S’il faut qu’une attente éternelle

Pousse à bout l’ardeur de mon zèle,

Le trépas sera mon recours.

Vos soins ne m’en peuvent distraire:

Belle Philis, on désespère,

Alors qu’on espère toujours.

4 3 3 3 Molière ridiculise le personnage. Mais le ne fait pas que cela. Il se moque aussi de la forme-sonnet elle-même, qui est en voie de quasi-disparition à l’époque et il choisit de le faire en mettant l’accent sur ce trait ‘d’auto-désignation’ ; beaucoup plus qu’en nous présentant un sonnet poétiquement médiocre et ridicule

4 3 3 3 1 Il ne l’est pas. Moins ridicule, en fait, du point de vue esthétique, que le choix que fait Alceste de lui opposer une ‘vieille chanson’ c’est à dire un non-poème.

4 3 3 3 1 1 On peut penser qu’il se moque, aussi, de lui.

4 3 3 3 1 1 1 J’évite la controverse sur le sens à donner à la pièce. Questions du genre : Molière est-il, ou non, du côté d’Alceste, …

4 3 4 Il s’ensuit que l’absence de désignation est un des traits qui vont faire partie de la description formelle du « Grand Ciel Empyrée » . Elle ira rejoindre, dans mes dossiers, celle des autres, des très nombreux autres ouvrages que j’ai consultés, au cours des années, dans le cadre d’une enquête systématique sur cette forme poétique.

4 3 5 Je marquerai l’absence de désignation du sonnet comme sonnet de la manière condensée conventionnelle suivante

nD

4 3 6 Je ne vais pas maintenant énumérer tous les traits qui serviraient à la description. J’en donne un seul autre :

4 3 7

Disp G

4 3 8 Je signale par cette abréviation que le poème est disposé sur la page selon l’une des deux manières dominantes au seizième siècle. Les strophes ne sont pas séparées et le premier vers de chacune est placé à gauche dans la ligne.

4 3 8 1 Dans l’autre disposition principale, notée Disp Dr, le premier vers de chaque strophe est en retrait dans la ligne

4 3 8 1 1 Selon la disposition ‘droite’ le sonnet se lirait comme suit

4 3 8 1 2

E1,a

Mon intellect estant par sa pensée

Sainte enflamé en Ange Seraphin,

Au front d’Iris, aislé d’amour diuin

De Ciel en Ciel vole au Ciel Empyree.

Là paruenu sur sa Cyme aetheree,

Veult contempler d’un humble œil aquilin

Son beau Soleil, son exercite astrin,

Pour célébrer leur lumière adorée.

Vous fils de Dieu, qui dans ce Ciel viuez,

Qui de là soing des veuz mortels auez,

Tendez la main à vostre poète indigne :

Et ce mien hymne à vous Anges voüé,

Y soit pour vous eternel engraué ;

Et présenté à la face diuine.

4 3 9 L’attention portée à ce trait résulte de l’idée générale suivante : un sonnet est un texte écrit. La manière dont on le met sur une page indique quelque chose d’important concernant la forme : ainsi les deux dispositions ‘droite’ et ‘gauche’ qui dominent au seizième siècle montrent qu’il faut saisir le sonnet comme un tout, une strophe unique articulée en quatre sous-strophes. Et ce n’est pas, du point de vue formel comme du point de vue sémantique du tout la même chose que d’imprimer le même texte en quatre strophes distinctes séparées par des lignes de blanc.

4 3 9 1

E1,b

Mon intellect estant par sa pensée

Sainte enflamé en Ange Seraphin,

Au front d’Iris, aislé d’amour diuin

De Ciel en Ciel vole au Ciel Empyree.

Là paruenu sur sa Cyme aetheree,

Veult contempler d’un humble œil aquilin

Son beau Soleil, son exercite astrin,

Pour célébrer leur lumière adorée.

Vous fils de Dieu, qui dans ce Ciel viuez,

Qui de là soing des veuz mortels auez,

Tendez la main à vostre poète indigne :

Et ce mien hymne à vous Anges voüé,

Y soit pour vous eternel engraué ;

Et présenté à la face diuine.

