Jules Laforgue – Le sanglot de la terre
La première nuit
Voici venir le Soir, doux au vieillard lubrique.
Mon chat Mürr accroupi comme un sphinx héraldique
Contemple, inquiet, de sa prunelle fantastique
Marcher à l’horizon la lune chlorotique.
C’est l’heure où l’enfant prie, où Paris-lupanar
Jette sur le pavé de chaque boulevard
Ses filles aux sein froid qui, sous le gaz blafard
Voguent, flairant de l’oeil un mâle de hasard.
Mais, près de mon chat Mürr, je rêve à ma fenêtre.
Je songe aux enfants qui partout viennent de naître.
Je songe à tous les morts enterrés aujourd’hui.
Et je me figure être au fond du cimetière,
Et me mets à la place, en entrant dans la bière,
De ceux qui vont passer là leur première nuit.
aaaa bbbb – T15