Archives de catégorie : rons

Q15 – T15

Madame je ne puis à ton Soleil descendre — 1997 (5)

Jacques Chessex Douze blasons

La fente

Madame je ne puis à ton Soleil descendre
Sans me représenter ausssitôt ton trépas
Bouche en poudre, poussière aussi de tes appas
De miel, de lait, de belle chair réduite en cendres

Pourtant je vais en toi Madame sans me rendre
Au conseil de la Mort qui me suit pas à pas
Je persiste à fouiller au doucereux repas
Vois de ce deuil promis je ne veux rien apprendre

De quel entêtement je vais à ton repaire!
Un insouciant désir préside à me distraire
Quand je me livre à ton très souhaitable feu

Je me fonds au profond de ta secrète fente
Où manger le Soleil rose parmi la pente
Et divertir la mort à ce funèbre jeu

Q15 – T15

Le R gronde dans l’avenue. — 1996 (6)

Henri Bellaunay Nouvelle anthologie imaginaire de la poésie française


Matinale

Le R gronde dans l’avenue.
Les vendeurs de journaux stridents
Clament La Liberté, L’Intran.
On dit Fantomas revenu.

Sous nos pieds un bourgeois velu
Chante Tosca en se rasant.
Du tiède pilou émergeant
Sa dame choisit sa tenue.

Plus bas, la fille des concierges,
Désolante et blafarde vierge,
S’entête à maltraiter Chopin.

Viens. Vêts ta pure nudité
A Meudon nous irons trouver
Le frais silence du matin.

Q15 – T15 – octo

A bas bruit la très discrète — 1996 (3)

Henri Bellaunay Nouvelle anthologie imaginaire de la poésie française

A bas bruit

A bas bruit la très discrète
mais tenace ronge-temps
verse son sablier lent
au plus creux de tes retraites

De tes pieds jusqu’à la tête
elle mène posément
aux rouges routes du sang
sa fine marche muette.

Elle te va concéder
l’odeur des nèfles mouillés
les soleils et leurs fracas

Et la lourde Automne rousse
jusqu’à l’heure où sa main douce
tranquille t’effacera

(Jacques Roubaud)

Q15 – T15 – 7s

je m’excuse beaucoup d’écrire ces sonnets — 1993 (12)

William CliffAutobiographie

75

je m’excuse beaucoup d’écrire ces sonnets
sans rimes richissimes car les riches rimes
conduisent à donner beaucoup de coups de lime
lesquels font le sonnet sonner comme un poney

chargé d’idiots grelots dont on ne reconnaît
que trop qu’ils ont cent fois passé dans la machine
je m’excuse d’écrire ces sonnets l’abîme
au-dessus duquel j’étais suspendu
tonnait

comme le ventre d’un tambour et donc pour rompre
l’assourdissement de ce ventre rempli d ‘ombre
je décidai d’aller en suivant pas à pas

la danse propre à cette forme assez ancienne
afin peut-être qu’un peu de soleil me vienne
éclairer la mouvance où s’emmêlait mon pas

Q15 – T15 –   s sur s

L’aube sur le cratère allume un reflet d’or. — 1992 (7)

Henri Bellaunay Petite anthologie imaginaire de la poésie française

Les romains de la décadence

L’aube sur le cratère allume un reflet d’or.
La nuit en s’enfuyant a foudroyé l’orgie.
Le délectable loir, l’huître de Batavie,
Sur la pourpre de Tyr se confondent aux corps.

Aux cassollettes, seuls, s’exaspèrent encor,
Les parfums énervants de la perverse Asie.
Où reluit du plaisr la stridente furie
Tombe un silence épais qui ressemble à la mort.

La Vestale, ravie à sa grave retraite,
Pleure inlassablement sa pureté défaite
Sur la dalle où le stupre a souillé le Carrare.

Ils gisent, engloutis dans un glauque sommeil,
Et ne peuvent pas voir, offusquant le soleil,
L’ombre démesurée et noire du Barbare.

