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Ma maison est yssue de cet païs de llanes, — 1938 (1)

Ch. Nismes – Un poète inconnu du 16ème: Les sonnets guerriers et galants de Corbeyran de Gabarret.

« Au printemps de 1938, ayant affaire dans une métairie à quinze cent mètres de la route qui va de Monteshus à Cancon et Monflanquin, en Lot-et-Garonne, je trouvai à cette maison l’aspect d’une gentil-hommière délabrée, qui lui donnait deux vieux ormeaux, un pigeonnier croulant et les restes d’une garenne;
le propriétaire me dit qu’en achetant cette demeure, son père y avait trouvé des papiers très mal écrits et très vieux, des actes notariés, pensait-il.
Ayant demandé à les voir je tombai, à ma grande surprise sur des vers pittoresques et complètement inconnus paraissant remonter à la seconde moitié du 16ème siècle.
Tous les archivistes savent que les écritures de cette époque sont encore plus difficiles à lire que celles des siècles antérieurs. Par bonheur, l’écriture de ce fragment de manuscrit était grosse et assez peu fioriturée. Mais beaucoup de pages avaient été arrachées. Les autres étaient salies, maculées, rongées par les souris. J’ai rétabli à grand peine 22 sonnets. On voudra bien m’excuser si mes interpolations ont pu manquer parfois d’adresse, car il y a des années que le temps m’a manqué pour relire les poètes du 16ème siècle.
Je ne sais rien de Corbeyran de Gabarret, sire de Magnoac, et sans les deux premiers sonnets, j’ignorerais même son nom. Ce cadet de Gascogne, officier subalterne de ‘piquiers piétons’, parait avoir servi de longues années sans beaucoup d’avancement. ….
Il ne se gêne pas pour prendre, à l’occasion, quelques libertés avec les règles strictes de cette forme poétique, quoique d’autres sonnets soient tout à fait réguliers, et même élégants.

Origines

Ma maison est yssue de cet païs de llanes,
Ne en bled, ne en vins fertile. Lanusquets,
On nous dénomme ainsy dans le duché d’Albret,
Riche de pins, sans pain aultre que de millanes;

Ou chasteignes. Tenions castel en Gabarret.
Il advint qu’il nous fust confisqué par arrest
De Parlement. Depuys je hays toutz cets infasmes
Gens de robbes, qui vont desrobbant corps et asmes.

Et pour moy, je suys né, ce jourd’huy soixante ans
En un autre païs verdoyant de Gascoigne.
Droict vers les baronies en tyrant sus Hespaigne.

Bon terroir qui produict des chevaulx excellens,
Fruicts et grains. Populeux; nulle espouse brehaigne.
A pour nom Magnoac, aux ruysseaus murmurans.

Q18 – T28  – Rien que le traitement de la rime montre que ce sonnet n’a pas pu être composé au seizième siècle

Je dansais avec vous, vous qu’en tremblant je nomme; — 1855 (8)

Jules Marchesseau Les croyances

Sonnet à mlle Cécile de ***

Je dansais avec vous, vous qu’en tremblant je nomme;
Vous me disiez: ‘ J’ai vu R*** aujourd’hui. »
Et, si de trop d’éclat vos yeux bleus n’avaient lui,
Je vous eusse conté le propos d’un grand homme:

– Un jour qu’en Ibérie il allait, plein d’ennui,
César, voyant un bourg pauvre et laid devant lui,
Dit à ses compagnons: « J’aimerais mieux, en somme,
Etre ici le premier que le second à Rome. »

– De César et de vous les titres sont égaux,
Car génie et beauté portent un diadème:
Cécile aux blanches dents, penseriez-vous de même?

Vous plairait-il aussi régner sur nos hameaux
Plutôt que?  – Mais, hélas!, pour être au rang suprême,
Vous n’avez pas besoin d’abandonner Bordeaux

Q18 – T28