Archives de catégorie : alal

Q8 – T14

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples — 1989 (5)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Xavier Bordes

Après la fin

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples
Où je fus quelquefois reçu par des amis
J’entends encor la grille du jardin qui racle,
En grinçant sur ses gonds, le gravier endormi.

On déjeunait dehors pour jouïr du spectacle:
Les gens déambulaient, gros comme des fourmis
Sur le port et les yeux ne rencontraient d’obstacle
Qu’au sud, là où fumait le volcan insoumis…

Sur la terrasse rose avec ses cyprès noirs
En contemplant la baie unique par les soirs
D’été napolitain d’une touffeur d’étuve

J’imaginais l’horreur qui saisit le pays
Quand un matin parmi les vignes du Vésuve
Le feu pétrifia Pompeï.

Q8 – T14  – 2m: octo: v.14

Je crois être le seul – ne me détrompe pas! – — 1982 (1)

Luc EstangCorps à coeur

Blason, VIII

Je crois être le seul – ne me détrompe pas! –
à connaître de toi cette plage érogène
douce à l’égal du plus soyeux de tes appas
où l’enfance blottit sa tendresse et ses peines

où les amants fougueux suspendent leurs ébats:
sous ma lèvre au repos je sens battre ta veine
tiède et je m’alanguis comme un poisson béat
sur le sable à fleur d’eau, poche à laitance pleine.

Que je t’aime d’aimer les baisers dans le cou!
C’est là que j’ai, faux innocent, élu le goût
de femme dont ta chair m’offre la quintessence.

Sur le seuil du château dont me manquaient les clés
Je me suis découvert une étrange puissance
qui eût fait bander l’arc surhumain d’Héraclès.

Q8 – T14 –

Leur onyx? — 1973 (8)

OulipoLa Littérature potentielle

Raymond Queneau

8
La redondance chez Phane Armé

4
Leur onyx?
lampadophore!
Le Phénix?
amphore!

Nul ptyx
sonore
au Styx
s’honore.

Un or,
décor
contre une nixe,

Encor
se fixe:
septuor!

Q8 – T14 – m.irr – vers très courts – obtenu par ‘réduction aux sections rimantes’ à partir d’un sonnet de Mallarmé

Les barrages rompus, l’esprit combla l’espace — 1946 (4)

André Rolland de Rèneville La nuit l’esprit

L’heure en dehors du temps

Les barrages rompus, l’esprit combla l’espace
Et disparut en tant qu’esprit, – comme une mer,
Après avoir crevé l’horizon qui l’enlace,
S’oublierait comme plat et comblerait l’éther.

Il gonfla dans le noir une sphère de glace
Dont le creux monument rougissait de l’éclair
Qu’à sa mort le soleil, pris dans la carapace,
Lançait en noircissant comme un boulet de fer.

Tout rentrait dans la bouche effroyable du maître.
La dernière forêt retrouvait son ancêtre
Dans le centre terrestre ouvert jusqu’au charbon.

La chevelure et l’eau, les membres et les branches
Tournaient comme une pâte à nourrir le Dieu bon:
Moi – puisque c’était moi, ce mangeur d’avalanches.

Q8 – T14

Réglés en hâte au bruit des pas de la mémoire — 1946 (2)

Pierre Emmanuel Tristesse ô ma patrie

Couvre-feu

Réglés en  hâte au bruit des pas de la mémoire
ils s’étaient égarés sur leurs traces d’hier,
Le couvre-feu tombé soudain sur leur histoire,
Leur nuit sans un radeau se peupla d’icebergs

Serrés, feutrant leurs voix, n’osant tâter le noir
(crainte d’y rencontrer le froid d’un revolver)
se fussent-ils plaqués au mur, de désespoir,
un quartier d’ombre eût basculé le ventre en l’air

Sitôt cette patrouille au large évanouie,
une autre résonnait dans leur cœur. Sous la pluie
les bottes arrachant au pavé leurs ventouses

laissaient le sol retomber flasque sur ses morts.
– Ouïr à vif toute une éternité jalouse
croître puis s’éloigner la ronde des remords!

