Je voudrais revenir à notre discussion sur le troisième secteur. Vous m’avez fait des objections que je me suis faites, que d’autres m’ont faites.
Oui, le troisième secteur est structurable, comme le deuxième ou comme le premier.
Dans l’OULIPO, nous laissons de côté le contenu sémantique, du moins, l’intérêt sémantique et le contenu émotif, pour nous en tenir à la forme. En fait, je crois que dans les trois secteurs il y a des problèmes de structure et des questions de fond. Dans l’OULIPO, j’ai mis volontairement entre parenthèses, parce que c’était mon goût et mon désir, tout ce qui était la qualité de l’œuvre – pas complètement, d’ailleurs. Nous avons bien précisé qu’il s’agissait de faire des structures sans nous soucier du fait que ces structures pourraient donner ou non des œuvres belles. Non pas que nous n’aimions pas les belles œuvres, mais nous avons fait comme l’inventeur de la sonate ou du sonnet. On utilise cette structure comme on veut.
Dans le cas du troisième secteur, c’est le fond qui m’a intéressé. Il serait intéressant de déterminer les structures et de les étudier pour des thèses de doctorat ; il serait intéressant de les manipuler dans la publicité commerciale, par exemple – je ne crois pas qu’on irait jusqu’à les manipuler dans les tatouages ou dans les assiettes décorées. A un moment donné, Violette Naville, très enthousiasmée par le troisième secteur, m’avait proposé d’en faire le contenu de numéros spéciaux d’une revue très structuraliste, mais en en laissant la direction complète et l’interprétation structuraliste à d’autres. Je n’ai pas accepté. J’accepte toutes les interprétations, mais ce n’est pas l’explication qui compte, c’est le plaisir que j’y trouve. Autrement dit, ce que j’aime dans les graffiti, c’est les graffiti ; dans les épitaphes, les épitaphes, etc. et dans la publicité pharmaceutique dont j’ai donné, hélas, une très belle collection à la Gestapo – le côté comique, très souvent.
Par conséquent, j’ai écarté la préoccupation de forme dans le troisième secteur, de fond avec l’OULIPO. Malgré tout, il y a une tendance dans l’OULIPO, que je ne suis pas – forcément, au bout d’un certain temps, une église voit apparaître des dissidents, des schismes – c’est la tendance de mon cher Jacques Roubaud, à ne s’occuper que de la forme. C’est d’ailleurs une tendance méritoire de sa part, parce que ce qu’il écrit a une qualité, vaut beaucoup mieux que la forme pure et simple, c’est un poète. Il a une certaine tendance à ne voir dans l’OULIPO que des exercices purement formels, alors que j’ai tenu, dans les quelques exercices que j’ai donnés – j’en ai donné très peu, ayant une grande constipation de plume – j’ai tenu à ce que mes exemples soient chargés d’une certaine qualité littéraire. Je n’ai trouvé – à part Queneau — qu’un seul écrivain qui ait apprécié l’OULIPO et qui en même temps ait apprécié ma préoccupation, c’est Etiemble. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, mais c’est un excellent ami. Il m’a fait remarquer que les deux petits haïkaï que j’ai fait à l’intersection d’un sonnet de Corneille et d’un sonnet de Brébeuf expriment ma propre sentimentalité, ma position sur la question féminine en quelque sorte, alors que je crois que ça aurait indifféré beaucoup d’autres membres de l’OULIPO.
J’ai donc la préoccupation du fond, dans une certaine mesure. Au fond, je crois que j’ai procédé à deux dérivations partielles : l’une dans laquelle j’ai rendu constant le fond et dérivé la forme, et l’autre, le fond. Mais c’est la différentielle totale qui est évidemment le but.
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