Archives de catégorie : Permutation de Strophes

Un mot, un seul (lequel ?) et nous trouverons — 1984 (3)

Yves di Manno Champs

Problème du roman

Un mot, un seul (lequel ?) et nous trouverons
Quel sentier obliquement y mène : la décou
Verte. Un mot n’aurions- nous cure et s’agis-

Ssant du sens, il sera dit que nous nous oc-
Cupons : à quelle fin la fin importe-t-elle ?
Si le modèle (pour ici le sonnet, copié à l’en-

Vers) à lui seul en décide – ne le savons :
Savons qu’un orme frêle se courbe sous le
Vent – que le son se suffit à lui-même et
Qu’étymologiquement mourir nous ennuie.

J’ai répit, j’ai repos, devant le bassin
Terne : enfant j’y lançais mon navire, sou-
Cieux de sa voile : enfant, j’étais perdu
Adulte le demeure sans changer ma demeure.

bl  – m.irr.- s. rev —

La nuit était ancienne — 1971 (3)

René CharLe nu perdu

Déshérence

La nuit était ancienne
Quand le feu s’entrouvrit.
Ainsi de ma maison.

On ne tue point la rose
Dans les guerres du ciel.
On exile une lyre.

Mon chagrin persistant,
D’un nuage de neige
Obtient un lac de sang.
Cruauté aime vivre.

O source qui mentis
A nos destins jumeaux,
J’élèverai du loup
Ce seul portrait pensif!

s.rev – bl – 6s

Sur le trottoir fleurant la cuisse et le cigare — 1928 (4)

Gustave Le Rouge Verlainiens et décadents

Le Diseur de caveaux

Sur le trottoir fleurant la cuisse et le cigare
De ce café noté du flic en cent bagarres,
Le Diseur grave, tel un juge en sa cimarre

Baîlle et s’explame en des faux cols très inédits.
Il savoure, couvé par les yeux ébaubis
Des garçons de café propices aux crédits,

Le respect des beautés autour de lui rangées.
Or l’absinthe, dont sa fringale s’est gorgée,
S’est habilement jusqu’à très tard prolongée.
Mais une inquiétude abrège les gorgées.

Car l’heure approche où va s’empiler aux caveaux,
Le peuple familier des michés et des veaux.
Ivre du bock promis et sûr des longs bravos,
Il s’encourt déclamer son ode au vieux chameau.

s.rev: ddd ccc bbbb aaaa –  » un peu à la manière de Laurent Tailhade « .

Parmi les brumes des lointains — 1922 (1)

Jean RichepinLes glas

Sonnet boustrophédon

Parmi les brumes des lointains
Vient de refleurir une flore
Multiforme et multicolore,
Aux tons naissants, peut-être éteints.

En sons d’angélus argentins
Est-ce que l’on chante, ou s’éplore?
Est-ce cette âme près d’éclore,
Celle des soirs ou des matins?

La nuit fonce et le jour éclaire
Ce doux instant crépusculaire
Qui n’est pas la nuit, ni le jour,

Et dont la splendeur vague et brève
Est pourtant l’éternel séjour
Où se plaît le mieux notre rêve;

Au papillon de notre rêve
Nul jardin n’est un bon séjour
Que celui dont la rose est brève.

Il faut à son amour d’un jour
La lumière crépusculaire
Douce, et qui pas trop n’éclaire. ?

Sinon, les flèches des matins
Le percent quand il vient d’éclore,
Et son glas dans nos cœurs s’éplore
En rosée aux pleurs argentins;

Car voici qu’à nos yeux éteints
Meurt son essor multicolore
Tandis que se fane la flore
Fleurie aux brumes des lointains.

Q15 – T14 + s.rev: ede dcc abba abba – octo – Palindromique par les rimes (et parfois le vers entier) – banv

Le chemin est facile et doux, la marche lente, — 1921 (17)

Emile Faguet Chansons d’un passant

Sonnet renversé

Le chemin est facile et doux, la marche lente,
L’œil va des champs pleins d’ombre au soleil éclatant,
Et rien ne presse encor l’allure nonchalante
Du voyageur timide au regard innocent.

Puis, c’est une colline âpre mais verte encore ;
L’horizon plus voisin s’échauffe et se colore,
On marche plus ardent vers un but souhaité ;

Plus loin, c’est la montagne abrupte ; les broussailles
A nos pieds fatigués font de rudes entailles ;
Le souffle est court, le col tendu, le pas heurté.

Le mont s’abaisse enfin : le long de l’autre pente,
Pesamment, le front lourd et courbé, l’on descend,
Et, las de soutenir sa course chancelante,
Le voyageur dans l’ombre éternelle s’étend.

