Ce Certain disparate n’est pas l’éloge du disparate, ce n’est pas l’éloge du touche-à-tout – qui n’est pas désagréable, mais secondaire. C’est trouver la valeur objective du disparate quand il est organisé et dominé. Je rapporte une expérience sur moi-même. Pour être sûr de sa valeur, il faudrait en constater les effets bénéfiques sur d’autres, or, je n’apporte qu’un seul exemple, je le sais très bien. L’habitude que j’ai de la recherche scientifique fait que je me rends compte que je propose une généralisation sur un cas.
Que peut-on faire ? Peut-être inciter des gens à l’essayer et établir une statistique. Il y a finalement plus d’un cas, je ne suis pas le seul, mais nous formons une minorité secrète et silencieuse. Je sais qu’il y en a eu d’autres, n’ayant pas réussi de la même manière que moi, mais pour les mêmes raisons que moi. Chacun s’est trouvé dans des conditions de vie différentes. Il y a en effet pas mal de cas, que je pourrais même recenser. On peut commencer la statistique sur très peu d’échantillons, un spécialiste a renouvelé la statistique en permettant d’extrapoler sur un très petit nombre de cas, c’est Gosset, un Anglais.
Il vivait à la fin du XIX ème siècle. Il était professeur d’université et signait ses communications : Student. Il n’avait pas le droit de les signer Gosset parce qu’il était en même temps le conseiller de la firme Guiness. A cette époque-là, un professeur d’université ayant en même temps une fonction commerciale était très mal vu. Il y a donc une loi de Student qui permet de tirer des conclusions valables à partir d’un très petit nombre d’échantillons, dans certains cas, sous certaines conditions. On peut même commencer par un seul cas, puis en trouver ensuite quelques autres. On peut aussi retrouver des biographies de gens disparus.
Je crois qu’il faut faire là ce que font les chimistes, ou plutôt les chercheurs, quand ils tombent sur un remède de guérisseur, un remède avec des substances naturelles plus ou moins traitées par le guérisseur. On en fait d’abord l’analyse élémentaire, ensuite, on fait l’analyse chimique du mélange, et quand l’analyse chimique est faite – c’est l’histoire de tous les médicaments que nous prenons – on isole la partie active et on en fait un extrait. Après l’étude chimique de l’extrait, on finit par connaître la molécule, sa structure, on dissèque la molécule, on s’aperçoit qu’il y a des groupes d’atomes qui ne servent pas nécessairement à guérir. Une fois qu’on a écarté les parties inutiles ou nuisibles – ce qui serait à faire dans les drogues dures, on pourrait faire une industrie de drogues délicieuses et inoffensives – on fait la synthèse, puis la synthèse économique, et on lance le médicament.
Je crois que c’est un peu ce qu’il faudrait faire pour l’étude de cet horrible mélange de molécules complexes qu’est mon disparate. Il y a des choses pures mais compliquées, d’autres qui sont plus simples, je ne peux pas en tirer moi-même les conclusions, je me trouve plutôt au niveau du guérisseur, guérisseur sincère qui s’est rendu compte qu’il y a des plantes qui agissent très bien. Je crois que c’est l’une des lignes de l’avenir : voir comment dans l’homme multidimensionnel il y aura à trouver une formule permettant de mieux l’accomplir, et pour lui-même et pour ses rapports avec les autres. Là, c’est Don Quichotte qui parle.
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