4 3 9 1 1 C’est pourtant ainsi que dans l’édition des Oeuvres de Ronsard de la prestigieuse collection de La Pléiade

4 3 9 1 1 1 qui reproduit avec fidélité le texte de celle de 1585, la dernière parue du vivant du poète

4 3 9 1 1 1 1 Il a fallu plus d’un siècle aux savants pour cesser de moderniser les textes anciens et restituer les versions originales ; mais leur respect ne s’étend pas toujours encore, malheureusement, jusqu’aux particularités graphiques.

4 3 9 1 2 présente les sonnets comme s’il s’agissait de sonnets de Baudelaire.

4 3 10 Que Kaerlec choisisse la disposition gauche est un trait archaïsant ; comme le choix du décasyllabe au détriment de l’alexandrin.

4 4 Les poèmes de ce livret n’ont pas grande valeur, il faut bien le dire. Mais ils font partie de ce que je nommerai la poésie de la méditation, qui nous occupera plus tard.

§5 J’ai exploré autrefois, pour une étude systématique de la forme-sonnet,

5 1 J’ai exploré autrefois, pour une étude systématique de la forme-sonnet, un nombre très important d’ouvrages en langue française publiés pendant le premier siècle qui a suivi son introduction par Marot

5 2 Une partie des résultats de cette enquête a été présentée comme thèse de doctorat et publiée, en 1990, très confidentiellement certes, mais publiée quand même, sous le titre suivant

5 3

La Forme du sonnet français de Marot à Malherbe

Recherche de seconde Rhétorique

5 3 1 Le terme de ’ seconde rhétorique’ est emprunté aux traités médiévaux de versification qui signifient par là que leur matière n’a pas été abordée, et pour cause par la Rhétorique d’Aristote.

5 3 1 1

5 4 Je présentais ces résultats de la manière suivante

5 4 1 j’abrège et modifie un peu le texte original

5 5 1 L’idée d’une recherche sur la forme-sonnet a été précédée d’une longue expérience de lecteur et compositeur de poèmes. En publiant en 1967 un livre, dont le titre se lit « signe d’appartenance », et qui (quelles qu’aient été par ailleurs ses intentions) était un essai de variations sonnetistiques, je pensais en avoir fini avec elle. Je me suis assez longtemps intéressé ensuite à une autre forme poétique, la canso des Troubadours, forme qui précède la forme-sonnet, dont la forme-sonnet indirectement procède et dont il est devenu, à travers Pétrarque, l’héritier dans la poésie lyrique européenne.

5 6 2 Ma première expérience du sonnet avait été celle d’un amateur de la forme : je lisais des sonnets et si j’en écrivais aussi, c’était dans le même esprit que l’amateur que Jean-Sébastien Bach imagine, qui se met au clavier pour être mieux touché par le ‘clavecin bien tempéré’. Ma connaissance du sonnet était donc également celle d’un amateur. Mes modèles principaux étaient, sans doute, Ronsard et Du Bellay mais surtout, en raison de leur plus évidente proximité chronologique, Nerval et Baudelaire, Cros, Mallarmé ou Corbière ; et, parmi les grands exemple étrangers, Shakespeare, Cavalcanti, Dante, Gongora, Hopkins.

5 6 1 Tous ces noms, ou certains d’entre eux ne vous disent peut-être rien. Ce n’est pas grave ; nous aurons peut-être l’occasion de voir leur œuvre d’assez près

5 6 2 Je n’ai pas cité Pétrarque, car j’avais sans réfléchir adopté le jugement méprisant de Pound à son sujet. En fait, je ne comprenais pas Pétrarque, ce qui veut dire qu’en un sens je ne comprenais pas encore la forme-sonnet.

5 6 2 1 Je remarque qu’en 2010, pour l’immense majorité des quelques personnes qui s’intéressent encore à la poésie, et qui font légèrement attention à ses formes, les seuls sonnets connus sont ceux de Shakespeare. Shakespeare est pratiquement le seul sonnettiste traduit en français et il en paraît sans cesse de nouvelles versions.

5 6 2 2 Ce qui signifie que la forme est devenue pratiquement incompréhensible

5 7 Comme je lisais et écrivais dans la seconde moitié du vingtième siècle, mon goût obstiné pour une telle forme pouvait paraître anachronique, passéiste. Mais il procédait en partie d’une méfiance grandissante pour la banalité ‘vers-libriste’ de ce qui se nommait alors ‘modernité’.

