Archives de catégorie : Q08 – abab abab

Je zuiz le ténébreux, le veuf l’inconzolé — 1997 (6)

Oulipo La Bibliothèque Oulipienne –  vol IV

El Dezdichado, ou S/Z

Je zuiz le ténébreux, le veuf l’inconzolé
Le prinze l’Aquitaine à la tour abolie
Ma zeule étoile est morte, et mon luth conztellé
Porte le zoleil noir de la mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, toi qui m’az conzolé,
Rendz –moi le Pauzilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaizait tant à mon coeur dézolé,
Et la treille où le Pampre à la vigne z’allie.

Zuiz-je Amour ou Phoebuz? … Luzignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baizer de la Reine;
J’ai rêvé dans la grotte où nage la Zyrène…

Et j’ai troiz foiz vainqueur traverzé  l’Achéron:
Modulant tour à tour zur la lyre d’Orphée
Les zoupirz de la Zainte et les criz de la Fée.

Q8 – T30

l’hiver nous eûmes froid et les hivers étaient très longs — 1993 (8)

William CliffAutobiographie

31

l’hiver nous eûmes froid et les hivers étaient très longs
je me souviens d’un hiver où la Meuse fut gelée
on pouvait la passer avec des chariots et même on
fit un feu au milieu pour rire de sa destinée

et nos bâtiments mal chauffés nous donnaient des frissons
nous aimions rentrer dans nos lits à la fin des journées
nous y mettre en chiens de fusils et trembler avant qu’on
sente enfin le lit rechauffer nos chairs frigorifiées

alors tels des noyés nous entrions au fleuve-sommeil
longtemps la nuit si longue et noire de l’hiver ce fleuve
nous traînait dans son lit pour nous soumettre à des épreuves

dont nous perdions tout souvenir au moment du réveil
quand le matin nous poussait en ouvrant ses glauques voiles
vers un évier dont l’eau glacée nous mordait jusqu’aux moelles

Q8 – T30 – 14s

La pie a marqué la neige, craché l’orange. — 1992 (3)

Robert Marteau Liturgie

(La Pie, par Claude Monet)

La pie a marqué la neige, craché l’orange.
Sur son barreau de robinier, elle se tient
Parmi les pommiers noirs. Une lumière étrange,
Comme lampe en la mer qui palpite et retient
Sa flamme, jette au jour un léger corail, frange
Déchirée enclose en sa nacre qui contient
Et répand l’orient rose et gris sur la grange
Adossée au ciel dont la cendre n’appartient
Au feu expiré de nul autre combustible
Que l’hiver viride du lierre et du gui
Qu’on écrase du doigt en gel incomestible
Sauf pour l’oiseau peut-être et le dieu déchu qui
N’ose s’approcher des seuils, rôde, incompatible
Avec la braise, en aucun lieu n’ayant d’abri

Q08 – T20 – sns

Patiente luit séculaire —1991 (3)

Claude- Michel Cluny Oeuvre Poétique, I

L’olivier

Patiente luit séculaire
l’huile de lente clarté
Sa pluie-cendre et lumière
Est l’ombre de l’olivier.

Paix blonde à l’âme sévère
aiguise ma vérité
Epuise mon encre amère
profonde et pure à moitié.

Le temps me marqua, olivier
tors comme toi mais peu sage
sauf parfois en amitié.

L’encre éclairera ma page
(la nuit l’est par ton feuillage)
songe bref d’avoir été.

Q8 – T21 – 7s

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples — 1989 (5)

coll. –  Sonnets (ed. Alin Anseeuw)

Xavier Bordes

Après la fin

Je sais une villa sur les hauteurs de Naples
Où je fus quelquefois reçu par des amis
J’entends encor la grille du jardin qui racle,
En grinçant sur ses gonds, le gravier endormi.

On déjeunait dehors pour jouïr du spectacle:
Les gens déambulaient, gros comme des fourmis
Sur le port et les yeux ne rencontraient d’obstacle
Qu’au sud, là où fumait le volcan insoumis…

Sur la terrasse rose avec ses cyprès noirs
En contemplant la baie unique par les soirs
D’été napolitain d’une touffeur d’étuve

J’imaginais l’horreur qui saisit le pays
Quand un matin parmi les vignes du Vésuve
Le feu pétrifia Pompeï.

