Je suis l’Esprit, je suis l’Eternelle beauté. — 1907 (3)

Georges Duhamel Des légendes et ballades

3
Le sonnet d’Une

Je suis l’Esprit, je suis l’Eternelle beauté.
Quand je viens à rêver, mon âme emplit le monde
Et la nuit de mes souvenirs est si profonde
Que mon être, il me semble, a toujours existé.

Je suis l’Oreille ouverte à l’accord enchanté
Qui, sans moi, dans le vide irait perdre son onde.
C’est encor de par moi qu’est la lumière blonde
Puisqu’en fermant les yeux je fais l’obscurité.

Et c’est moi qui, l’Eté, prête aux fleurs leur parfum,
Les fruits sont savoureux parce que j’en ai faim,
La chose est belle et bonne ainsi par moi sacrée,

Il n’est rien qui ne touche ou mon âme ou ma main,
J’ai tant pensé que je n’ai plus peur de demain,
Et Dieu, s’il est, n’est Dieu que pour m’avoir Créée.

Q15 – T6

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