Archives de catégorie : 1-fem

sonnets à première rime féminine (Malherbe)

Son con est sans secret, sa vulve est sans mystère — 1998 (3)

Luc Etienne in Nicolas Galaud et Pascal Sigoda – L.C. Ingénieur du langage


Le sonnet d’Arvers … à revers

Son con est sans secret, sa vulve est sans mystère
Mais j’ai pris cette nuit, en un moment, son cul.
Elle était endormie, aussi j’ai dû me taire
Celle à qui je l’ai fait n’en a jamais rien su.

Hélas, j’aurai piné près d’elle inaperçu,
Sans me l’asticoter et pourtant solitaire;
J’aurai planté mon bout dans cette jeune terre,
Et sans rien demander elle aura tout reçu.

En elle, à qui Dieu fit la fesse douce et tendre,
Je suivrai mon chemin, me distrayant d’entendre
Le bruit que dans la glaise on fait à chaque pas.

Au postère de voir ma semence fidèle
Elle dira, vidant son cul tout rempli d’elle:
« Quel est donc ce blanc d’oeuf?  » et ne comprendra pas

Victor Hugo (1802-1885)

Certains critiques s’étonnant non sans raison que le génie immense de l’auteur des ‘Contemplations’ ait pu se couler dans le moule étriqué des bouts rimés, estiment que le premier en date de ces sonnets n’est pas, comme on le croit communément, celui de ce pauvre Arvers, mais celui de Victor Hugo. Le malheureux Félix se serait donc contenté d’émasculer ce superbe et viril poème pour élaborer la falote et trop célèbre réplique.
Quoi qu’il en soit, il faut bien reconnaître au second davantage de pénétration, qualité essentielle quand il s’agit d’atteindre  la … postérité.

Q10 – T15 – arv

Madame je ne puis à ton Soleil descendre — 1997 (5)

Jacques Chessex Douze blasons

La fente

Madame je ne puis à ton Soleil descendre
Sans me représenter ausssitôt ton trépas
Bouche en poudre, poussière aussi de tes appas
De miel, de lait, de belle chair réduite en cendres

Pourtant je vais en toi Madame sans me rendre
Au conseil de la Mort qui me suit pas à pas
Je persiste à fouiller au doucereux repas
Vois de ce deuil promis je ne veux rien apprendre

De quel entêtement je vais à ton repaire!
Un insouciant désir préside à me distraire
Quand je me livre à ton très souhaitable feu

Je me fonds au profond de ta secrète fente
Où manger le Soleil rose parmi la pente
Et divertir la mort à ce funèbre jeu

Q15 – T15

Le R gronde dans l’avenue. — 1996 (6)

Henri Bellaunay Nouvelle anthologie imaginaire de la poésie française


Matinale

Le R gronde dans l’avenue.
Les vendeurs de journaux stridents
Clament La Liberté, L’Intran.
On dit Fantomas revenu.

Sous nos pieds un bourgeois velu
Chante Tosca en se rasant.
Du tiède pilou émergeant
Sa dame choisit sa tenue.

Plus bas, la fille des concierges,
Désolante et blafarde vierge,
S’entête à maltraiter Chopin.

Viens. Vêts ta pure nudité
A Meudon nous irons trouver
Le frais silence du matin.

Q15 – T15 – octo

A bas bruit la très discrète — 1996 (3)

Henri Bellaunay Nouvelle anthologie imaginaire de la poésie française

A bas bruit

A bas bruit la très discrète
mais tenace ronge-temps
verse son sablier lent
au plus creux de tes retraites

De tes pieds jusqu’à la tête
elle mène posément
aux rouges routes du sang
sa fine marche muette.

Elle te va concéder
l’odeur des nèfles mouillés
les soleils et leurs fracas

Et la lourde Automne rousse
jusqu’à l’heure où sa main douce
tranquille t’effacera

(Jacques Roubaud)

Q15 – T15 – 7s

Sous la planche de fer ses jambes semblent moudre — 1995 (10)

Pierre Louÿs Ces fleurs secrètes


Couturière

Sous la planche de fer ses jambes semblent moudre
Elles se croisent, vint, viennent, en haut,en bas,
Et scandent pied à pied, d’un geste faible et las,
Le mouvement rythmé de la machine à coudre.

Mes les cuisses à nu se frôlent hardiment,
Le clitoris s’éveille et s’excite et raidit
C’est encore le désir de baiser qui grandit
La rage d’être jeune et chaude et sans amant.

O joie !  au fottement la vulve s’exaspère :
La masturbation clandestine s’opère ;
Dans l’atelier causeur personne n’en sait rien.