5 8 Rendant compte, favorablement, de mon livre dans un hebdomadaire, André Pieyre de Mandiargues remarquait avec un peu d’étonnement qu’il était composé essentiellement de sonnets, forme qui, disait-il, ‘semblait vouée définitivement aux Jeux Floraux’.

5 9 Mais il y avait aussi les « Cent mille milliards de poèmes’ de Raymond Queneau, poèmes ‘potentiels’ dont la quasi totalité sont des sonnets traditionnels

5 9 1 La ‘tradition’ en l’espèce est celle du dix-neuvième siècle

5 9 1 1 Et ils ne sont pas tous des sonnets ‘corrects’ selon les normes de la prosodie française, puisqu’en certains le même mot est utilisé deux fois à la rime

5 10 Et encore la traduction par Pierre Jean Jouve des sonnets de Shakespeare, dont on peut abstraire, en employant la ‘méthode axiomatique’, la notion, paradoxale mais stimulante, de ‘sonnet en prose’.

5 11 3 Lire le sonnet en reculant ‘vers l’autre côté du temps’, vers le passé, ce que j’ai commencé à faire en meêm temps que je me familiarisais avec la ‘canso’ des Troubadours, fait apparaître très différemment la forme. On ne découvre pas seulement qu’il s’est écrit énormément de sonnets, dans beaucoup de langues, et que nombre d’entre eux ne sont pas inférieurs

5 11 1 selon l’appréciation esthétique de l’amateur de poèmes

5 12 à ceux que les manuels scolaires mettent en avant, mais que la forme est beaucoup plus complexe, variée, bizarre, que la seule familiarité avec un dix-neuvième siècle unilingue ne le laisse penser

5 13 ainsi que les traités de versification.

5 14 4 Après quelques années

5 14 1 il y a de cela plus de dix ans

5 14 1 1 écrivais-je en 1990 ; il faudrait dire aujourd’hui ‘plus de trente ans’

5 15 j’ai imaginé de consacrer une étude, à la fois formelle et anthologique à la forme-sonnet, dans toutes ses manifestations ; au ‘sonnet universel’, en somme.

5 16 Mon ambition initiale, un peu vague, était à la fois de parvenir à une définition abstraite générale, recouvrant l’ensemble des cas concrets, mais d’accompagner cette définition d’une appréhension générale du territoire du sonnet

5 16 1 géographie en quatre dimensions, dont le temps

5 17 en identifiant les reliefs

5 17 1 les grands textes

5 18 les régions, les continuités, les ruptures, les failles

5 18 1 on pourrait prendre d’autres métaphores, biologiques, par exemple.

5 19 Mon étude serait une étude du ‘cas sonnet’, pouvant servir à des généralisations touchant la notion même de forme poétique.

5 20 5 Poursuivre la forme sonnet de langue en langue et de siècle en siècle, dans tous ses aspects, sans omettre les questions d’interprétation et d’évaluation esthétique, est une entreprise séduisante mais légèrement excessive. On peut désigner cette tentation de l’exhaustivité Syndrome de Bing. J’ai inventé cette maladie après avoir lu la biographie de Aby Warburg par Sir Ernst Gombrich : Gertrude Bing, fidèle collaboratrice du maître, qui avait été chargée de cette pieuse tâche

5 20 1 raconter la vie du fondateur de l’Institut Warburg, la genèse et l’inachèvement de son grand Projet, Mnémosyne

5 21 mourut avant d’avoir acquis les connaissances encyclopédiques qu’elle estimait nécessaires avant de commencer.

5 22 Averti du danger par Sir Gombrich, j’ai donc réduit mes ambitions.

5 23 6 Il pourra même apparaître que je les ai réduites à l’extrême. J’ai d’abord décidé de m’en tenir à la formule ‘le sonnet dans une seule langue’, le français. J’ai ensuite limité, un peu arbitrairement, la période : il est assez normal de commencer au début, avec l’apparition du sonnet français mais où m’arrêter ? j’ai estimé qu’une coupure assez naturelle se produit avec la mort de Malherbe et la publication, en 1630, de ses Œuvres.

