Une nuit que j’étais près d’un affreuse Juive, — 1857 (16)

Baudelaire Les fleurs du mal

Une nuit que j’étais près d’un affreuse Juive,
Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu,
Je me pris à songer près de ce corps vendu
A la triste beauté dont mon désir se prive.

Je me représentai sa majesté native,
Son regard de vigueur et de grâces armé,
Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,
Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.

Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps,
Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses
Déroulé le trésor des profondes caresses,

Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort
Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!
Adoucir la splendeur de tes froides prunelles.

Q45 – T30

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