Archives de catégorie : 13s

Vers de 13 syllabes

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur, — 1928 (3)

Catherine PozziOeuvres poétiques

Epilogue étrange

Il pèse sur tes épaules, il brûle ton cœur,
Il met des trésors d’angoisse dans les jours joyeux,
Il te marque pour toi-même, sceau mystérieux,
– Il te marque pour toi seule: y a pas d’âme soeur.

Il peut enivrer ta vie, sauvage bonheur;
Il t’éblouit, il t’emporte, il ferme tes yeux,
Il te réveille, il te crée, t’emmène loin d’Eux
Et t’offre dans un silence l’éternelle fleur.

Le Meilleur Monde Impossible (Leibniz s’est trompé),
Trop sincère, trop splendide pour une entité,
Qui ne sera qu’en ton âme, ou ne sera pas.

« Tout un monde est lourde chose », songe Atlas-Psyché; –
Mieux vaut nous saigner ensemble d’un p’tit coutelas …  »
Il n’a été qu’en ton âme, mais n’a pas été.

1906 – C.P. note à la suite: « One more sigh’.

Q15 – T7 – 13s

A vous seule qui ne fûtes l’étrange poupée — 1913 (12)

André Breton in ed. Pléiade

A vous seule

A vous seule qui ne fûtes l’étrange poupée
Sœur ai-je dit je pressens que sous vos mains petites,
En précieux chignon ne fuserait la poupée
Tout ce qu’orne l’audace verte des clématites.

Un seau de femme où gèle en bleuissant l’eau pompée
Porte à voir au milieu de salores des stalactites
Un bout de corne pointe ustensile d’épopée
Au front des pauvres moutards de banlieue à otites.

On rapporte la fumée aux losanges de natte
Ainsi le rêve du forain mou je l’enviai
Que ce fut mordre à belles dents la baie incarnate

Ange vous selon mes paradoxes de janvier
Retintes ce long talus qui bée au vent moqueur
Et me pardonnâtes l’équipée à contre-coeur.

Q8 – T23 – 13s

– Lettre à Paul Valéry du 9 janvier 1916:  » Et voici même un  sonnet trop irrégulier. Que ne puis-je me retenir de vous faire part , avec la puérilité que vous condamnez, d’essais toujours malheureux ».
Réponse de P.V.:  » Nous avons lu ces derniers vers que vous m’avez envoyés. Ils font penser que vous êtes dans un état que les physiciens nommeraient critique. Leur brisement, leur art situé entre les types définis, le hasard introduit, voulu, rétracté à chaque instant, assurent que vous touchez un certain point intellectuel de fusion ou d’ébullition, bien connu de moi, quand le Rimbaud, le Mallarmé, inconciliables, se tâtent dans un poète. Début capital, perceptible si clairement dans ce sonnet où le solitaire, le volontaire, le seul soi, mais la rime exacte, la forme fixe, la recherche des contrastes coexistent ».

Le Jardin, le grand jardin se boursoufle de tertres — 1891 (24)

La Conque

Maurice Quillot

La comédie de la mort
à Stéphane Mallarmé

Le Jardin, le grand jardin se boursoufle de tertres
Où pousse des touffes d’adorables chrysanthèmes
Dans les enclos fermés de cadenas et de chaînes!
– Comme si l’on craignait que les âmes se perdent.

On écrit leurs noms sur des Croix dans les herbes vertes:
Et dans l’ombre du soir, les parents vont tout blêmes,
Parce qu’ils ont peur de voir les Morts, hors de leurs gaînes,
S’en venir leur dire avec des bouches trop ouvertes:

 » Que venez vous ici, ridicules trouble-fêtes;
Allez, ce grand calme est bon pour nos pauvres têtes,
Et nos cheveux sont le gazon des lentes charmilles.

Comme les Dieux immortels, nous vivons sans querelles;
Nous disons nos ‘Ave’ sous les petites chapelles
Où sont inscrits nos noms dans les Caveaux des Familles! »

Q15 – T15 – 13s – Rimes approximatives (assonnances).

Ah! vraiment c’est triste, ah! vraiment ça finit trop mal. — 1884 (10)

Paul VerlaineJadis et Naguère

Sonnet boiteux
A Ernest Delahaye

Ah! vraiment c’est triste, ah! vraiment ça finit trop mal.
Il n’est pas permis d’être à ce point infortuné.
Ah! vraiment c’est trop la mort du naïf animal
Qui voit tout son sang couler sous son regard fané.

Londres fume et crie. O quelle ville de la Bible!
Le gaz flambe et nage et les enseignes sont vermeilles.
Et les maisons dans leur ratatinement terrible
Epouvantent comme un sénat de petites vieilles.

Tout l’affreux passé saute, piaule, miaule et glapit
Dans le brouillard rose et jaune et sale des sohos
Avec des indeeds et des all rights et des haôs.

Non vraiment c’est trop un martyre sans espérance,
Non vraiment cela finit trop mal, vraiment c’est triste:
O le feu du ciel sur cette ville de la Bible!

Q59 – cdd efa’– 13s – Ça boite sévérement en effet. Mais quel talent ! Le mot-rime du vers 14 est le même que celui du vers 5. Les tercets ne sont que partiellement rimés. Le premier quatrain est à rimes masculines, le second à rimes féminines. Sans oublier le mètre ‘boiteux’: 13 syllabes.

Jouez, chérubins, vos jours sont exempts de nuage! — 1880 (14)

Narzale Jobert Klimax

XIII
Césure après la 5ème syllabe
A des enfants

Jouez, chérubins, vos jours sont exempts de nuage!
J’aime à contempler vos yeux brillants, pleins de candeur,
Un Dieu vous bénit et vous dispense le bonheur,
Quand dans nos esprits tout soucieux gronde l’orage.

Oh! qui nous rendra les plaisirs naïfs du jeune âge?
Les espoirs dorés qui palpitent dans notre coeur,
Les baisers si doux de notre mère au front rêveur,
Pour nous composant un avenir au frais mirage?

Riez, chérubins; trop tôt le calice de fiel
Viendra remplacer dans vos mains la coupe de miel,
Que l’Illusion, charmante enchanteresse, habite.

On voit tous les ans la fleur au soleil rajeunir,
Verdoyer l’arbre où l’oiseau musicien médite,
Mais notre printemps à nous ne saurait revenir.

Q15 – T14 – 13s (5+8)