Archives de catégorie : Q57 – aabb a’b’b’a’

L’attente aux pieds plats, aux orteils vastes — 1951 (1)

Armen Lubin Sainte patience

Nougats et fumées

L’attente aux pieds plats, aux orteils vastes
L’attente au bord de la route bêtement chaste,
L’attente aux oreilles diaphanes devant ces terres pelées
Que le temps ne débite pas, n’ayant pas su les morceler.

Nul signe de vie, aucune visite, rien de rien!
Ma cigarette qui fume dans la direction bleutée
Prouve que le ciel cède toujours d’un seul côté
Il cède du côté des rêves anciens.

Ah! que l’affaire des chevau-légers vienne sur le tapis.
Que l’affaire des roues de rechange vienne sur le tapis,
Et celle des barreaux de prison devenus nougats,

Sous l’action chaleureuse d’un feu de joie,
Qui n’est plus que le désir incandescent du prisonnier,
Le surplus de temps se déverse dans mon cendrier.

Q57 – T13 – m.irr

Un petit livre ouvert dont je cherche l’abord — 1949 (4)

Pierre-Jean JouveDiadème

Rêve du livre

Un petit livre ouvert dont je cherche l’abord
Est-il à le manger un abîme discord
Un livre avec du feu dans les plis et les lettres
Humides de sang rouge et comme veine ouverte

Où réconciliés sont amour et son manque
Et Dieu! et les baisers du pli et l’épuisante
Ascèse qui mélancolique bat la grève
De mourir et les cheveux langoureux et les lèvres

Le livre (est-ce le pli dévoré) s’ouvrira
Sur le massacre des amants par le poème
Et j’aurai toujours lu sa lettre avec fracas

Le livre de la chair et de Dieu abolis
En leur amour orgasme et seul esprit béni
L’unité d’un seul don dans les cuisses de femme.

Q57 – T25  (le vers 8 a 13 syllabes)

Les forteresses des Karpathes — 1924 (3)

Georges LimbourSoleils bas

Faux château

Les forteresses des Karpathes
étaient de grands châteaux de pâte.
les princesses y étaient de spectres oppressées
mais qui étaient là-haut la ronde de nos pensées.

A cause d’un Seigneur aux épais favoris
nous rêvions la beauté fragile et sans patrie
et cette voix bourrue d’un bourreau podestat
fit cette mélodie qui tout bas nous hanta.

mais les Karpathes étaient courbes comme faucille
et dans la nuit leur ombre lentement s’avançait
pour faucher dans la plaine barrée de longs fossés

nos cœurs qui avaient osé
contempler presque à leur hauteur ses forts branlants
par le regard oblique de leurs maints cerfs-volants

Q57 – xccc  dd – m. irr

Des dons du ciel ce beau pays comblé, — 1863 (4)

Antonio Zingaro Sonnets et autres rimes

Lucerne

Des dons du ciel ce beau pays comblé,
N’est, après tout, qu’un grand hôtel meublé!
Que Dieu nous garde, ô rêveurs, de Lucerne!
Le lac est bleu, mais la ville est bien terne.

Le Schweizerhof est peu corinthien,
Malgré son porche et sa grecque ordonnance,
Et c’est en vain que l’Hof de La Balance,
Veut se donner un air vénitien.

Les ponts, flanqués de peintures d’auberge,
Ont des Holbein couleur de jus d’asperge;
Mais dans le bourg, où l’on boit du gros vin,

L’Art a pourtant posé son pied divin,
Et Thorwaldsen a taillé dans la roche,
Un fier Lion, sans peur et sans reproche.

Q57 – T13 – déca

Que souvent, aux rayons de tes prunelles noires, — 1839 (9)

Marceline Desbordes-Valmore

A la voix de mademoiselle Mars

Que souvent, aux rayons de tes prunelles noires,
Au bruit de ton nom pur et de tes pures gloires,
Aux magiques pâleurs dont se voilent parfois
Le bonheur sur ton front et le ciel dans ta voix,

J’ai dit de cette voix où l’age se devine,
De ce souffle pudique, et des saintes amours,
Qu’on écoute une fois pour l’entendre toujours,
Que l’on sent se mouiller d’une larme divine!

Ta voix a des parfums, des formes, des couleurs;
Parles-tu d’une fleur, dès que tu l’as nommée,
De ta bouche entr’ouverte elle sort embaumée.

Souffres-tu de l’amour les brûlantes douleurs?
Cette voix dans nos sens verse des étincelles.
Parles-tu d’un oiseau? Tes accents ont des ailes.

Q57 – T30

Un des très rares sonnets de cet auteur . quatrains à quatre rimes, disposition très rare: aabb  a’b’b’a’