QTTQ

Le grésil frileux hérisse les mousses — 1920 (16)

Joséphin Soulary sonnets

Intus et in cute*

Le grésil frileux hérisse les mousses
Où je vous cueillais, rêve et muguet blanc.
L’âpre vent du nord, des mêmes secousses,
Bat l’âme oppressée et l’arbre tremblant !

Es-tu l’agonie, angoisse indicible ?
Es-tu le tombeau, nature insensible ?
Es-tu ‘l’oubli morne, horizon de fer ?

– Ne crois pas au sol enchaîné de glace,
Ne crois pas au cœur mort à la surface :
L’éternel printemps couve sous l’hiver.

Dans le fond du sol ses haleines douces
Font germer le chêne au giron du gland :
Dans le fond du cœur son souffle indolent
D’un nouvel amour fait poindre les pousses.

Q9  T15  tara  QTTQ

* « intérieurement et sous la peau. » (citation de Perse, satire III, v.30)

Sur le lac où glissait le cygne au blanc plumage — 1906 (5)

Pierre Plessis in La Sylphide

Nuit

Sur le lac où glissait le cygne au blanc plumage
Le jour lent à mourir jetait ses dernier feux,
Et l’eau claire mirait la lumière des cieux
Entre le nénuphar et le trainant herbage.

Le soir était venu répandant ses senteurs,
Tout auréolé d’or, de calme, de splendeur,
Il avait peu à peu partout tendu ses voiles.

Un dernier chant d’oiseau vibrait sous les grands arbres.
Les arbres se teintaient de rougeurs de coraux,
Une brume montait légère sur les eaux,
Effleurant, en passant , la sculpture des marbres !

Dans le feuillage noir rôdait l’oiseau de nuit ;
Et le cygne d’argent et l’insecte qui luit
Se miraient dans le lac sous des clartés d’étoiles

Q1 (abba) + T1 (ccd) + Q2 (a’b’b’a’) + T2 (eed)

Les quatre rois, les quatre dames, les varlets, — 1903 (8)

André Tudesq

Les cartes

Les quatre rois, les quatre dames, les varlets,
Aux quatre coins de cœurs, de rèfles et de piques,
Sur les tables de jeux mêlent – seigneurs épiques –
Leurs rouges vifs, leurs bleus, leurs ors, leurs violets.

Les pages, glorieux héros de Table Ronde,
Lahire, Lancelot, Hector, tous roitelets,
Sont des Mignons qu’Amour a blessés de sa fronde.

Les Rois, tenant leur sceptre entre leurs gantelets
Et les glaives d’argent pointus comme des piques,
Portent couronne au chef et rêvent, olympiques,
Aux Dames de leurs cœurs et de leurs virelais.

Elles, également, ont des yeux bleus d’aronde,
Mais seule, méprisant les rois et leurs couplets,
Pallas parle à son lys écarlate et le gronde.

Q1 (abba) +T1 (cdc) +Q2 (abba) +T2 (cdc)

Dans l’église où jadis, en pieux appareil — 1898 (12)

Paul Reboux Les iris noirs

Vitrail

Dans l’église où jadis, en pieux appareil
Inclinant son beau front qu’effleura l’eau bénite,
Elle s’agenouillait et, son oraison dite,
De Monseigneur Jésus invoquait le conseil.

La haute châtelaine est encore présente,
Car, maints jointes, dormant de l’éternel sommeil,
Le granit du tombeau nous la montre gisante.

Elle est morte, pourtant, lorsqu’un rai de soleil
Traverse les rideaux et se glisse vers elle,
Son doigt semble étoilé d’une gemme nouvelle,
Son manteau resplendit comme un brocart vermeil,

Un reflet d’améthyste anima la paupière
Et l’on voit refleurir – miraculeux réveil –
Un sourire écarlate à sa lèvre de pierre.

abba cdc ab’b’a ede, y=x: d=a – Avec cette notation de la formule de rimes, le poème est un candidat à la rigueur acceptable pour une disposition Q1 T1 Q2 T2 (qui pourrait être également Q1 T2 Q2 T1).

Je te croyais, mon cœur, aux chocs plus résistant ! — 1895 (18)

Alexis Chavanne Murmures

Vains remparts

Je te croyais, mon cœur, aux chocs plus résistant !
D’un triple airain j’avais cuirassé de bonne heure
Ton épiderme trop subtil, que rien n’effleure
Sans y laisser empreint un strigmate irritant.

Voilà qu’en se jouant une flèche furtive
A transpercé soudain bouclier et chair vive !
Que l’œil noir d’une femme est un habile archer !

En tes veines circule une subite ivresse :
Le dard qui l’apporta, tu ne veux l’arracher.
C’est avec volupté que l’angoisse t’oppresse.

Cependant la coquette au regard séduisant,
Dont l’image obstinée en tes veines demeure,
Sur d’autres, comme toi victimes de ce leurre,
Au hasard & d’instinct s’exerce en s’amusant !

QTTQ