Q8 – T14  – 2m: octo: v.14

L’ombre d’un micocoulier — 1987 (5)

Jean Grosjean La reine de Saba

L’ombre d’un micocoulier
S’est couchée sur le chemin.
J’entends les grillons crier
Dans l’air tremblant du matin.

Le chemin va par les près
Comme vont les orphelins,
L’ombre se met à tourner
Sans presque bouger les mains.

Bien que l’horizon m’invite
A marcher à l’aventure,
Je reste avec ta brochure,

Je m’endors sous le feuillage
Sans avoir tourné la page
Et ta durée me visite.

Q8 – T35 – 7s

Je crois être le seul – ne me détrompe pas! – — 1982 (1)

Luc EstangCorps à coeur

Blason, VIII

Je crois être le seul – ne me détrompe pas! –
à connaître de toi cette plage érogène
douce à l’égal du plus soyeux de tes appas
où l’enfance blottit sa tendresse et ses peines

où les amants fougueux suspendent leurs ébats:
sous ma lèvre au repos je sens battre ta veine
tiède et je m’alanguis comme un poisson béat
sur le sable à fleur d’eau, poche à laitance pleine.

Que je t’aime d’aimer les baisers dans le cou!
C’est là que j’ai, faux innocent, élu le goût
de femme dont ta chair m’offre la quintessence.

Sur le seuil du château dont me manquaient les clés
Je me suis découvert une étrange puissance
qui eût fait bander l’arc surhumain d’Héraclès.

Q8 – T14 –

Une erratique ruine aspire la semence — 1981 (2)

OulipoAtlas de Littérature potentielle

Claude Berge

14=15 – Sonnet loydien
à Raymond Queneau

Une erratique ruine aspire la semence
Lorsque pour nous distraire y plantions nos tréteaux;
La méduse gonflée s’épuise avec conscience
Dans le fond du bourbier où fermentent les mots …

Quand la vierge solaire au goût plein d’arrogance
Extrait le thalamus du vieux Jivaro beau,
L’Amérique du Sud sombre dans la licence
Alors que nous lions de piètres bigorneaux.

Que sa langue câline apporte ici l’émoi
Enfin papille tendre attise l’équivoque
Que mande l’envieux mâle et barbote le phoque!

Quand tu lis ce sonnet ne crois pas que c’est toi,
Bois et te baffre à Rio ploie ta taille élastique ….
Le nombre de ces vers devient problématique

Une papille tendre attise l’équivoque
Lorsque pour nous distraire y barbote le phoque!
La méduse gonflée s’épuise avec toi.

Dans le fond à Rio ploie ta taille élastique …
Quand la vierge solaire au goût problématique
Extrait le thalamus du vieux Jivaro beau

L’erratique ruine aspire la semence
Alors que nous lions plantions nos tréteaux;
Que sa langue câline apporte conscience

Enfin du bourbier où fermentent les mots …
Que mande l’envieux mâle et plein d’arrogance
Quand tu lis ce sonnet ne crois pas que c’est beau.

Amérique du Sud sombre dans la licence
Bois et te baffre de piètres bigorneaux.
Le nombre de ces vers devient ici l’émoi.

Q8 – T30

Je n’ose dire, — 1973 (9)

OulipoLa Littérature potentielle

Latis Essais de la méthode du T.S Queneau sur quelques-uns de ses sonnets


Qui cause? Quidose? Qui ose?

Je n’ose dire,
Pas osé.
Le dire
Je n’oserai.

Dire
Réduirait.
Produire
Produirait.

Si je l’ose,
Courte pause,
Le quatrain,

Qui cause,
Qui ose
Une fin.

Q8 – T6 – obtenu par ‘réduction aux sections rimantes’ à partir d’un sonnet de Raymond Queneau

Leur onyx? — 1973 (8)

OulipoLa Littérature potentielle

Raymond Queneau

8
La redondance chez Phane Armé

4
Leur onyx?
lampadophore!
Le Phénix?
amphore!

Nul ptyx
sonore
au Styx
s’honore.

Un or,
décor
contre une nixe,

Encor
se fixe:
septuor!

Q8 – T14 – m.irr – vers très courts – obtenu par ‘réduction aux sections rimantes’ à partir d’un sonnet de Mallarmé