Archives de catégorie : shmall-bis

L’oiseau passera dans un poème formel — 1990 (1)

Alain AnseeuwL’ombre est en toute phrase, le soleil tout autant

L’oiseau passera dans un poème formel
Rien ne passe de l’intelligence des roses
Que les mots de guerre lasse en l’éveil des choses
Ou bien le drap froissé sur le pré immortel
Ici le paysage est partout dans l’été
La comète est tombée au jardin d’Adonis
Qu’une phrase interrompt le creux à l’agonie
Avance lentement sa voix dans la clarté
De l’encre Avant la fin du jour la neige ou l’eau
Auront éparpillé les ailes de l’oiseau
Sur la table qui saigne je mesure le coeur
Et les roses avec toi écrasées de bonheur.
Il faut mettre des mots sur le désir qui bouge
Et des comme et comment en tenant bien sa langue.

abbacddceffegg=sh* – m.irr – sns —

Le jour, quand il finit, ne finit rien que lui, — 1966 (4)

Roland Dubillard Je dirai que je suis tombé

Le jour, quand il finit

Le jour, quand il finit, ne finit rien que lui,
que lui le jour – ou plutôt: Mon jour, ou plutôt
ce qui me revenait du jour, ce qu’il me faut
de jour pour accepter mon retour à la nuit;

ma part de jour selon mon appétit, selon
mon souffle; ou ce qu’il faut au jour, ou ce que veut
de moi le jour à chaque regard de mes yeux,
puisque mon cercle tourne et que les jours s’en vont.

Rien n’est fini de moi quand le soleil s’en va.
Rien n’est fini de lui quand la nuit tombe et ferme
sa porte entre nous deux comme un double épiderme.
Rien. cette nuit n’est rien que le soleil sans moi.

Aussi, pour que jamais quelque  chose finisse,
Hors du jour et de moi je dois chercher mes fils.

Shmall*

Tant d’esprits doux parmi la lassitude nés — 1908 (3)

André Fontainas Le jardin des îles claires – La nef désemparée

La Paresse

Pour une eau-forte en couleur de H. Detouche

Tant d’esprits doux parmi la lassitude nés
Pour des yeux demi-clos s’écoulent comme un fleuve;
L’immobile et la multiple volupté neuve
Se disperse en miroitements inopinés.

Accorde à du songe ton beau front pur. Eprise
De mieux qu’elle, que veut la Vie et tout son bruit
Ravir à ton extase sereine où ne luit
Qu’un clair soleil jailli du regard qu’il irise?

Si la spirale couve un sommeil morne et lent,
Ta pensée a tissé, comme un fil l’araignée,
Le manteau d’oubli lourd dont tu sais, résignée,
Tristement dorloter l’effroi d’un hiver blanc

Jusqu’au printemps nouveau dont la verdeur redresse
Même la tige de tes rêves, ô Paresse!

Q63  T30 disp du précédent shmall*

En l’église, où ne s’allume — 1908 (2)

André Fontainas Le jardin des îles claires – La nef désemparée

Pour Stéphane Mallarmé

HOMMAGE

En l’église, où ne s’allume
Qu’une étoile taciturne,
Le myrrhe fade de l’urne
Et, sous l’angoissante brume,

Surgit du sol qu’elle évite:
Tel, secret et pur, s’élève
Vers le Ciel perdu le rêve
D’un sacrilège lévite.

Joie et désir de mon songe
Epris d’air lointain et d’astres
Mon orgueil fuit maints désastres
Pour des nuits où se prolonge

Le rayon d’extase vers
Le bel azur de vos vers!

Q63  T30 – 7s – disp du précédent : shmall*

De toi seul fils et l’aïeul — 1908 (1)

André Fontainas Le jardin des îles claires – La nef désemparée

A O.G.D.

De toi seul fils et l’aïeul
Naît aux portiques du rêve
Le guerrier de qui le glaive
Soit le simple et clair glaïeul.

En ses doigts tige qu’isole
D’un geste las son dédain
Il t’a prise à quel jardin
De Spolète ou de Fiesole,

Pour, ce héros puéril
Surgi d’un lointain de l’âme,
Abdiquer la fleur de flamme
Aux futurs pourpris d’avril

Où des roses seront fières
D’être des roses-trémières.

Q63  T30 – 7s – shmall* : Disposition semblable à celle de Mallarmé (‘schmall’), mais en quatrains à rimes embrassées

Musiques ombreuses vertes— 1899 (6)

Léopold DauphinCouleur du temps

Pour Stéphane Mallarmé
1 – septembre 1898

Musiques ombreuses vertes
Pour imiter les fontaines
Que tes flutes si lointaines
Par leurs trous au soir ouvertes

Ou quel allegro touchant
Tes blés dorent maints et blonds
Claires trilles de violons
Quand exulte le couchant

Mais où les toits des fumées
Les fiancent à l’étoile
S’arpégeant avec le voile
Long de harpes embrumées.

Pleurs! le Rêve en ses décors
Clame une plainte de cors.

shmall* – 7s

L’innocence était, de ton âme, 1897 (2)

Léopold DauphinRaisins bleus et gris

A Paul Verlaine
8 janvier 1896

L’innocence était, de ton âme,
Et la mystérieuse voix
Si vierge et perverse à la fois,
Et l’amer parfumé dictame!

Nos espoirs pleurent superflus;
Cette voix tant câline et tendre,
Qu’au ciel aimé tu viens de rendre,
Nous ne l’entendrons jamais plus!

Ni le jet d’eau à la fontaine,
Ni fluides les clairs ruisseaux,
Ni la brise dans les roseaux
Ne la donneront si lointaine.

Et nous restons inconsolés,
Nous, de ses musiques ailées.

shmall* – octo

D’abord vivre, dit-on, et puis philosopher ; — 1892 (9)

Henri Michel in La syrinx

Sonnets liminaires, I
(La pensée.)

D’abord vivre, dit-on, et puis philosopher ;
Mais comment vivre sans juger ce qu’est la vie ?
Toujours quelque maxime en secret est suivie
Et sa raison native on ne peut l’étouffer.

En vain voudrait-on voir sous sa haute fenêtre,
Comme un rêve, passer la vie à l’horizon ;
Véridique ou menteuse, au cœur de la raison,
Une pressante voix nous impose un Doit Etre.

Même pour s’abstenir il faut avoir choisi,
Et c’est choisir encor que suivre une coutume.
Le glorieux calice au parfum d’amertume
Brille et tremble aux mortelles mains qui l’ont saisi.

Les jours entre mes doigts coulent comme du sable ;
Il est temps de vider la coupe inéluctable.

Q63  T30 = shmall* disp 4+4+4+2