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L’homme pleure, il se tord comme un ver. Ses pensers — 1876 (15)

Emile Goudeau in La République des Lettres

Les astres

L’homme pleure, il se tord comme un ver. Ses pensers
Soufflent sur ses amours l’horreur des vents glacés,
Et poussent loin de lui ses rêves trépassés,
Feuilles mortes avec ses vœux inexaucés.

Tandis qu’au fond des cieux, au fond de l’altitude
Des cieux ! les astres blancs et froids, sans lassiude
A force d’être loin au sein de la nuit rude,
Garderont, au-dessus des maux, leur quiétude.

Telles les femmes, Sphinx aux fronts mystérieux,
Immobiles, ouvrant de grands yeux sérieux,
Voient mourir à leurs pieds les jeunes et les vieux !

Oh ! ne pouvoir monter ! monter ! Non : les pilastres
Célestes ont croulé sous les anciens désastres …
Maudits ! soyez maudits, inapaisables astres !

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Mozart et Rossini vont me donner l’andante. — 1864 (2)

Arsène Houssaye Les cent et un sonnets


LXXX –
Les Italiens

Mozart et Rossini vont me donner l’andante.
Ceux qui ne savent pas la langue du vieux Dante
Aiment ce beau théâtre où chante Mercadante,
Où Verdi tout de feu jette son âme ardente.

Ces dilettantes sont pareils au sacristain
Qui n’a jamais compris une messe en latin.
C’est qu’ici-bas tout est plus beau dans le lointain,
Je ne voudrais pas lire au livre du Destin.

Les femmes, mes amis, sont comme ce théâtre,
Car moins on les comprend, plus on les idolâtre,
Aspasie ou Laïs, Hélène ou Cléopâtre.

Que faut-il à Paris dans les soirs nébuleux?
Yeux noirs et cheveux blonds, cheveux noirs et yeux bleus,
Quand la Patti nous chante un air miraculeux.

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O soleil, vieux soleil, voyageur solitaire, — 1853 (2)

Evariste Boulay-PatySonnets

Au Soleil

O soleil, vieux soleil, voyageur solitaire,
Qu’en poudroyant la nue entoure avec mystère,
Du haut du firmament que vois-tu sur la terre?
Que vois-tu, dis-le moi, Soleil, pourquoi te taire?

– Homme je vois d’ici Tyr, Ninive, Sidon,
Babylone, pour qui le temps fut sans pardon,
Squelettes de cités, grand os dans l’abandon,
Que rougit le désert, que verdit le chardon.

Homme, je n’aperçois que races écoulées
Ou peuples vieillissants, que villes écroulées
Ou murailles déjà sur leur base ébranlée.

Je ne vois, sur le sol de ton vaste univers,
Que morts d’hier, ou bien mourants promis au vers,
Que des tombeaux fermés ou des tombeaux ouverts.

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Ils vont criant partout, blêmes, la larme à l’oeil: — 1846 (3)

Philothée o’ Neddy (Théophile Dondey)   – Livres de sonnets

La vraie noblesse

Ils vont criant partout, blêmes, la larme à l’oeil:
 » Toute aristocratie est morte… hélas! quel deuil!  »
Mes maîtres, jugez mieux. La vôtre est au cercueil;
Mais la nôtre est debout, pleine d’un saint orgueil.

La nôtre, entendez-vous, sur votre blason fruste
Elle a posé le pied. C’est la noblesse auguste
Du penseur, du poëte, au coeur simple et robuste,
Cherchant le vrai, le beau, n’adorant que le juste.

Notre aristocratie, à nous, verra le jour,
La raison, notre reine, a pour tenir sa cour
Trois astres: l’Equité, la Liberté, l’Amour.

Oui, sachez-le, bourgeois, financiers, diplomates!
Les nobles, maintenant, les vrais aristocrates,
Les vrais patriciens – ce sont les démocrates!

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