Archives de catégorie : T33 – cdd ddc

Comme la vieille aïeule au plus fort de son âge 1912 (6)

Charles PéguyLa Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc
Quatrième jour
Pour le lundi 6 janvier 1913
Jour des Rois
Cinq cent unième anniversaire
De la naissance de Jeanne d’Arc

IV

Comme la vieille aïeule au plus fort de son âge
Se réjouit de voir le tendre nourrisson,
L’enfant à la mamelle et le dernier besson
Recommencer la vie ainsi qu’un héritage;

Elle en fait par avance un très grand personnage,
Le plus hardi faucheur au temps de la moisson,
Le plus hardi chanteur au temps de la chanson
Qu’on aura jamais vu dans cet humble village:

Telle la vieille sainte éternellement sage
Connut ce que serait l’honneur de sa maison
Quand elle vit venir habillée en garçon,

Bien prise en sa cuirasse et droite sur l’arçon,
Priant sur le pommeau de son estramaçon,
Après neuf cent vingt ans la fille au dur corsage;

Et qu’elle vit monter de dessus l’horizon,
Souple sur le cheval et le caparaçon,
La plus grande beauté de tout son parentage.

Q15 – T33 + ddc – y=x (c=a & d=b) – 17 vers (trois tercets), sur deux rimes

Les cheveux bruns ou blonds en boucles sur le front, — 1890 (17)

Ernest Raynaud Les cornes du faune

Pastels

VII

Les cheveux bruns ou blonds en boucles sur le front,
Et la joue en couleur un peu, d’enfant de choeur;
Près des dressoirs où rit l’arc-en-ciel des liqueurs,
C’est tout splendeur! Le joli coeur de leur plastron!

Ils jonglent avec les verres de leurs doigts souples,
Et les soucoupes qu’ils enlèvent – à leur front
Découpent , folle, une auréole et quels vols prompts
Sur le sol blond, des escarpins aux vernis souples!

D’un siège à l’autre ils vont! Et les tabliers blancs
– Leurs plats d’étain aux mains c’est si vite qu’ils passent! –
Décrivent une parabole dans l’espace,

Cependant qu’au comptoir, Irma trône, de glace!
Dans les cristaux, dans les ruolz* et dans les glaces
Etincelant du feu tremblant des globes blancs,

Q52 – T33 *(TLF) Alliage à base de cuivre, argenté ou doré par galvanoplastie, utilisé en orfèvrerie

Pas à pas au désert, j’ai poursuivi ta trace; — 1858 (2)

Antoine-Auguste GéninSimple bouquet

LX

Pas à pas au désert, j’ai poursuivi ta trace;
Les roses et les lys m’ont rappelé ta grâce:
Leur parfum m’enivrait moins que ton souvenir,
Et dans tous leurs attraits j’aimais à te bénir.

L’oiseau dans ses chansons revient m’entretenir
De ta voix, de ton nom qu’il a su retenir;
C’est ton souffle inspiré, recueilli dans l’espace,
Que verse sur mon front l’Aquilon quand il passe.

Ainsi, je vais partout, vous conservant ma foi,
Tenant en mon esprit votre pensée éclose,
Vous cherchant, vous trouvant au fond de chaque chose.

Mais vous, vers les sommets où l’idéal repose,
Vers ces vallons sacrés qu’une eau plus pure arrose,
Lorsque vous reviendrez, penserez-vous à moi?

Q6 – T33

J’aime un château gothique aux tourelles croulantes, 1842 (9)

Henri-Victor Drouaillet La guitare

A mon ami Ernest Vériot

J’aime un château gothique aux tourelles croulantes,
Où le lichen étend ses livides rameaux;
J’aime à rêver, le soir, sous les sombres arceaux,
A promener mes pas sur les dalles sonnantes.

Ces murs, jadis témoins de scènes palpitantes,
Ces blasons mutilés, ces restes de tombeaux,
Et ces pans de remparts s’écroulaient en lambeaux,
Tout parle, tout instruit dans ces ruines vivantes.

A l’endroit où flottait l’étendard redouté
Sur la tour où veillait le damoiseau fidèle,
Le sinistre corbeau se tient en sentinelle,

Et sur le front bruni de cette citadelle
Qui fit trembler le serf et le vassal rebelle,
Le burin de notre âge a gravé: Liberté!

Q15 – T33