(José-Maria de Heredia)

T15 – Q15

Qu’à son plaisir mon œil te considère — 1988 (7)

Bernard Manciet (trad) André du Pré Sonnets gascons

X

Qu’à son plaisir mon œil te considère
Il fait de toi toute sorte de fleur
La fraîche rose en sa belle couleur
C’est ton menton, ton col, ta main légère

Qu’avec des lis candides il tempère.
Sur ton front naît le souci de pudeur
Dedans tes yeux violette se meurt
Et giroflée aux lèvres fait enchère.

De fleurs sont faits et la joue et le nez.
Oreille et sein carmin vous soutenez.
Mais ce doux voir est tout ce qu’on me laisse.

Et tout ainsi qu’au ciel, quand serai mort
Dieu regarder sera mon réconfort
Sur cette terre est te voir ma liesse.

Q15 T15 tr

Deux quatrains, deux tercets, jamais plus, jamais moins. — 1952 (2)

Jean-Victor Pellerin Les aveux – LXIV sonnets –

L

Deux quatrains, deux tercets, jamais plus, jamais moins.
– D’aucuns alors de me traiter de maniaque,
D’autres d’aller jeter ce volume au cloaque,
Tous de prendre l’Olympe et Pégase à témoin!

Certains même, au grand cœur, de pleurer dans un coin,
Craignant que l’âpre tâche à laquelle je vaque
Ne m’épuise assez vite et qu’hélas je ne claque
Plus tôt que décemment il n’en serait besoin.

Allez, trop bons amis, bannissez toute crainte:
J’obéis dans la douleur aux sévères contraintes
Qu’impose à ses tenants la forme du sonnet.

Et point n’ai-je regret de me couvrir de honte
En osant rendre hommage à la muse d’Oronte,
– Et si je m’en repens, ce n’est qu’un tantinet.

Q15 – T15 – s sur s

Innover à tout prix, sans trêve, à chaque instant, — 1952 (1)

Jean-Victor Pellerin Les aveux – LXIV sonnets –


III

Innover à tout prix, sans trêve, à chaque instant,
Bousculer la métrique ainsi que la grammaire,
Condamner le durable au nom de l’éphémère,
C’est là suivre une mode – et c’est perdre son temps.

A quoi bon s’encombrer d’un nouvel instrument
Quand celui sur lequel ont excellé nos pères
N’attend que notre amour et notre savoir-faire
Pour vibrer de nouveau mélodieusement?

Le vieil alexandrin à la stricte césure
Peut aussi bien chanter que tel vers sans mesure
L’angoisse et la douleur des hommes d’aujourd’hui;

A nous de l’accorder au ton de nos poèmes,
A nous de l’inspirer, à nous d’être nous-mêmes
Et de l’aimer assez pour nous fier à lui.

Q15 – T15 fières paroles, mais fait rimer le singulier avec le pluriel ce qui aurait sans aucun doute horrifié ‘nos pères’

Pour ne pas être seul durant l’éternité — 1947 (9)

Jules Supervielle Oublieuse mémoire


Sonnet
à Pilar

Pour ne pas être seul durant l’éternité
Je cherche au près de toi future compagnie
Pour quand, larmes aux yeux, nous jouerons à la vie
Et voudrons y loger notre fidélité.

Pour ne plus aspirer à l’hiver et l’été,
Ni mourir à nouveau de tant de nostalgie,
Il faut dès à présent labourer l’autre vie,
Y pousser nos grands bœufs enclins à s’arrêter,

Voir comment l’on pourrait remplacer les amis,
La France, le soleil, les enfants et les fruits,
Et se faire un beau jour d’une nuit coriace,

Regarder sans regard et toucher sans les doigts,
Se parler sans avoir de paroles ni voix,
Immobiles, changer un petit peu de place.

Q15 – T15

De l’autre côté de la rue — 1948 (1)

Roger VitracPoèmes délirants


Sonnet paresseux

De l’autre côté de la rue
Dans la fenêtre illuminée
L’ombre d’une femme accoudée
Projette une grande ombre nue,

Sur le trottoir où je t’ai vue
Et combien de fois désirée
Quand tu passais ensoleillée
Sous une ombrelle disparue

Dans l’arbre flambant dans le soir
Comme un lustre dans ton miroir
Penche sur ta tête attentive

Sous la lune en tes yeux doublée
Comment saurais-je Inconsolée
De quel désir tu es captive

Q15 – T15 -octo