5 24 7 J’ai considéré en second lieu que l’étude devait nécessairement comporter une partie, non préliminaire, mais première, de description.

5 25 La description devait essayer de prendre en compte la totalité des sonnets (poèmes présumés tels) conservés, sous forme imprimée ou manuscrite, de cette période ;

5 26 ne pas, par conséquent, me limiter, comme le font la plupart des spécialistes, aux sonnets des ‘grand auteurs’ ; être insensible aux considérations esthétiques

5 26 1 Je ne les ignore pas, mais elles ne peuvent trouver place dans cette étape de l’étude.

5 27 Une recherche préliminaire s’imposait : la quête des exemples. Elle a été longue.

5 28 Au cours de cette enquête j’ai établi une liste

5 28 1 en partie empirique, en partie résultant d’hypothèses auxquelles je ne donnerai pas le nom bien excessif de ‘théoriques’ mais qui sont, disons, plus générales

5 29 de traits distinctifs de la forme sonnet, et j’ai entrepris le recensement de ces traits pour l’ensemble des exemples recensés.

§6 Je ne suis pas parti au hasard dans la Bibliothèque Nationale de Paris

6 1 Je ne suis pas parti au hasard dans la Bibliothèque Nationale de Paris. A cette époque lointaine, le lecteur se rendait Salle Labrouste, dans les bâtiments de la Rue de Richelieu. La Très Grande Bibliothèque n’était même pas encore rêvée.

6 1 1 ce n’est pas sans émotion que je m’y rendais : mon maître Raymond Queneau y avait longuement séjourné. Un poème de Courir les rues en témoigne

6 1 1 1

E3

SQUARE LOUVOIS

Le jour de Munich je suis allé à la Bibliothèque nationale

seul lecteur

hantant les 1111 mètres carrés du hall construit par Labrouste en

1868

un des premiers chefs-d’œuvre de l’architecture métallique

vingt ans plus tard Eiffel construisait sa tour

un an après c’était la guerre

6 1 1 1 1 je profite de l’occasion pour introduite la parenthèse d’un sonnet sur la Tour Eiffel

6 1 1 1 1 1 après tout, on est là pour ça

6 1 1 1 2

E4

La Tour Eiffel vue de haut

à Alphonse Allais

– ‘ Depuis que les Titans, punis de leur outrage,

Se tordent aux Enfers, l’homme, quoique malin,

S’élève vainement: il reste à son déclin,

Vaincu par l’anémie et veuf du fier courage.

Or, moi, monsieur Homais, je crie: au gaspillage!

Et blâme hautement notre impuissant Vulcain

D’avoir – pour nous forger ce chef d’oeuvre mesquin –

Mis le fer stimulant et tonique au pillage! ‘

Puis, cet avis donné, sagement, sans détour,

Le grand pharmacien, les lèvres dédaigneuses,

Triture au mortier ses drogues ferrugineuses

Et, sous le lourd pilon croyant revoir la Tour,

Suppute, l’oeil rêveur, les bienfaisants pécules

Qu’on aurait à rouler tout ce fer en pilules.

6 1 1 1 3 poème de 1899 ; année de la mort de Mallarmé. L’auteur, Léopold Dauphin était un de ses disciples.

6 1 1 1 4 une filiation marquée formellement, de manière légère, mais nette : la répartition en strophes , trois quatrains suivis d’un distique est très rare dans le sonnet français du dix-neuvième siècle et c’est un des traits de la variante, inspirée de Shakespeare, que Mallarmé a introduite. Elle a été très peu utilisée et on peut être quasiment sûr que celui qui l’emploie est, d’une certaine manière, consciemment en train de se montrer ‘mallarméen’.

6 1 1 1 1 1 en un sens de ce mot qui a peu avoir avec l’emploi courant dans la critique, de cet adjectif.

6 2 Le plus gros de ma recherche s’est passé là. La Bibliothèque Nationale est un monument admirable

6 2 1 Je parle là uniquement de son contenu, pas de son architecture

6 3 Je n’ai pas hésité à lui rendre l’hommage d’un sonnet. Le titre, pas par hasard, est le même que le poème de Queneau que j’ai cité

6 4

E5

Square Louvois

Peut-être mille fois en trente ans je me suis

Assis sur un banc vert dans le square Louvois

Le soleil sur les yeux, seul, entouré des bruits

Des fontaines bavant et traversé de voix.

