Archives de catégorie : Q48 – abba ba’a’b

Je sais que le plaisir d’amour est éphémère, 1905 (13)

Marius Boisson Sonnets épars

XII – Aux femmes
L’extraction des ovaires est une opération fort à la mode

Je sais que le plaisir d’amour est éphémère,
Et le spasme divin  ne dure qu’un moment…
Ce fragile bonheur fait d’étourdissement,
Ne devrait pas donner la douleur d’être mère.

Pour un baiser menteur, pour un frémissement
Vous ne devriez pas souffrir toute une vie,
Votre beauté devrait n’être pas asservie,
Vous ne devriez pas crier atrocement.

Mais, femmes, avant tout, vous êtes nos femelles
Réceptacles sacrés, vos ventres, vos mammelles,
Autant que pour l’amour sont faits pour nos enfants.

Et pour gravir les doux et terribles calvaires
De vos maternités … ô ventres triomphants,
O femmes, nos amours, conservez vos ovaires.

Q48  T14

Lyon n’a point vu fuir la poésie : — 1879 (22)

Alfred Aubert Caprices et boutades
Trois sonnets à Pierre Dupont


I

Lyon n’a point vu fuir la poésie :
Pour sa noble muse en fidèle amant
Joseph Soulary taille un diamant,
Chef-d’oeuvre de style et de fantaisie.

Louisa Siefert, écrivain charmant,
Nous a dévoilé le cœur de la femme :
Doux rayons perdus, blessure de l’âme,
N’était-ce pas là l’éternel roman ?

Laprade, ébloui des clartés divines,
S’en va, que le jour rayonne ou décline,
Promener son rêve au sommet des monts,
Mais c’est ta chanson surtout qui reflète

L’esprit populaire et que nous aimons
O Pierre Dupont, immortel poète !

Q48  T14   tara

J’ai longtemps habité sous de vastes portiques — 1857 (9)

Baudelaire Les fleurs du mal

La vie antérieure

J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d’une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l’unique soin était d’approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.

Q48 – T30

Madame, j’aime fort les châteaux en Espagne, — 1855 (3)

Marc du Velay Les Vélaviennes

Une chaumière et la mer

Madame, j’aime fort les châteaux en Espagne,
Seul au coin de mon feu j’en bâtis quelquefois;
Mais je n’en fais jamais d’aussi charmants, je crois,
Que notre humble chaumière au fond de la Bretagne.

Elle est toute de joncs, de mousse, et je la vois
Si bien, qu’assez souvent j’espère en ce beau rêve;
Et je me dis: peut-être, au bord de quelque grève
Est-il un doux abri que Dieu fit pour nous trois.

Que nous serions heureux! Vous iriez sur la plage
Cueillir la nacre verte au brillant coquillage,
Camille chasserait plus loin dans les taillis,

Et moi sur un vieux roc noirci par les orages
Je vous griffonnerais d’effrayants paysages …
Et voici le sonnet que je vous ai promis!

Q48 – T15 ‘plage’ et orages ne riment que pour l’oreille