Joséphin Soulary Oeuvres poétiques
Là-bas
Dans mon coeur indolent, prompt à se dessécher,
Le souvenir d’hier laisse une trace à peine:
Mais de ses bords lointains l’enfance me ramène
Un souvenir dont rien ne peut me détacher.
Paysage naïf, que j’aime à t’ébaucher!
Rends-moi ma soeur de lait, la brune Madeleine,
Et tous nos biens à deux, boutons d’or dans la plaine,
Nids chanteurs dans les bois, feux au coin du rocher:
Et son beau taureau blanc, et Néra ma génisse,
Fiers lutins qui souvent, trompant notre oeil novice,
S’égaraient par les blés qu’avait dorés Juillet;
Et ce calme enivrant des blondes nuits sans voiles
Quand, sa main dans ma main, nous rêvions aux étoiles,
Sur le seuil de la ferme où l’âtre pétillait.
Q15 – T15