A l’éblouissement des jets d’eau j’étais, moi,

Possesseur d’un trésor de livres inouïs

Potentiellement convoquables depuis

Les magasins de l’ex-Bibliothèque du Roi.

Saône et Seine et Garonne et Loire, je voyais

Les quatre nymphes-fleuves aux regards noyés

Je contemplais leurs seins de bronze allégorique

Puis je retraversais la rue de Richelieu

Pour rejoindre ma place et, lecteur euphorique,

Jouir en souverain d’un républicain lieu.

6 5 j’ai beaucoup fréquenté aussi une de ses ‘annexes’ : la Bibliothèque de l’Arsenal.

6 5 1 Elle a eu quelques directeurs illustres : Charles Nodier et surtout un des maîtres du sonnet en langue française du dix-neuvième siècle, le parnassien José Maria de Hérédia

6 5 1 1 à qui l’on doit l’acquisition d’un des rarissimes exemplaires d’une des œuvres majeures composées en forme-sonnet, les Essays de méditations poétiques , Sur la Passion Mort et Resurrection de Nostre Seigneur JESUS CHRIST (1659) d’un auteur resté jusqu’à ce jour inconnu.

6 5 1 1 1 Faute de mieux on le nomme, raisonnant à partir des initiales « Z.d.V. r » qui figurent à la place du nom réel de l’auteur, Zacharie de Vitré, récollet.

6 5 1 2 un exemple particulièrement saisissant

6 5 1 3

E6

Dignus es Domine? accipere librum, & aperire signacula eius; quia occisus es, & redemisti nos in sanguine tuo. Apoc.5.v.9.

Seigneur? Jesus? puis qu’en toy seul mon dessein se termine,

vous estes Je Consacre ce Liure a tes derniers abois:

digne de Tes tourmens Sacrés-Saincts font que ie te le dois,

ce livre, Comme un humble present dont ils sont l’origine.

& d’en faire l’ou- Le papier precieux de cette chair diuine,

uerture: L’ancre de ton beau Sang, la presse de la Croix,

Parce que T’ont fait l’Original dont par un digne choix

vous aués J’entreprens la coppie,& descris la doctrine.

esté mis àmort, & Vray livre des esleus? dont les sainctes Leçons

vous nous Fournissent de matiere a mes foibles Chansons,

avés ra- Enseigne moy le sens de ces sanglans mysteres

cheté par vôtre sang. Et m’eschauffant le sein de ton esprit vainqueur

Marque moy, Dieu d’amour? de tes saincts caracteres,

Et de ma propre main trace les dans mon Coeur.

6 6 C’était un lieu à la fois délicieux et archaïque : peu de places, mais confortables ; et peu de lecteurs. J’arrivais toujours très tôt, nettement avant l’heure d’ouverture, dix heures, afin d’être le premier à prendre ma place, toujours la même.

6 6 1 Je viens de mentionner son ‘archaïsme’. C’est que l’Arsenal n’avait pas de catalogue. Ni informatisé, of course, ni même imprimé, comme celui de la Nationale. Les livres étaient sur fiches.

6 6 2 Et même, comble de vétusté bibliothécaire, mais bénédiction pour les chercheurs de mon genre, les livres les plus anciens, antérieurs à 1860, étaient dans de gros volumes reliés et classés par genre. Ce qui fait qu’on pouvait très vite repérer les ouvrages du seizième siècle où pouvaient se trouver des sonnets.

6 6 2 1 J’ai constaté souvent, à la lecture de certains livres et anthologies consacrés au 16ème siècle, que leurs auteurs avaient fait grand usage, parfois exclusif, des ressources de l’Arsenal.

6 6 3 Le Catalogue des imprimés de la BN pouvait certes vous permettre de trouver plus vite la cote d’un livre, POURVU QUE VOUS SACHIEZ QUEL LIVRE VOUS VOULIEZ. Mais si vous ne saviez pas d’avance ce que vous cherchiez, il fallait une sérieuse dose de patience pour explorer de manière rentable les plus de deux cents volumes du catalogue BN.