Et l’étau convulsif des cuisses opprimées
Fait jaillir au hasard dans les jupes fermées
Le pâle écoulement du flôt vénérien.

Q63  T15

Je suis tel riche auquel sa clé bénie — 1995 (9)

Daniel & Geneviève Bournet Sonnets de Shakespeare

Sonnet 52

Je suis tel riche auquel sa clé bénie
Ouvre son doux trésor cadenassé,
Qu’à tout moment il ne faut qu’il épie
Pour émousser l’aigu de volupté.

Fêtes sont donc solennelles et rares,
Disséminées en la longueur de l’an,
Comme pierres de prix maigrement parent,
Ou les maîtres joyaux dans leur carcan.

Le temps vous serre ainsi comme ma caisse,
Ou garde-robe où robe est au secret,
Pour faire instant spécial spéciale liesse,

Déployant neuf son orgueil prisonnier.
Bienheureux vous, dont dignité dispense,
Présent, triomphe, ou, absent, espérance.

Q60  T23 – disp quarto sh52  – déca

Le sonnet vient de loin dans sa forme concise — 1993 (15)

André VelterDu Gange à Zanzibar

Remember Henry J-M Levet

Le sonnet vient de loin dans sa forme concise
Qui garde cependant avec l’alexandrin
Une haute rumeur serrée dans un écrin
Comme en un coquillage la houle très précise.

On glissait sur la paume d’une belle princesse
Un doux billet de feu et de désir ardent:
Deux quatrains deux tercets passaient bien sous le gant
Avant de mettre au coeur la langueur qui oppresse.

Mais les jeux de l’amour ont changé de tempo,
Le sonnet ne vaut plus un coup de téléphone
Pour emballer presto une jeune personne …

Le salut a surgi d’un usage nouveau
Qui veut depuis Levet qu’un poète aux escales
Entasse quatorze vers sur des cartes postales.

Q63 – T30 – s sur s

un jour j’eus la révélation de la littérature — 1993 (10)

William CliffAutobiographie

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un jour j’eus la révélation de la littérature
dans le récit que fait Chateaubriand de son enfance
de la terreur qu’il eut devant son père et de sa dure
condition d’enfant à Combourg dont la sinistre ambiance

le soir avec ce père qui n’arrêtait pas de faire
armé d’un bonnet dressé sur sa tête les cent pas
me rappelait celle qui aussi me terrorisa
dans mon enfance avec un père aussi autoritaire

j’appris par ce récit n’être plus tout seul à souffrir
ce fut comme un voile levé sur mon âme sauvage
écrire alors devint pour moi le geste qui relie

tous ceux qui ont senti au fond d’eux-mêmes ces messages
graves que le monde méprise et tourne en dérision
mais dont par la littérature on a la révélation

Q60 – T23 – 14s

il y avait au réfectoire de hautes fenêtres — 1993 (9)

William CliffAutobiographie

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il y avait au réfectoire de hautes fenêtres
d’où l’on voyait de grands sapins s’élever dans le ciel
et le matin quand la lumière gagnait l’atmosphère
ce ciel et ces sapins prenaient des couleurs surréelles

et en hiver quand la neige habillait ces conifères
de brillante blancheur alors la vue était encor
plus surprenante à cause des mauves que la lumière
frappant la neige des sapins nous envoyait alors

nous regardions ces choses solennelles comme si
elles n’étaient qu’un avant-goût des choses que la vie
plus tard nous ferait découvrir sans penser que plus tard

rien d’aussi beau jamais ne viendrait à notre regard
parce que la beauté ne vient pas de la chose même
mais de l’étonnement de l’oeil qui se pose sur elle

Q59 – T13 – 14s

jadis on envoyait les enfants à la mine — 1993 (6)

William CliffAutobiographie

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jadis on envoyait les enfants à la mine
pour trier le charbon certains pays encor
les font travailler dur sinon vendre leur corps
afin d’épargner aux familles la famine

on dit que ces enfants s’estiment plus heureux
à l’idée d’être un peu utiles à leur famille
alors qu’ici on leur répète à qui mieux mieux
combien ils sont à charge et pèsent sur la « vie »

la  » vie » ici n’a rien à faire des enfants
sauf pour orner la saleté publicitaire
« gardez-les dans vos murs » car on n’a pas le temps

de s’encombrer d’enfants pour faire nos affaires
ainsi j’ai senti que l’enfant est un esclave
qui n’a pour tout présent que sa fiente et sa bave

Q62 – T23