Archives de catégorie : banv

J’aime entre tous pays mon Neuflize NATAL, — 1998 (2)

Luc Etienne in Nicolas Galaud et Pascal Sigoda – L.C. Ingénieur du langage

Le conquérant immobile
Bout-rimé. Sujet donné: La paix des champs, sur les rimes des ‘Conquérants » de Heredia

J’aime entre tous pays mon Neuflize NATAL,
Ses maisons aux murs blancs, ni hautes ni HAUTAINES,
Qui n’ont pas vu grandir de fameux CAPITAINES
Et semblent se moquer du noir progrès BRUTAL.

Après avoir peiné pour quelque vil METAL
Je viens me reposer, des villes si LOINTAINES
Dans l’herbe je m’étends. Tout un peuple d’ANTENNES
M’entoure, m’isolant du monde OCCIDENTAL.

Je rêve lentement de voyages EPIQUES,
Orages périlleux, chasses sous les TROPIQUES
Puis retour triomphal, luxe, palais DORE;

J’ai ramené d’or pur trois blanches CARAVELLES,
Non, mais je suis heureux, dans ce monde IGNORE
Et je n’ai pas besoin, moi, d’étoiles NOUVELLES

Q15 – T14 – banv – b.rim

Madame je n’ai pas regret, que de vos seins — 1997 (4)

Jacques Chessex Douze blasons


Les seins

Madame je n’ai pas regret, que de vos seins
Je ne puisse parler sans parler de pelote
Mais pomme direz-vous? l’image serait forte
Et fraise à leur sommet? Quand je n’ai que dessein

De louer leur souplesse à ma paume et le teint
Du double globe et de son fruité à la hotte
Du cou luisant, puis par la pente vers la grotte
Humide à l’autre lait dessous un beau jardin

Je suis vivant Madame et vous vivante aussi
Ces jeux de rhétorique augmentent votre ennui
Mais qu’au double soleil de pourpre purpurine

J’ajoute mon miroir à ce miroir jumeau
A la mort je dérobe un peu de la colline
Où reposer ma tête à ce tiède tombeau

Q15 – T14 – banv

Toute douceur contient une part d’amertume — 1992 (1)

Jacques Réda Nouveau livre des reconnaissances


Au maître

Toute douceur contient une part d’amertume
Et le moindre abandon penche vers un danger.
L’amour seul est parfait mais il est mensonger,
Où chaque instant vêcu semble déjà posthume.

Et c’est à quoi jamais le coeur ne s’accoutume
Faudrait-il pour autant gémir ou s’insurger?
Passer, réglant son pas sur un mètre léger
Entre le ciel trop pur et le sombre bitume.

Tout au fond d’une chambre en été – noir et blanc
Où palpite un rayon fauve – mais  en tremblant
Un peu, tu reconnais parfois dans ta mémoire

L’image d’une femme: elle tire ses bas
Et l’on entend fermer la porte d’une armoire,
Tant (pour la rime aussi) vous parliez bas.

Q15 – T14 – banv

Même quand le silence aura bu mon passage — 1988 (6)

Michel Vaillant in Dictionnaire de poétique et rhétorique (4ème ed.)


Couronne de sonnet : sonnet maître

Même quand le silence aura bu mon passage
Immolé sur la borne obscure du chemin,
Ce nom qui, sans écho, n’aurait plus rien d’humain,
Houle incertaine qui s’éloigne du rivage

Et que remportent les ténèbres sans partage,
Laisse qu’il chante encore au creux chaud de ta main,
Vaine, vaine rumeur de croire que Demain
A la conque fragile a livré son message.

Innombrable mensonge, un jour et puis un jour !
La terre s’épaissit et s’engraisse d’amour,
Le monde s’engloutit d’entasser la lumière.

Amer laurier l’espoir de penser que mes cris
Nocturnes retournés au repos de la pierre,
T’aideront à descendre au silence où je suis.

Q15  – T14  – banv – acrostiche

Quando en vesper blanc s’extourbit lougarou — 1986 (4)

René BellettoLoin de Lyon – XLVII sonnets –


XLVII

Quando en vesper blanc s’extourbit lougarou
Et dravant tout sbubu in vivo castrati
Barjaque parlamor nonobstant qui est qui
Anscrut les stachichi au su des roudoudous,

Quando maliss (tendo limass) il vi dermou
S’éruminentérut au verso des étri
Au persu des foutrons sevré de mal en pis
Et ris noir aïe jailli tout prurit et rectou,

Alor alor, pastan hors les basoubasax
(Mais par un trou carré esquintant tous les axes),
Rinlaidron touboubou kif kif kes amours fussent

Dénérénélés déjà éternels par l’art
Sans loup, effaçons ma chérie hors papyrus
De lapins et moutons à jamais le départ

Q15 – T14 – banv

Un brave homme de bègue, assez cu-cultivé, — 1984 (2)

Boris Vian Cent sonnets


Simple histoire de bègue

Un brave homme de bègue, assez cu-cultivé,
Vivait de son ja-jardinet plein de fleurettes,
Plein de ca-calme et de repos, de violettes
Et de pi-pissenlits. Rien ne fut arrivé

S’il n’eût été go-goberger au pied levé
Sa cousine Julie, fille fort coqué-quette,
L’emmené-ner aux champs, pour faire la dînette,
Sur son baudet qui ruait sur les pa-pavés.