6 6 3 1 Et vous ne pouviez pas, comme vous l’auriez fait à la British Library, qui a très tôt pris la peine de compiler son ‘short-title catalog of 16th century imprints’

6 6 3 1 1 complété ensuite de son équivalent pour le 17ème siècle

6 6 1 1 1 1 et le 18ème même, ensuite

6 6 3 2 vous borner à fouiller dans les impressions du 16ème siècle. La Bibliothèque Nationale ne disposait pas

6 6 3 2 1 et ne dispose toujours pas, il me semble

6 6 3 3 d’un instrument de ce genre

§7 Ma tâche a été, dès le début, facilitée par une découverte, imprévue mais ô combien heureuse

7 1 Ma tâche a été, dès le début, facilitée par une découverte, imprévue mais ô combien heureuse : il existait, publié en 1900, un recensement des ouvrages en langue française contenant des sonnets. A savoir :

7 2

LE SONNET

EN ITALIE ET EN FRANCE

AU XVIème SIECLE

ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE COMPAREE

HUGUES VAGANAY

BIBLIOTHECAIRE

LYON

AU SIEGE DES FACULTES CATHOLIQUES

25, RUE DU PLAT, 25

MDCCCCII

7 3 La préciosité de cet ouvrage était pour moi telle qu’après l’avoir consulté quelque temps à la Bibliothèque Nationale, puis emprunté, plusieurs fois, chaque fois pour un mois, à la Bibliothèque de la Sorbonne

7 3 1 privilège qui m’était accordé comme professeur dans une université de la région parisienne

7 3 1 1 Paris X, Nanterre, ces années-là

7 3 2 privilège que redoublait le droit à aller chercher moi-même dans les rayons

7 3 2 1 j’en ai profité immensément presque quarante années, jusqu’à la fermeture récente de la bibliothèque pour réfection

7 4 et je me suis enfin décidé à en faire l’acquisition.

7 4 1 Vous pouvez aujourd’hui, d’un coup de ‘clic’, le télécharger dans votre ordinateur. « here hangs the tale » ; ainsi va le monde.

7 4 1 1 remarque ‘à suivre’

7 4 2 je viens moi-même de le faire, bien que le livre soit à ma portée

7 5 Et je me suis mis en chasse.

7 6 Pour dépasser la date fatidique butoir de 1600, fixée par Vaganay, j’ai eu recours aux vieux registre de l’Arsenal, et plus tard,

7 6 1 J’ai continué bien au-delà de ma thèse

7 7 A la grande œuvre de Roméo Arbour, son Répertoire Chronologique des Editions de Textes littéraires de ‘L’ère baroque en France’

7 7 1 Il commence en 1580. Il s’arrêtait d’abord en 1628 ; l’auteur a poussé ensuite jusqu’à 1643.

7 7 1 1 Un autre chercheur a ensuite prolongé l’enquête jusqu’à 1789

7 8 J’ai tenté de retrouver et d’analyser toutes les ‘sources’ de sonnets répertoriées par Vaganay.

7 9 Le moteur de sa recherche n’était pas seulement la curiosité bibliographique. Il avait parfaitement compris que l’étude d’une forme poétique suppose qu’on prenne la peine d’examiner un grand nombre d’exemples de cette forme ; idéalement tous ; et en tout cas, le plus grand nombre possible

7 9 1 Il le dit très clairement dans l’introduction d’une recherche du même genre, qu’il commença plus tard mais qui ne dépassa guère les premiers balbutiements, hélas, sur le sonnet du 19ème siècle.

7 10 Négliger cette précaution élémentaire, et conclure sur la foi d’un très petit nombre d’exemples, est une tentation à laquelle, malheureusement, beaucoup de spécialistes succombent ; et cela les amène à des généralisations hasardeuses qu’il n’est pas difficile de démentir, dès qu’on regarde un peu avant, après, autour de leur champ très étroit d’investigation.

