102. Fatrasie, alexandrins

J’avais commencé une autre fatrasie, mais je l’ai jetée sans la terminer. Je l’avais intitulée : Des mots mis hors leurs places enseignons le pouvoir. Cette fatrasie était à l’autre extrémité de la première : Au commencement était le chaos, puis la lumière est séparée des ténèbres, j’avais compris que je n’arriverais pas à créer les animaux, les plantes, etc. et j’y avais renoncé. A l’autre extrémité, le huitième jour en quelque sorte, mon jour à moi, j’avais fait ma fatrasie, à savoir mettre ensemble des mots et des expressions extrêmement écartés les uns des autres, mais pas au point qu’il n’en reste rien, je tâchais d’arriver à faire quelque chose qui soit non-sense au maximum, mais pas complètement écartelé. Après l’avoir jetée, je me suis aperçu que le titre que je m’étais proposé était celui qui convenait le mieux. Il fait allusion, bien sûr à l’autre vers D’un mot mis en sa place enseignons le pouvoir, qui est un alexandrin, c’est-à-dire un vers de douze pieds, divisible par deux, par trois, par quatre, par six. Cette divisibilité est en partie la vertu de l’alexandrin. Mais ici, j’ai treize pieds.

Pendant une grande partie de ma vie, disons pendant cinquante ans, j’ai été fasciné par le vers de treize pieds – que j’appelle plutôt l’alexandrin de treize pieds, parce que son intérêt est lié au fait qu’il n’est pas un alexandrin, à condition que l’on soit sensible au nombre de pieds, comme je le suis énormément, quand on me parle ou quand je parle, je sens très bien s’il s’agit d’alexandrin, de vers de treize pieds ou de quatorze ou de onze – onze est intéressant, mais moins. Je suis très sensible aux longueurs. Pour cette fatrasie, justement, l’alexandrin de treize pieds est une longueur qui met un peu mal à l’aise.

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