F.L.L. Vous m’avez demandé si en cultivant le disparate je ne sciais pas la branche sur laquelle j’étais assis. Je vous répondrai que si tel était le cas – ce qui n’est pas certain – je l’accepterais. Dans notre société, il est certain que ma formation disparate a été pour moi un très gros atout, imaginons une société où tous les moyens seraient donnés dès le début à chaque individu de cultiver le disparate. C’est dans ce cadre seulement que votre question serait valable.
La réponse dépend de ce qu’est l’Homme. Est-ce que les hommes se précipiteraient les uns sur les autres ? Tout le monde étant disparate, c’est alors le plus armé physiquement qui gagnerait. Ce serait la jungle. Mais je ne sais pas si cette société de disparate n’amènerait pas plutôt à une entente, une espèce d’anarchie volontaire qui fonctionnerait très bien. À supposer que l’hypothèse jungle soit la plus probable, je n’ai pas peur du jeu.
J.M.L.L. La question se situait à un autre niveau et mettait en doute la notion même d’une société du disparate. Pour être disparate, une condition n’est-elle pas que la société elle-même ne soit pas disparate ? Dans la société disparate dont vous parlez, parlerait-on encore du disparate ?
F.L.L. Mon disparate est inégal, il lui manque certains éléments. Il faut espérer qu’ils se trouvent chez d’autres. Ne tombons pas dans une fatuité invraisemblable. Je ne dis pas que je fais très bien n’importe quoi. Ce que je souhaite, c’est qu’en faisant la liste de ce qui est fait par tous – dans cette société idéale – on finisse par avoir de tout.
J.M.L.L. Autrement dit, le disparate comme objectif n’a de sens que si l’on reconnaît la disparité des différents disparates ?
F.L.L. Absolument.
J.M.L.L. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de norme du disparate ?
F.L.L. Je ne la vois pas, J’ai choisi selon mes tendances, selon ma vocation. Il se peut que son disparate soit une expression de ma mentalité et de ma personnalité.
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