CE QUE LE DISPARATE NE M’A PAS APPORTE [ce titre se trouve dans le manuscrit]
BANDE IX, face 1
Je ne voudrais pas apparaître comme un bonimenteur qui vend le nouveau remède. J’aimerais montrer que je ne suis ni obsédé ni dupe de mon disparate, mais que je crois que c’est quelque chose de bon. En n’en exagérant pas l’importance, ça fera peut-être mieux comprendre que c’est sérieux.
Ce que le disparate n’a pas changé en moi, c’est un élément de mon caractère : le sang froid. Il y a une espèce de distanciation vis-à-vis de ce qui peut m’arriver de grave. C’est dans mon tempérament naturel, j’ai été fait comme ça, je le suis resté. C’est assez différent d’ailleurs de la nervosité, car je suis aussi nerveux ; je suis nerveux sur le plan des idées, pas sur le plan de l’action. Quand j’étais gosse, si un objet échappait à mes mains, avant qu’il ne soit arrivé par terre j’avais eu le temps de réfléchir à ce qu’il fallait faire, au temps que j’avais pour réfléchir, et de le rattraper. C’est une sorte de sang froid que j’ai toujours eu dans l’action, et qui m’a servi, par exemple, quand j’étais à Dora où il s’agissait de remonter des talus verticaux, avec des chiens autour et une pierre trop grosse sur le dos, etc. Il fallait réfléchir très rapidement et se décider vite. Je pouvais faire cela avec un très grand calme, alors que je voyais autour de moi des camarades perdre leur calme et en mourir. Je crois que le disparate n’a rien changé à cela, j’avais cette espèce d’avantage qui est une chance dans mon système nerveux.
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