– Léo Claretie Sonnets au front d’Arvers
La gnole
Mon goût a son secret, ma teinte son mystère,
Chef-d’œuvre d’alchimie en un tonneau conçu.
Ammoniaque ou pétrole ? Hélas ! je dois le taire,
Car celui qui l’a fait n’en a jamais rien su.
Si je me trouve ici dans mon flacon de verre
Honorée à l’égal des fines de bon cru,
C’est que mon fabriquant, d’un ton autoritaire
A dit : « ça peut se boire ! » et l’intendant l’a cru.
Aussi bien j’aurais pu, par d’autres artifices,
Devenir brillant belge ou bien eau dentifrice,
Mais gnole l’on m’a fait. Donc à chaque repas
Celui qui de me boire aura la folle audace
Dira, grinçant des dents et faisant la grimace :
« Quel est donc ce liquide ? » et ne comprendra pas.
Q10 – T15 – arv
Léo Claretie : Son sonnet est toujours debout.
Il n’y a pas de sonnet de Pétrarque qui ait eu un vogue comparable à celle de ces vers.
L’une des premières réponses fu écrite par madame Cecile Coquerel qui signa C. Gay, ce qui fit attribuer le sonnet à Sophie Gay. Les femmes furent sans doute enchantées de la réplique, cer elles la chantent sur la musique de mademoiselle Casalonga.
On le récite dans les tranchées, et les poilus le savent par cœur. Et quand ils sont de loisir, ils le parodient.
Jules Janin : ce peit bousquet de myosotis traversera les siècles.