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Alphonse Karr dans De loin, de près (1862), fait du ‘Contre Sainte-Beuve), à propos du sonnet :
…..grand homme inédit,
Ne se répète pas, — n’ayant jamais rien dit…
Ah! pardon, j’oubliais quatorze courtes lignes,
Qui l’ont classé parmi les poètes insignes,
En mil huit cent trente-un. C’est creux, ça ne dit rien;
Mais qu’importe, pourvu que cela rime bien?
Rime riche, et rimant au moins par quatre lettres !
Il se plaça lui-même au nombre des grands maîtres ;
Il fit bien mieux : il prit le parti très-prudent
D’être, à la fois, son dieu, son prêtre et son croyant.
On vit donc éclater cette œuvre belle et rare,
En mil huit cent trente-un ; aussi, depuis cela,
L’histoire, selon lui, commence et finit là.
Tout, avant son sonnet, n’est qu’une nuit barbare ;
Et, depuis le sonnet, lasse d’un tel effort,
La nature épuisée, et forcément avare,
Ne produira plus rien, pendant longtemps encor.
Son sonnet, c’est une ère, une époque, une hégyre;
Tout ce que l’on peut faire, et ce qu’on peut écrire
Se date ainsi : c’était cent ans, dix ans, un an,
Soit avant, soit après ce sonnet étonnant,
Qu’on vit paraître un soir, comme en la plaine bleue
On a vu, de nos jours, une comète à queue,
Date chère aux gourmets, date qu’on voit encor
Aux voûtes des caveaux inscrite en lettres d’or.
J’ai ouï dire par l’un de ses amis intimes,
Que l’on a vu l’auteur de ces quatorze rimes
Demander, un peu gris, le soir, au cabaret,
Du vin récolté l’an qu’apparut le sonnet.
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