Mais dans les roseau-seaux, Pan vint se promener.
En le voyant-y-ant, l’âne brait. Etonné:
– Pan-Pan! fait notre bègue et le dieu tombe mort.

Le pauvre devint fou. Fou plus que lui n’y a.
Tous les matins dans sa cami-misole il sort,
Donner un biberon à ses bé-bégonias …

Q15 – T14 – Ces sonnets ont été composés vers 1944. On admirera la manière dont l’hendécasyllabe devint alexandrin

Voilà cent ans, cher Soulary, tu croyais juste — 1984 (1)

Boris Vian Cent sonnets

Ma Muse

Voilà cent ans, cher Soulary, tu croyais juste
De ceindre de maint busc le corps souple et charmant
De ta Muse, et contraire à l’ordinaire amant
Voulais pour ta maîtresse un appareil vétuste.

Si la femme féconde à la grâce robuste
Vit souvent de sa chair le mol affaissement
Si la distension de tous ses ligaments
Fit pendre son nombril et s’écrouler son buste,

Ce siècle est révolu. L’oisiveté cruelle
N’entraîne plus la mort de la beauté des belles
Nos jours ont retrouvé le secret du printemps.

Notre Egérie pratique aussi la gymnastique
Et le massage sait lui rendre en peu de temps
Son ventre plat, sa ligne et ses seins élastiques.

Q15 – T14 -banv

Un corps noir tranchant un flamant au vol bas — 1969 (5)

Georges PerecLa disparition

d’un compagnon d’Oulipo

La disparition

Un corps noir tranchant un flamant au vol bas
un bruit fuit au sol (qu’avant son parcours lourd
dorait un son crissant au grain d’air) il court
portant son sang plus loin son charbon qui bat

Si nul n’allait briller sur lui pas à pas
dur cil aujour’d’hui plomb au fil du bras gourd
Si tombait nu grillon dans l’hors vu au sourd
mouvant bâillon du gris hasard sans compas

l’alpha signal inconstant du vrai diffus
qui saurait (saisissant (un doux soir confus
ainsi on croit voir un pont à son galop)

un non qu’à ton stylo tu donnas brûlant)
qu’ici on dit (par un trait manquant plus clos)
l’art toujours su du chant-combat (noir pour blanc)

Q15 – T14 – 11 s – Lipogramme en ‘e’

Hors paradis terrestre, en fleur d’or animé, — 1964 (1)

Emile Roumer Rosaire (couronne de sonnets)

sonnet liminaire
Immaculée conception

Hors paradis terrestre, en fleur d’or animé,
Eve entre flore ingrat, caverne l’ours pour asile,
Flancs déchirés par enfantement main inhabile
A repousser la mort et serpent endiamé*

Lors Isaïe té dit, parole enflammé
Le Christ oun vierge t’a fe l’, cé fond même l’Evangile
De Pi à Jean XXIII – Min san t’a pi facile
Soti lan jardin clos ou lun tombeau fermé ?

La Genèse pas t’ manqué prédi gloire deuxième Eve
Et toute chrétiene connin la Vierge, à la relève
T’a crasé tête serpent pour trahison passé.

Lan salut genre humain Bon Dieu prend, bien suprême
Choisit ac dilection rameau tige a Jessé
Pour que fleur donnin fruit et rété fleur quand même !

Q15  T14  – banv – métrique irr.

Le liège, le titane et le sel aujourd’hui — 1962 (4)

Raymond Queneau – in Jacques Bens – OU LI PO (1960-1963)


Poème isovocalique

Le liège, le titane et le sel aujourd’hui
Vont-ils nous repiquer avec un bout d’aine ivre
Ce mac pur outillé que tente sous le givre
Le cancanant gravier des coqs qui n’ont pas fui

Un singe d’ocre loi me soutient que c’est lui
Satirique puis qui sans versoir se délivre
Pour n’avoir pas planté la lésion où vivre
Quand du puéril pivert a retenti l’ennui

Tout ce porc tatouera cette grande agonie
Par l’escale intimée au poireau qui le nie
Mais non l’odeur du corps où le cuivre est pris

Grand pôle qu’à ce pieu son dur ébat  assigne
Il cintre, o cytise, un bonze droit de mépris
Que met parmi le style obnubilé le Cygne.

Q15 – T14  tr. de Mallarmé