7 10 1 Dans le domaine de la poétique comme en mathématiques, la recherche des ‘contre-exemples’ est nécessaire

7 11 J’ai mené la quête des sonnets en collaboration avec Pierre Getzler et le résultat a été publié en 1998 sous le titre

7 12

LE SONNET EN France

Des origines à 1630

Matériaux pour une base de données du sonnet Français

Supplément à Vaganay

7 12 1 complété en 2002 jusqu’à 1800

7 13 La bibliographie, telle qu’elle a été publiée, ne fait, comme celle de Vaganay, qu’indiquer le nombre des sonnets que contient chaque ouvrage répertorié. Pierre Getzler, qui a fourni l’essentiel du travail dans les dernières années avait noté, entre autres données succinctes, pour chaque sonnet

a) Le premier vers

b) la liste des mots-rimes

ce qui permettrait d’étendre

7 13 1 éventuellement modifier sur certains points

7 14 les conclusions de ma thèse

7 14 extraits de l’introduction de cette bibliographie

7 14 2 Les auteurs ont recensé tous les sonnets, dénombrés ou non, qu’ils ont pu voir signalés dans les catalogues de bibliothèques françaises et étrangères, imprimés ou manuscrits, bibliographies diverses, catalogues de livres rares (Graesse), de vente, d’expositions, inventaires des livres imprimés aux XVième, XVIIème siècle (Aureliana), fichiers manuscrits encore largement inédits (imprimeurs parisiens de Renouard) ou recueils de fiches de lectures (Picot), revues savantes et réimpressions diverses (comme celles du C.I.D.O. à Montpellier) … Il est arrivé ainsi qu’ils retrouvent des ouvrages « perdus » ou repèrent des sonnets inaperçus des chercheurs. Il reste beaucoup de catalogues à lire, par exemple celui de la Bibliothèques des Jésuites). Il reste (beaucoup ?) de sonnets ‘dormants’, dans d’autres bibliothèques ; dans des mains privées ; d’où ils ressortent parfois.

7 14 3 Le champ de recherche ne s’est pas limité au rayon littérature – belles-lettres, mais s’est étendu à l’histoire, à la médecine, au droit, aux sciences naturelles, à l’architecture, aux beaux-arts, à la politique, aux mathématiques, aux jeux, à la danse, l’escrime, la musiques etc.

7 14 3 1 Nous avons pu ainsi trouver des sonnets, non disposés en sonnets, sous des portées musicales, parfois madrigalisés

7 14 3 1 1 Séverin Cornet

7 14 4 Cette liste, étant assez étendue, peut présenter quelque intérêt pour les personnes, s’il en est, préoccupées par le sonnet, pas seulement comme forme poétique, mais comme ‘forme de vie’. Un historien du droit sera peut-être intéressé par le sonnet anonyme de Charles Loyseau, auteur, en 1606, d’un Traité du Déguerpissement

7 15 Les notes de travail de Pierre Getzler sont déposées depuis quelques années à la Bibliothèque de l’Arsenal, dans le fond Oulipo, où elles sont accessibles aux chercheurs.

7 15 1 qui n’y accèdent guère, il faut bien dire, pour ne pas dire pas du tout.

§8 Le titre de l’ouvrage de Vaganay annonce qu’il ne contient pas seulement

8 1 Le titre de l’ouvrage de Vaganay annonce qu’il ne contient pas seulement des références aux sonnets de langue française. Il recense aussi des sonnets italiens du 16ème siècle.

8 2 Pouvais-je l’ignorer ?

8 3 Evidemment non.

8 4 Il était clair de toutes façons qu’enquêter sur le sonnet français impliquait une comparaison avec son modèle : le sonnet italien.

8 5 Extrait du chapitre 14 de ma thèse

1 Quand le sonnet apparaît en France au seizième siècle, il a déjà trois siècles d’existence ailleurs. Le seizième siècle, qui voit l’essor explosif du sonnet français, est aussi, sans aucun doute, le siècle le plus productif pour le sonnet italien.

2 Il est donc nécessaire de comparer les deux traditions, de confronter le modèle français de la forme sonnet au modèle italien.

3 Cette comparaison, pour atteindre un degré de pertinence suffisante, supposerait un effort de recherche des sonnets italiens, de description de leurs caractéristiques au moins égal à celui approché ici pour les sonnets français. Je ne peux évidemment pas y prétendre : les sonnets italiens sont encore plus nombreux, et leur accessibilité encore plus médiocre que celles des sonnets français.

