Avant la guerre, j’avais exposé à des amis un projet de réforme de l’enseignement primaire et secondaire. Je proposais de supprimer les disciplines traditionnelles et de les remplacer par des cours de raisonnement, d’émotion, de courage, de gymnastique, d’observation, etc. Je me rendais bien compte que les connaissances n’étaient pas totalement inutiles, ne fût-ce que d’un point de vue pratique – il faut un minimum de mathématiques pour compter, la connaissances des objets est le commencement de la physique, etc. Ces connaissances, je proposais de les répartir le plus habilement possible à l’intérieur de mes classes d’aptitudes. J’arrivais ainsi à une belle utopie ; un enseignement qui faisait aboutir au bon disparate presque dès le début.
Ce sont les écarts entre les différents éléments du disparate et leur intégration dans ma personne et dans ma manière de vivre qui constituent quelque chose comme un polygone de sustentation. Il n’est pas possible d’espérer un disparate qui rassemble tous les éléments existants dans l’humanité, toutes les formes d’activité.
Chacun de nous devrait pouvoir choisir suivant sa vocation, en écoutant sinon ses chromosomes, du moins le retentissement de son environnement social ou naturel sur ses chromosomes. Voilà ce que j’appelle le disparate essentiel et que je sépare de l’encyclopédisme ou de l’érudition d’une part, du dilettantisme d’autre part, choses avec lesquelles je n’aime pas être confondu.
Dans une vie, le disparate joue le rôle d’un joker. Je peux jouer beaucoup plus facilement n’importe quelle carte. Maintenant, c’est fini : physiquement et intellectuellement, je me démolis. Mais pendant longtemps j’ai eu un avantage dans des problèmes tels que l’emploi – perte, sécurité, agrément, etc. Je me suis toujours senti beaucoup plus fort j’ai pris la mesure de cette société et je me suis aperçu que j’étais beaucoup mieux armé, contrairement à ce que pensaient mes parents.
J.M.L.L. Est-ce qu’en proposant votre disparate à un usage généralisé vous ne sciez pas la branche sur laquelle vous êtes assis ? En effet, vous disiez : « si tout le monde pouvait gagner sa vie ainsi…», ce qui est évidemment une impossibilité logique.
F.L.L. Il s’agit de savoir si mes intérêts ne sont pas contradictoires avec ceux de la société.
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