Q8 – T14

Pourquoi t’aimerais-je — 1945 (7)

Paul Valéry Corona & Coronilla (Ed. De Fallois, 2008)
Sonnets à Jean Voilier

Chanson trop vive

Pourquoi t’aimerais-je
Si tu n’étais celle
Avec qui s’abrège
L’heure universelle ?

Etrange manège !
Tout l’amour ruisselle,
Pris au tendre piège
Qui nous ensorcelle…

O le bel éclair
Entre chair et chair
Qu’échangent les cœurs !

Et quels vrais trésors
D’extrêmes liqueurs
Confondent les corps ! …

Q8  T14  5s  qu.fem-t.masc

Je vis chaste dans le bosquet de mon roman, — 1944 (8)

Henri Thomas Signe de vie

La vie ensemble

Je vis chaste dans le bosquet de mon roman,
la plus grande aventure est de ne pas bouger,
l’hostie de glace sur la langue qui ne ment
fond, vivante fraîcheur, ruisseau de mots légers.

User les jours … mais le massif est transparent!
l’œil immobile voit le domaine étranger,
les gisements d’horreur, le plaisir fulgurant,
les êtres endormis dans l’immense rocher

qui pèse et cependant vole comme un nuage,
muet, mais rayonnant des éclairs du langage,
insensible, et docile aux raisons de la terre,

il tombe feuille morte et renaît feuille verte,
on le blesse, mais c’est le jour qui nous éclaire,
on le tue, et sa joie nous est toujours offerte.

Q8 – T14

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde. — 1934 (6)

– Benjamin Fondane L’exode in Le mal des fantômes (ed.1996)

La chair a beau crier: l’Angoisse est lourde.
Et l’Ange a beau gémir : il est lié.
Qui suis-je ? en quelles paumes oublié ?
Mer repliée au cœur de la palourde.

Es-tu ici prière ? o grande sourde !
Je crie. Le monde me revient crié.
Rien ! rien que ce sanglot du temps nié
Où pèse des soleils la masse sourde.

Pas même seul. Des tas ! des tas de SEULS !
Ont elles droit, si maigres, aux linceuls,
Ces pures ombres que l’histoire traque ?

Puisse-t-il être ton moyeu, sommeil,
Ce centre où Dieu rayonne le Zodiaque !

…. Ô terres du futur ! puissants orteils ! ….

Q15  T14  déca – disp: 4+4+3+2+1

Ce siècle est sans foi et je ne crois guère — 1930 (1)

Léon VeraneLe livre des passe-temps

Aveu

Ce siècle est sans foi et je ne crois guère
Au banquet promis prendre un jour ma part
Levant, à la fois, la lyre et le verre,
Parmi les élus auprès de Ronsard.

Errant de demain comme de naguère,
C’est assez, pour moi que le boulevard
Mène entre les haies de ses réverbères
Vers un tabouret au comptoir d’un bar.

Je n’appelle pas le Règne et le Trône,
Et tout couvre-chef m’est une couronne,
Satisfait d’avoir au fil des mes jours,

Bu d’un même cœur le vin et l’absinthe,
Et d’avoir conçu d’obscures amours,
Au long des trottoirs pour des filles peintes.

Q8 – T14 – tara

Logos, éons et séfirots; — 1927 (4)

Charles-Adolphe Cantacuzène Identités versicolores

Sonnet
à J.B

Logos, éons et séfirots;
Alexandrins, Gnose et Cabale;
Triangles et pouvoirs des mots;
Souffle d’évocation pâle.

L’Ether d’éternité, les flots,
Le feu, la terre sidérale;
Et vous, reflets dans les cristaux,
Lumière, immortalité mâle.

Tout cela nous n’en parlions pas
Du temps que nous croisions nos pas,
Chez toi, cher, ou dans les ruelles.

Et cependant le Pimander,
La Baghavat-Gita, Dieu! Quelles
Perles sur le Boulevard Vert.

Q8 – T14 – octo