3 1 J’ai renoncé très vite, pour des raisons pas seulement financières, à me rendre dans les bibliothèques italiennes. Les rares expériences que j’ai faites m’ont montré que j’y aurai perdu mon temps

3 1 1 Heures d’ouverture maigres et fantaisistes, absences de catalogues, etc.

3 2 Presque tous mes exemples proviennent de la Bibliothèque Nationale, de la Bibliothèque de l’Arsenal, de la Bibliothèque Mazarine, de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, de la Bibliothèque de la Sorbonne, de la British Library, et de quelques bibliothèques municipales de province (France)

3 2 1 La bibliothèque Mazarine offre, outil précieux, un catalogue des livres italiens du 17ème siècle conservés dans les bibliothèques publiques françaises.

3 3 J’ignore dans quelle mesure cela influe sur les résultats obtenus ;

3 3 1 tout en ne voyant pas toujours en quoi le caractère particulier limité de mes sources pourrait avoir des implications formelles

3 3 1 1 sauf dans quelques cas, limités

4 J’ai fait, en dépit des difficultés, un gros effort dans cette direction. Mon enquête a porté sur un peu plus de 60000 sonnets, composés des origines jusqu’à 1630

4 1 c’est à dire, en gros, jusqu’à la mort de Marino,

4 1 1 qui peut être considérée, toutes proportions gardées, comme la fin d’une étape, analogue à celle de Malherbe en France.

5 Ces sonnets, ‘localisés ‘ et dénombrés, représentent vraisemblablement une proportion des sonnets composés nettement moins importante que dans le cas des sonnets du champ principal de mon étude.

5 1 Vaganay évalue leur nombre à cent mille.

6 1 Et ils n’ont pas été interrogés par moi d’une manière aussi poussée que les sonnets du champ français. La comparaison est donc limitée. Mais elle quand même assez éclairante.

7 1 La comparaison porte presque uniquement sur les formules de rimes des tercets. Les quatrains, dans le sonnet italien offrent beaucoup moins de variations.

7 1 1 J’ai ensuite, comme dans le cas français, poursuivi ma recherche sur les sonnets italiens des dix-septième siècle après 1630 et sur quelques livres du dix-huitième.

§9 Vaganay n’était pas parti de rien

9 1 Vaganay n’était pas parti de rien. Il avait utilisé nombre de bibliographies anciennes et, dans plusieurs cas, indiqué que l’ouvrage, censé contenir des sonnets, n’avait pas été consulté par lui parce qu’il avait disparu.

9 2 Arbour en a retrouvé plusieurs

9 2 1 J’ai moi-même trouvé, dans le catalogue de la Bibliothèque Mazarine, un de ces livres, qui a échappé à Arbour : c’est le « Torrent de pleurs funèbres », de Jean Augier (1589)

9 3 Comme on pourrait s’y attendre, plusieurs ont refusé de réapparaître.

9 4 Parmi les réfractaires, les plus exaspérants sont ceux dont Vaganay ou un de ses prédécesseurs signale que le nombre de sonnets qu’enferme leur ouvrage est important.

9 5 Les flammes saintes, de Denis Pourée, Le jardin de poésie de Christophle de Gamon, …

9 6 Et … Le grand ciel empyrée.

9 7 Ni Pourée, ni Gamon n’étaient réapparus après Vaganay. Mais Arbour signalait la présence d’un exemplaire de Kaerlec dans une vente de livres de 1930. Cela donnait un peu d’espoir.

9 8 Cependant je n’ai rien trouvé.

9 9 Le temps passa.

9 10 Vint le temps des ordinateurs ; vint le temps des ‘moteurs de recherche’ ; de Google pour ne pas le nommer.

9 11 Et un jour, il me vint l’idée d’interroger le ‘web’. Plusieurs années, tous les mois environ, je tapais ‘pourée’, ‘gamon’ ou ‘kaerlec’ et quelques autres. Toujours en vain.

9 12 Jusqu’à ce qu’en mars de la présente année, je voie que Kaerlec était descendu de son ‘empyrée’ et avait trouvé refuge dans la bibliothèque de l’Université de Virginie.

9 13 Je fis appel à Anne F Garréta.

9 14 Ainsi s’achève le chapitre zéro.

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par Jacques Roubaud